Au détour d’un selfie et d’une photo de pancakes, j’ai découvert le compte Instagram de Blachette, une illustratrice engagée. À l’occasion de la sortie de sa première bande dessinée sur le mansplaining « M’explique pas la vie mec », co-écrite avec la journaliste Rokhaya Diallo, j’ai posé quelques questions à celle qui redonne à Instagram un grand élan de sororité.
Tu te souviens de ton premier dessin ?
Le premier dont j’ai été fière, c’est un dessin de Zazou du Roi Lion. Je devais avoir 5 ou 6 ans et tout le monde avait été choqué par le réalisme du dessin. Ce qui m’a marquée, ce sont les réactions des personnes autour de moi. Je me rappelle l’avoir gardé dans un boîtier transparent qu’on avait pour nos jeux de Game Boy…
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Ce qui m’a donné envie de me lancer c’est le travail de Pénélope Bagieu et son style BD. Mais depuis toute petite, je suis surtout passionnée par Quino, le créateur de Mafalda, qui a fait du dessin un outil de critique sociale. Je suis aussi une grande consommatrice de mangas et je pense qu’on le ressent dans mes décors, mes couleurs et mes traits: il y a une influence japonaise et coréenne.
Tu dessines souvent les tenues de femmes croisées dans le métro. As-tu des interactions avec chacune d’entre elles ?
Non pas du tout! Je suis assez timide. Du coup, je fais des recherches et je propose des pièces similaires à celle de la tenue d’origine pour permettre aux gens de recréer le look parce que je n’ose pas demander aux filles ce qu’elles portent!
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Quelle place occupent les thèmes de l’amitié et de la sororité dans ton travail ?
Au lycée, j’étais victime de harcèlement. Avec le recul, j’ai réalisé que j’avais eu beaucoup de chance d’être bien entourée et que c’est grâce à l’amitié et à la sororité que j’ai pu traverser cette période: mes dessins racontent ce vécu.
Tu milites aussi beaucoup à travers tes dessins contre le sexisme, les violences policières, l’islamophobie. Est ce qu’il y a eu un déclic qui a déclenché cet engagement ?
J’ai toujours été plus ou moins engagée. À Perpignan, d’où je viens, je faisais partie d’associations qui venaient en aide aux personnes sans-abris et j’ai continué à faire du bénévolat lors de mon arrivée à Paris. Mais l’évènement qui m’a vraiment politisée c’est la mort d’Adama Traoré en 2016.
Quelle est la dernière actualité qui t’a mise en colère ?
Ça date de la semaine dernière. Rokhaya Diallo était sur le plateau de 28 minutes d’Arte et Pascal Bruckner l’a accusée d’être à l’origine des attentats de Charlie Hebdo… Dans l’ensemble, je suis souvent en colère !
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Comment est né le projet de « M’explique pas la vie mec » ?
C’est Sophie Chédru, éditrice chez Hachette Marabout, qui a proposé à Rokhaya un projet de bande dessinée sur le thème du mansplaining, un sujet sur lequel elle voulait travailler depuis longtemps puisqu’elle le subit au quotidien. Lors de ces interventions dans les médias, des hommes blancs lui coupent sans cesse la parole pour invalider son propos. Comme Rokhaya me connaissait, elle a pensé à moi pour la partie dessin. Pour le contenu, il nous a juste suffi d’écouter notre entourage ! On voulait que cet ouvrage fasse office de guide en donnant des clés aux femmes pour reprendre la parole dans ces différentes situations.
Ça fait quoi de travailler avec Rokhaya Diallo ?
Je ne réalise toujours pas! En fait ça a commencé le jour où Nadine Morano a insulté Rokhaya Diallo sur Twitter en écrivant qu’elle ne devait pas prendre la parole car c’était une « Française de papier ». J’avais réagi en dessinant Rokhaya avec un bonnet phrygien. C’est là que la connexion s’est créée mais jamais je n’aurais pensé que cela mènerait à une collaboration 3 ans après. Peut-être que je réaliserai lorsque j’aurai le livre entre les mains.