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J’ai quêté le « silence intérieur » à l’aide d’une appli d’autohypnose
Jusqu’où peut-on aller, grâce à l’hypnose ? À peu près partout, et même à rebours du temps, si l’on en croit « Psychonaute », une appli lancée sur smartphone en 2018. Il n’y a qu’à voir les vidéos proposées aux usagers. « Explorez vos vies antérieures et intérieures », « Créer votre conseil de génies », « Écrire sa légende personnelle » etc. Le tout illustré par des vignettes hautes en couleur style Zelda, Breath of the Wild. L’aventure avec un grand A, quoi. Psychonaute, argonaute… Vous avez saisi l’idée.
Certains pourraient soupçonner une charlatanerie, crier à l’arnaque (l’appli coûte 20 euros par mois, tout de même). Et on les comprend. Difficile de ne pas dresser un sourcil sceptique devant l’ambition odysséenne de la plateforme alors que, aux yeux du commun des mortels, l’hypnose est une méthode douteuse pour arrêter de cloper. Pas plus. Mettant de côté mes propres a priori, je me suis lancé. Avec des succès variables, mais sans regret.
Qu’un singe tarte le souvenir d’une rupture hardcore, c’est possible
Ici, pas de pendule. Juste les voix ambiance ASMR de deux formateurs à l’hypnose, Kevin Finel et Bruno Surace. Ceux-là même qui endossent tour à tour le rôle de Virgile, durant nos navigations à travers les eaux troubles des états de conscience modifiés. Avec un objectif clair en tête : nous métamorphoser en Supermans du mental. Le principe est simple. Notre duo enseigne des exercices à reproduire seuls (en auto hypnose, donc) afin de débloquer une large palette de « pouvoirs ». Enclencher une émotion à volonté, faire des rêves lucides, sonder une existence parallèle.
Pas de « niveaux » au royaume des Psychonautes, tous les contenus sont accessibles d’emblée. N’empêche. En parfait novice, j’opte d’abord pour un objectif soft. Quelque chose qui pourrait, au passage, m’aider à négocier le virage d’une rupture amoureuse particulièrement trash. Je scroll, je scroll et… jackpot, « Silence intérieur ». N’aspirant qu’à trouver un havre de paix qui ressemble de près ou de loin à du silence, précisément, je m’élance vers ce thème comme léopard affamé sur carcasse garnie.
En guise d’intro, Kevin & Bruno rappellent que l’hypnose repose sur le principe qu’il existe en nous une part inconsciente. Voire plusieurs. Et c’est de ce côté que seraient fabriquées la plupart des réflexions qui polluent notre esprit. Reste donc à prendre les rênes du trublion qu’est l’inconscient pour faire taire « le brouhaha des pensées » majoritairement squatté, à titre perso, par mon ex. Mais ça fonctionne aussi avec le rendu de boulot, les rendez-vous dominicaux avec beau papa ou l’éco-anxiété. C’est selon.
Un exercice me fait l’effet d’une épiphanie. On m’y conseille d’offrir un visage à mon inconscient. Ce sera celui de Marcel, le singe capucin de Ross dans Friends.
Pour suivre le thème « Silence intérieur » comme pour la plupart des autres, concrètement, ma mission consiste à m’allonger sur un lit, les yeux fermés, et suivre des instructions. Fastoche direz-vous. Oui, mais non. Plonger dans un état « d’ultra conscience » où chaque parcelle de votre corps est censée se révéler à vous n’a rien d’évident. C’est même tout l’inverse de notre mode de fonctionnement coutumier. Et puis on se sent débile à écouter des inconnus nous susurrer qu’un « monde nouveau » nous attend. On n’arrive pas à se concentrer. On s’agace. On se dit que, décidément, une soirée Netflix and chill aurait été plus productive.
Après plusieurs essais ratés et alors que je désespère de pouvoir un jour trouver ce fameux « Silence intérieur », un exercice me fait l’effet d’une épiphanie. On m’y conseille d’offrir un visage à mon inconscient. Ce sera celui de Marcel, le singe capucin de Ross dans Friends. Ne me demandez pas pourquoi.
On est en hypnose après tout, ça fait bien longtemps que ma logique s’est fait la malle. Suite du programme : demander poliment à Marcel de rejeter certaines pensées, d’en accepter d’autres. Le résultat est déroutant. Suite à mes doléances, chaque souvenir lié à mon récent passé sentimental se mange une tarte dans la tronche par cet ange simiesque. Et de fait, aussi absurde soit-elle, cette métaphore m’empêche d’entrer dans la spirale des associations d’idées négatives. Depuis la « séance », je convoque Marcel dès que l’image de mon ex se pointe. Et la plupart du temps, il arrive à la faire déblayer. Joie.
Dialoguer avec son bras, régresser jusqu’à l’enfance et… Devenir un animal ?
Comme le sentiment d’avoir décroché mon flocon d’autohypnose. Stimulé par les entraînements, je contrôle mieux ma respiration, parvient à donner une valeur sensorielle à mes sensations… Bref, je suis paré pour l’exercice « Dialoguer avec sa part inconsciente ». Pas comme avec Marcel, non. Cette fois il s’agit de se tenir debout, yeux fermés (comme d’hab) et de parler avec mon bras. Par quel procédé ? D’abord, envisager ledit bras tel un je-ne-sais-quoi fonctionnant indépendamment du « je ». Pour cela, il n’y a qu’a écouter mes mentors m’expliquer à la chaîne que ce membre est magnétisé par le plafond. Une fois, deux fois, trois fois… Tant et si bien que – surprise ! – il s’élève brusquement d’une trentaine de centimètres. Comme par lui-même. Un peu flippant, et la suite ne va pas en s’arrangeant puisqu’on me suggère d’engager un jeu de question-réponse avec cette chair soudain étrangère. Quelque chose du style « si tu vires à droite, c’est une réponse affirmative à la question que je te pose ». Reléguant à l’arrière-plan ma peur de finir possédé, j’essaie. Encore, et encore. Mais rien. Aucune interrogation ne me vient à l’esprit, et je reste obsédé par une démangeaison qui me titille le mollet gauche. Bref, c’est râpé. Pas démonté pour un sou, je dis Ciao à mon inconscient et me lance dans une autre thématique de big boss : « Les régressions ».
Et ce n’est pas juste une image. Mon corps semble s’amincir, mes os rétrécir, ma barbe disparaître.
Là on est clairement dans la cour des grands puisqu’il s’agit de revivre des expériences passées. Rien que ça. À la demande de mes seinseis, j’imagine un environnement visuel et sonore qui fera office de « machine à remonter le temps ». Pour certains ça sera le vrombissement de la DeLorean de Retour vers le Futur, pour d’autres les punchlines du lapin blanc d’Alice au Pays des Merveilles. J’ai personnellement opté pour le tic-tac d’une pendule à coucou. Oui, j’aime le vintage kitsch.
Immergé dans une hypnose frôlant la transe, je rentre en hyperventilation et traverse mentalement un chemin aux abords duquel se trouvent divers épisodes de ma vie passée. À mesure que mon esprit parcourt cet album photo, je rajeunis. Et ce n’est pas juste une image. Mon corps semble s’amincir, mes os rétrécir, ma barbe disparaître. Je remonte le cours du temps jusqu’à souffler ma cinquième bougie. L’exercice se propose de me conduire jusqu’à la vie intra-utérine, mais je m’arrête à ce seuil précis sans bien savoir pourquoi – un coup de mon inconscient, sans doute.
Après quatre semaines d’exercices rythmés par plusieurs dizaines de minutes de pratique quotidienne, voilà où j’en suis. Engagé vers l’hypnose pour dégoter une artillerie lourde à déployer contre mon chagrin d’amour, j’en suis arrivé à retrouver la sensation d’avoir des dents de lait fragilisées. Et ce n’est peut-être qu’un début. Car parmi la foule d’exercices que propose l’appli, certains visent carrément à explorer des vies « non biographiques ». Des vies antérieures, futures, simultanées. Avec autant d’identités à découvrir. D’homme on peut devenir femme, et d’humain, loup. Délirant ? Un peu.
Mais ma modeste expérience m’a prouvé qu’avec un peu de discipline (il faut pratiquer pour progresser) et de curiosité (si vous êtes 100 % réfractaire au concept d’inconscient, passez votre chemin) on pouvait se jouer des limites de l’imaginaire. Alors forcément, lorsqu’un tandem de Jedi de l’hypnose m’explique que je peux planer selon mon gré à la manière d’un faucon, je crache pas dessus. Bien fol celui qui le ferait !
Bon allez, je m’y remets et vous dis à toute.
Depuis les cieux, s’il vous plaît.