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« Réfléchissez avant d’avoir des gosses. On n’a pas demandé à vivre » : sur TikTok, la parentalité fait débat
Tout est parti d’une vidéo « pour mes futurs enfants qui n’existeront jamais », postée sur Tik Tok le 4 septembre 2021 par Myriam, 23 ans, étudiante en sciences politiques. Dans cet extrait, la jeune femme se filme et présage de façon catégorique : « Je ne serai jamais maman. Pas dans ce monde-là, en tout cas », regrette-elle.
https://www.tiktok.com/@mymylagalere/video/7004171970665336070?_d=secCgYIASAHKAESPgo8TFGS1PnqFSMbSrvXvJvwPPI37sS8AR59y%2FAVchPohTIKdgsC%2FzpCxhFbFBBaC%2BaE7TLOmo0SrmhQ0vKNGgA%3D&checksum=bb5d8e14e02aee0ba78b41c64e7c47fe2d2f02801a4dde553b598c67ab676f04&language=fr&preview_pb=0&sec_user_id=MS4wLjABAAAA9JgDmdqO5_lIDaxCQdhkjnIXsaLAZUISZQV_g0I8ZGCZsQbaEWX8kzWTBRaAgXry&share_app_id=1233&share_item_id=7004171970665336070&share_link_id=5C606573-0859-44DE-BCDB-C6379ABB593C&source=h5_m×tamp=1631043712&tt_from=copy&u_code=d2c01c10jh4cl9&user_id=6607738415549497349&utm_campaign=client_share&utm_medium=ios&utm_source=copy&_r=1
Quelques vidéos plus tard, toujours sur la plateforme adulée des jeunes, c’est au tour de Matthias, 25 ans, artiste, de prendre la parole à ce sujet : « Réfléchissez avant d’avoir des gosses. On n’a pas demandé à vivre à la base ».
https://www.tiktok.com/@matxchrs/video/7003999290834046214?_d=secCgYIASAHKAESPgo8b6vVj4f1%2Brscfg8Y34s30An28Kga01Px7GBSWXmITOb5V%2Blh4RTk44uNo098JRaZhjQb5mTKrIENI%2BoXGgA%3D&checksum=c8e5fbed236bf1482ce314f6d94d44750bda6ebea1c089f2cbc2ec9ed70a0feb&language=fr&preview_pb=0&sec_user_id=MS4wLjABAAAA9JgDmdqO5_lIDaxCQdhkjnIXsaLAZUISZQV_g0I8ZGCZsQbaEWX8kzWTBRaAgXry&share_app_id=1233&share_item_id=7003999290834046214&share_link_id=238014D0-06CA-4F56-AA67-5E574498A292&source=h5_m×tamp=1631043596&tt_from=copy&u_code=d2c01c10jh4cl9&user_id=6607738415549497349&utm_campaign=client_share&utm_medium=ios&utm_source=copy&_r=1
Intrigués, on suit la piste. Et en farfouillant la thématique, nous sommes tombés sur un vivier de jeunes adultes qui se posent des questions autour de leur potentielle future (non-)parentalité. On en a parlé avec eux et avec Catherine Marion, psychanalyste à Paris. Conversation sans langue de bois.
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Myriam : « Je me suis toujours promis de ne pas avoir d’enfants. J’ai beaucoup souffert dans ma vie et je ne supporterais pas l’idée que mon enfant puisse potentiellement en baver autant. Je suis une femme, je suis racisée et je suis musulmane. Un tiercé gagnant dans notre société. C’est compliqué pour tout : c’est compliqué dans mes études, c’est compliqué de trouver un travail, un logement. Je n’ai pas envie d’imposer cela à qui que ce soit. Ma décision vient aussi, je pense, du contexte dans lequel j’ai grandi. Je suis née en 1998. J’ai grandi avec la tempête de 1999, avec le 11 septembre 2001, avec la guerre en Irak, la canicule de 2003, le séisme à Haïti, Fukushima et j’en passe… Dernier exemple en date : le Covid-19. J’ai grandi avec l’épée de Damoclès climatique au-dessus de la tête et avec l’idée que je ne trouverai pas forcément un travail après mes études… À quoi bon ? Je n’ai pas envie de cette vie pour un enfant. Peut-être que j’en aurais eu dans un autre monde…».
Catherine Marion : « Ces événements du début du troisième millénaire ont imprimé les sensibilités. (C’est d’ailleurs ce que révélait un sondage OpinionWay publié par Le Parisien, en partenariat avec France 2 et France Inter publié fin 2020. 70 % des Français ont été frappés par l’effondrement des tours jumelles de New York, NDLR). Et depuis, le constat est toujours vrai : nous ne sommes pas dans un paradigme très enthousiasmant. Mais cet argument était déjà utilisé bien avant les années 2000, déjà dans les années 60 et il existera toujours. Les questions concernant la parentalité sont courantes chez les adolescents et les jeunes adultes. Elles font partie des interrogations inhérentes à leur développement psychique. Grosso modo, ils vont soit s’adapter, soit s’opposer à ce qu’ils ont toujours connu. Derrière cet argument, il y a donc aussi peut-être une réflexion un peu adolescente d’une jeune adulte qui n’a peut-être pas encore tous les moyens d’agir et qui projette ça sur le monde ».
Myriam : « Quand j’explique mon raisonnement, la première réflexion des gens, c’est de me dire que je vais changer d’avis. Comme si c’était un problème de ne pas vouloir d’enfant. Et le pire, c’est que généralement ces réflexions viennent de parfaits inconnus ».
Catherine Marion : « Nous sommes dans une société qui prolonge l’adolescence. C’est d’ailleurs pour cela qu’on parle parfois d’adulescence. Et justement, à cette période, l’individu est en quête d’autonomie. Lorsqu’il reçoit une réflexion qui veut dire “je sais mieux que toi”, il va alors se sentir directement attaqué. Il n’aura pas la tranquillité de l’adulte qui, lui, sera suffisamment serein dans son raisonnement pour ne même pas relever la remarque et donc ne pas s’offenser ».
Matthias : « De mon côté, je ne sais pas encore si j’ai envie ou non d’être père. Ce que je sais, c’est que si j’ai des enfants un jour, ma décision sera mûrement réfléchie. Et qu’il faudrait qu’elle soit mûrement réfléchie pour tout le monde. Combien de personnes autour de moi sont devenus parents parce qu’ils espéraient sauver leurs couples ? Parce que cela s’inscrivait dans une “suite logique” des choses, après le mariage et le pavillon ? Pour avoir une raison de vivre ? Pour éviter de se retrouver seul à un moment donné ? Toutes ces raisons ne sont pas les bonnes et elles risquent de laisser des fêlures chez les enfants qui grandissent. Et qui n’ont pas demandé à vivre ».
Myriam : « C’est plus souvent, je trouve le fait des hommes. Pour en parler régulièrement autour de moi, il y a chez certains hommes (même de mon âge), un côté très traditionnel du style “je veux une descendance”, sans toujours bien réfléchir en amont aux ressources temps/argent/énergie, que la parentalité demande ».
Catherine Marion : « Quand nos arrières grands-parents et nos grands-parents ne se posaient pas du tout la question de la parentalité, nous nous la posons aujourd’hui. Cela illustre un phénomène générationnel, une évolution dans les mentalités, qui s’éloignent peu à peu du schéma traditionnel. Moins attachés à la norme, les futurs parents vont donc plus systématiquement se demander s’ils ont réellement envie de se lancer dans l’aventure, ou non. Et c’est une bonne chose ».
Matthias : « Si un jour je prends la décision d’être père, en revanche, je sais que j’adopterai. Je suis conscient des menaces qui pèsent sur l’environnement et je n’ai pas envie d’aggraver la situation en augmentant la population mondiale. Surtout quand on sait que beaucoup de nourrissons naissent sans parents. Plutôt que de procréer sur une planète qui ne peut plus accueillir, je préfère le parti de prendre soin des personnes déjà présentes ».
Catherine Marion : « C’est en effet un argument que l’on retrouve, surtout chez la jeune génération. Mais encore une fois, c’est plutôt quelque chose de positif, puisque cela résulte d’une réflexion approfondie. Toutes ces questions, c’est une bonne chose. Elles font avancer le débat ».
Sur le sujet, relisez aussi notre papier sur ce qui nous pousse à faire des enfants et sur ce qui nous fait regretter notre choix… ;)