.jpg)
Ode à Sansa Stark, un personnage qui méritait mieux
10 ans déjà.
10 ans que Game of Thrones a envahi et chamboulé le paysage télévisuel. Le premier épisode a été diffusé le 17 avril 2011 sur HBO et le dernier, le 19 mai 2019. Certes le programme n’a pas toujours brillé par sa qualité, je me suis moi-même beaucoup plaint de certaines saisons. Mais notre attachement pour les personnages peut survivre vents, tempêtes et incohérences scénaristiques. Personnellement, j’ai toujours une place spéciale dans mon cœur pour Sansa Stark. Vu la haine qu’elle a reçu sur les réseaux sociaux tout le long de la série, j’ai voulu prendre (encore une fois) sa défense.
(Attention, n’ayant lu que le premier tome signé George R.R. Martin, cette ode à Sansa Stark se base uniquement sur le personnage présent dans la série.)
Injustement comparée à sa soeur
Quand nous rencontrons Sansa Stark au début de Game of Thrones, elle est jeune, un fait que beaucoup semblent avoir oublié. Est-ce une raison pour lui pardonner sa naïveté et sa superficialité ? Oui, car il paraît injuste de demander à une enfant (certes très privilégiée) d’abandonner son innocence pour se conduire comme une adulte. Sansa aime les belles robes, croit que l’affreux Joffrey est son prince charmant et n’est pas toujours très gentille avec sa famille. On peut comprendre qu’elle puisse énerver certains spectateurs mais mérite-t-elle vraiment toute la haine qu’elle a reçue ? Ce qui est regrettable est qu’on lui a rapidement collé l’étiquette de « chiante » alors que sa sœur Arya est adorée des fans.
Car évidemment quand deux personnages féminins sont proches et évoluent dans le même univers, il faut les comparer. Arya Stark est la petite sœur de Sansa mais elles ne peuvent pas être plus différentes. Arya n’aime pas les activités dites « féminines », elle aime se battre et ne perd pas son temps à rêver de mariage. Arya est le stéréotype du Strong Female Character, une femme badass à qui on a attribué des traits de caractère associés au masculin. À partir de ce moment-là, beaucoup d’hommes vont apprécier Arya car elle n’est pas comme les autres filles mais l’une des leurs. Je n’ai rien contre ce personnage mais tout l’amour qu’elle a reçu alors que sa sœur a été haïe à cause de sa féminité – associée à de la faiblesse – pose question. Une manière de penser misogyne ? Sûrement.
Maltraitée par les scénaristes
Les saisons passent et le personnage de Sansa évolue. Son prince charmant se transforme en monstre qui exécute son père, elle est mariée de force deux fois, échappe à ses bourreaux pour tomber dans les bras d’autres… Bref, la vie n’est pas facile. Sansa apprend rapidement à jouer les jeux de manipulation et de politique qui font loi dans Game of Thrones. Si elle n’est pas le seul personnage féminin à être maltraité par les scénaristes, une scène la concernant est particulièrement dérangeante. Dans l’épisode 6 de la saison 5, Sansa épouse sans son consentement un type horrible qui va ensuite la violer devant Theon Greyjoy, un ami d’enfance des Stark.
Plusieurs choses posent problème. Déjà, cet énième viol – comme beaucoup dans la série – n’est absolument pas nécessaire et n’a même pas lieu dans les livres. C’est un ajout volontaire des scénaristes. De plus, la scène est filmée du point de vue de Theon Greyjoy (bonjour le male gaze) et sert à faire avancer son personnage. Avions-nous vraiment besoin de maltraiter une femme pour qu’un personnage masculin puisse commencer sa rédemption ? Non. Cette scène a, à juste titre, provoqué l’indignation de nombreux fans sur les réseaux sociaux.
Arrêtons d’utiliser le viol comme outil scénaristique
Vous pensiez que les scénaristes allaient s’arrêter là ? Que nenni. Avançons un peu dans le temps. Dans la huitième et dernière saison, Sansa est réunie avec Sandor Clegane qui l’a aidé par le passé. Ce dernier affirme que la jeune femme a changé, ce à quoi elle répond : « Sans Littlefinger et Ramsay et les autres, je serai restée un petit oiseau toute ma vie ». Avec cette simple réplique, Sansa insinue qu’elle est reconnaissante envers ceux qui ont abusé d’elle sans qui elle ne serait pas la femme forte qu’elle est aujourd’hui. Comme l’explique l’actrice Jessica Chastain sur Twitter : « Le viol n’est pas un outil pour rendre un personnage plus fort ». Un fait que les créateurs de Game of Thrones ont du mal à comprendre.
La quasi-absence de femmes aux manettes des épisodes de Game of Thrones se ressent beaucoup dans l’écriture des personnages féminins. Sansa Stark était intéressante dès le début et sa trajectoire prouve qu’il ne fallait pas la sous-estimer. Elle n’avait pas besoin d’être violée pour motiver son renforcement de caractère et sa vengeance. Les traumatismes de la mort de ses parents et ses frères n’étaient-ils pas assez ? Maltraitée par les scénaristes et détestée par une partie du fandom, Sansa Stark méritait mieux. On peut se réconforter en se disant qu’elle a fini sur le trône. La Queen of the North comme il se doit.