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Trois séries qui abordent (enfin) le trauma des femmes avec soin

On a envie de dire : il était temps.

Par
Marine Langlois
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On ne compte plus les séries où les traumatismes des femmes sont abordés de manière cavalière, superficielle voire problématique. Je pense notamment à une scène de Game of ThronesSansa Stark insinue que son violeur l’a rendue plus forte… Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Un scénario se répète souvent : un personnage féminin subit des choses horribles et en ressort badass, presque dénué de toute émotion. Le stéréotype de la « femme forte » quoi. Mais pourquoi ne pas laisser à ces femmes le temps d’explorer leurs traumatismes et montrer avec soin leur complexe processus de guérison ? C’est ce qu’ont fait avec brio ces trois séries.

Attention, cet article contient des spoilers sur WandaVision.

WandaVision (2021), disponible sur Disney +

WandaVision est bien plus qu’une simple série de super-héros. Elle aborde avec une finesse à laquelle Marvel ne nous avait pas forcément habitué, la question du deuil. Pendant 9 épisodes, nous suivons les aventures de Wanda Maximoff (Elizabeth Olsen) et de son compagnon Vision (Paul Bettany). Dès les premières images, WandaVision trouble. Pourquoi nos Avengers préférés se trouvent-ils dans un programme des années 50 à l’image de The Dick Van Dyke Show ? Pourquoi chaque épisode nous emmène-t-il dans une autre décennie et une autre sitcom (Ma Sorcière bien aimée, Malcolm, Modern Family…) ? Mais surtout pourquoi Vision, tué à la fin d’Avengers : Infinity War, est-il toujours en vie ?

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La réponse arrive dans l’épisode 8 : Wanda a créé une sorte de réalité alternative dans laquelle elle et Vision vivent le parfait amour et ont même deux jumeaux, Billy et Tommy. Accablée par la tristesse après avoir perdu ses parents, son frère et l’amour de sa vie, Wanda s’effondre et ses pouvoirs prennent le dessus. Car au fond, WandaVision est une série sur les nombreux traumatismes de son héroïne principale. « C’est comme si une vague déferlait sur moi encore et encore. Elle me renverse et chaque fois que j’essaie de me relever, elle retombe sur moi. Et là, je crois qu’elle va me noyer », explique-t-elle à Vision. Ce à quoi il répond : « Qu’est-ce que le deuil sinon de l’amour refusant de s’éteindre ? »

À travers son jeu, Elizabeth Olsen montre toute la souffrance de Wanda. Cette dernière finira par faire son deuil en laissant derrière elle Vision et leurs enfants, pour libérer les habitants qu’elle retient en otage dans cet univers créé de toute pièce. C’est une véritable réussite pour Marvel qui signe l’une des meilleures séries de ce début d’année.

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The Flight Attendant (2021), disponible sur Warner TV

Arrivée le 27 avril sur Warner TV, The Flight Attendant est une série bien plus profonde qu’il ne paraît. Kaley Cuoco joue Cassie, une hôtesse de l’air qui enchaîne les soirées et les flirts. Un soir d’escale à Bangkok, elle passe la soirée avec Alex (Michiel Huisman), un riche passager de son vol. Mais au réveil, c’est la douche froide : Cassie et sa gueule de bois retrouvent le bel homme d’affaires assassiné à côté d’elle. Paniquée, elle décide de ne pas prévenir la police et se retrouve malgré impliquée dans les magouilles d’une organisation criminelle internationale. Ah et n’oublions pas qu’une tueuse à gages redoutable (incarnée par Michelle Gomez) est désormais à ses trousses.

Avec ce pitch de départ, on s’attendait à ce que The Flight Attendant soit une série classique et sympathique qui se regarde sans se prendre la tête. D’un côté, elle remplit toutes ces cases : c’est un thriller rempli d’énergie qui prouve que Kaley Cuoco est bien plus que la girl next door de The Big Bang Theory. Mais au-delà du suspens, The Flight Attendant s’attarde sur les traumatismes de Cassie qui noie ses problèmes dans l’alcool. Notre protagoniste s’échappe régulièrement dans sa propre psychée où se trouve Alex, son amant assassiné. Loin d’être un réconfort, ce « monde alternatif » la force à revisiter des souvenirs d’enfance qu’elle avait longtemps réprimés.

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Cassie ne va pas bien et plus les épisodes de The Flight Attendant passent, plus le spectateur s’en rend compte. Au-delà du mystère autour de la mort d’Alex, la complexité de cette héroïne principale qui doit affronter ses traumatismes d’enfance est la force de la série.

I May Destroy You (2020), disponible sur OCS

Il est impossible d’aborder la question du trauma des femmes dans les séries sans vous reparler de l’une des meilleures œuvres télévisuelles de 2020 : I May Destroy You. Michaela Coel y incarne Arabella, une écrivaine anglaise à succès en pleine écriture de son deuxième roman. Alors que sa deadline approche, Arabella va passer la soirée dans un bar avec ses amis. Quelqu’un met de la drogue dans son verre et elle se réveille le lendemain matin, blessée au front et sans aucun souvenir. Des images violentes lui reviennent en tête par brides : un homme au-dessus d’elle dans des toilettes. Arabella se rend compte qu’elle a été violée. Son histoire est tirée du vécu de sa créatrice Michaela Coel.

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Plutôt que de s’attarder sur la recherche de l’identité du violeur, I May Destroy You raconte les différentes étapes du trauma d’Arabella. Elle commence par essayer de reprendre le contrôle de sa vie à coup de « Tout va bien » et en se plongeant dans l’activisme sur les réseaux sociaux. Mais la reconstruction d’Arabella est longue et si réaliste qu’elle est souvent douloureuse à regarder pour le spectateur. Arabella souffre et se perd dans des solutions qui ne l’aident pas vraiment.

Le propos d’I May Destroy You est fort. Les conséquences d’un viol peuvent affecter sur le long terme et il n’y a pas de recettes miracles ou de guérison instantanée. Pas de bonnes ou de mauvaises manières de réagir. Dans un dernier épisode puissant, Arabella imagine plusieurs scénarios dans lesquels elle confronte son violeur. Va-t-elle le tuer ? Le consoler ? Appeler la police ? I May Destroy You frappe fort mais toujours avec justesse.

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