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Pourquoi la contraception masculine va de soi
Souvent, je pense à la “chance” que j’ai d’être un homme. Même certaines de mes copines me l’avouent parfois : « Si j’avais eu le choix, j’aurais préféré naître homme ». Comment, en 2022, peut-on encore regretter d’être une femme sur terre ? … Évidemment, vous savez pourquoi.
Probablement, parce qu’être une femme dans nos sociétés, c’est fatigant à tous niveaux. Ça demande de faire X fois plus qu’un homme pour être à leur niveau. Cherchez l’erreur.
Et parmi ces poids qui pèsent sur le dos des femmes, il y a la fameuse contraception. Soyons honnêtes : elles se tapent ce fardeau à bout de bras et souvent seules, depuis des années. Et vous savez quoi ? Elles en ont ras les ovaires et elles ont entièrement raison. Je vais vous expliquer brièvement pourquoi.
« LA CAPOTE ME FAIT UN GARROT AU CHIBRE » ET AUTRES ÉNORMITÉS
Je me rappelle encore de la fois où, sur TikTok, je suis tombé sur ce profiteur de buzz. Je l’avais déjà vu passer sur Twitter, à cause des propos qu’il tenait sur le « fait d’être français », tout un programme déjà. Et puis il y a eu une autre vidéo où il disait : « La capote me fait un garrot au chibre ». Il avait réussi son coup : j’ai fini par mater toute sa vidéo et l’écouter m’expliquer par A+B que le préservatif est… un poids POUR NOUS LES HOMMES. Le pire dans l’histoire ? Les commentaires du genre : « Il a tout dit », « Il a dit tout haut ce que les mecs pensent tout bas », « Entièrement d’accord mon gars », etc. Un soutien qui en dit long sur l’état d’esprit de certains hommes (encore trop nombreux) sur la contraception.
Nelson Mandela disait : « L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde » ; la voilà la racine de nos divergences. Comme beaucoup de personnes munies d’un pénis, j’ai longtemps été inculte sur le sujet de la contraception. La première approche que j’ai pu avoir, c’était en 6ème. « Les grands » avaient ramené une capote au collège pour nous montrer « la vie d’adulte » (en réalité, ils découvraient en même temps que nous, cet étrange rond en latex).
Encore dans son emballage et dans ma plus simple innocence, j’ai d’abord cru que c’était un pin’s. Une fois sorti, j’ai compris qu’il serait beaucoup trop gras pour le mettre sur ma veste. Après avoir testé toutes les blagues possibles et imaginables autour de ce nouvel objet, tout ce que nous pouvions en faire à notre âge, c’était une bombe à eau. Quatre heures de colle pour avoir lancé cet obus rafraîchissant du cinquième étage du collège : voilà le premier rapport que j’ai eu avec un préservatif.
La seconde fois que j’ai pu voir cet anneau de latex, c’était dans les mains de ma professeure. Non, je n’ai pas réalisé le fantasme de tous les élèves en pleine poussée d’hormones, mais juste suivi un cours d’éducation sexuelle – que ni notre prof ni nous n’avions envie d’avoir. Voilà donc ma professeure de SVT en train de montrer, à toute une classe hilare, comment mettre un préservatif sur un concombre. Dans ma tête, je me disais juste: « Attends, ce concombre géant est censé représenter le petit compagnon qui me suit depuis si longtemps ? » et « Ça se voit qu’elle a été forcée à faire ça la prof ». La pauvre.
En grandissant, j’ai compris que le problème majeur de ce manque de connaissance sur la contraception venait d’un manque d’éducation. On y revient toujours. Si j’étais déjà perdu pendant ce télé-achat pédagogique d’à peine 30 minutes sur le préservatif, qu’en aurait-il été si on m’avait parlé de stérilet, cape cervicale ou diaphragme, pilule, et j’en passe ?
Une fois qu’on aura accepté l’idée de mettre en place davantage de cours d’éducation sexuelle qui tiennent la route et dispensés par des gens formés sur le sujet, peut-être que les mentalités pourront évoluer. Peut-être qu’en brisant les tabous, en désamorçant les fous rires et en établissant un dialogue constructif avec toute la classe, une révolution des moeurs se mettra en route. Mais le chemin est encore long.
CONTRACEPTION MASCULINE QUÉCÉCÉ ?
Une pilule pour homme, des slips chauffants, un anneau contraceptif, la vasectomie… Tout cela était encore du charabia pour moi, il n’y a pas si longtemps. Alors quand on m’a expliqué ce qu’était la vasectomie au lycée, j’étais à deux doigts de faire une syncope. À cet âge, pour moi et ma bande de testostéronés, il était hors de question de toucher à nos bijoux de famille (auxquels, bien souvent, on avait même donné un petit nom). Bref, pas touche minouche. Dans un pays phallocratique, le zizi est roi !
Par contre, ça ne nous choquait pas tellement que Clémence ait un implant contraceptif dans le bras, qu’Élise ait subi une pose de stérilet (dans d’atroces souffrances) ou que les faits et gestes de Yasmine soient dictés par son « alarme de pilule ». Non, ça nous paraissait normal tout ça. Comme pour nos mères et nos grands-mères, la contraception, c’était leur part du contrat à elles.
Et puis j’ai grandi, la Fac de « gauchistes » où j’ai atterri et les différentes relations que j’ai pu nouer, m’ont ouvert les yeux. Heureusement.
Au fur et à mesure des discussions que j’avais avec mes partenaires ou dans mes interactions sociales, j’ai compris le lourd fardeau que toutes ces femmes avaient appris à porter dès leur adolescence, sans jamais être aidées par leurs partenaires. Ces femmes, du même âge que moi, m’ont appris ce que personne ne m’avait enseigné jusqu’alors. Grâce à elles, j’ai réalisé que la contraception était leur quotidien depuis leurs 15-16 ans. À l’âge où moi, je me désinformais complètement sur le sujet, à cause du porno.
Alors c’est comme ça que ça marche ? Les femmes apprennent comment gérer leur contraception, les risques auxquelles elles s’exposent, et qu’elles risquent aussi de se faire traiter de « pute » si elles s’épanouissent sexuellement, pendant que les hommes, eux, apprennent à réaliser les acrobaties les plus folles sans jamais se soucier du plaisir féminin par le biais de fictions mal jouées ? Il y a un sérieux problème de répartition.
À côté de cela, au lycée, j’en entendais encore certains me raconter leurs ébats sexuels non protégés : « Et au pire y’a la pilule du lendemain, mec ». Cette phrase maintenant ne sonne plus pareil dans ma tête.
Quand j’écoute ce gars si serein me dire qu’il y a la pilule du lendemain, je ne peux m’empêcher de me demander s’il tiendrait le même discours si c’était lui qui devait prendre cette fameuse pilule salvatrice, faire un test de grossesse et gérer tout le stress qui va avec. Si c’était lui qui devait se faire dilater le col de l’utérus pour interrompre une grossesse. Si c’était lui qui devait se soucier de toute la charge psychologique post-IVG. Certainement pas. Lui n’aura qu’à accompagner sa partenaire (s’il se sent assez concerné par le problème, ce qui est rarement le cas), à ses nombreux rendez-vous de contrôle.
Pourtant, j’entends encore beaucoup trop de mecs compter sur l’IVG comme dernier recours. Mais qui nous a laissé penser un jour que ce choix nous appartenait ? Il s’agit du corps des femmes : leur corps, leur choix.
Comment peut-on être si à l’aise avec le fait de laisser tout ce poids reposer sur les épaules de sa partenaire ? Comment peut-on encore penser que si un “problème” survient après un rapport sexuel, c’est à la femme de le résoudre toute seule ?
Il est urgent de rééduquer la population (jeune et moins jeune) sur le sujet de la contraception et de sa répartition. Il est urgent de mieux sensibiliser les garçons, dès leur plus jeune âge à la contraception et aux risques de rapports non protégés. De désamorcer tous les tabous et d’envoyer valser les idées reçues. Mais enfin et surtout de démocratiser la contraception masculine.
« ON S’EN SORT PLUTÔT BIEN AVEC CETTE PETITE BOUILLOTTE POUR TESTICULES… »
Aujourd’hui, j’ai 21 ans et pourtant je n’ai découvert que très récemment toutes les possibilités qui s’offraient à moi en matière de contraception. Dans ma tête, je n’avais que trois choix : la capote, le retrait (pour les amoureux du danger) ou la vasectomie (que je pensais être une véritable torture). Étant hypocondriaque, j’ai donc opté pour la capote. Mais le drame de la « capote trouée » me hante à chaque fois. Que me reste-t-il donc pour être sûr à 100 % de ne pas avoir un petit être dans les bras 9 mois plus tard alors que je sais à peine m’occuper de moi ?
Lorsque j’ai pu en apprendre plus sur la vasectomie, j’ai réalisé que j’étais juste rempli d’idées reçues. Non, l’opération n’est pas douloureuse. Oui, elle est rapide. Non, elle n’est pas absolument définitive. Et oui, je pourrais continuer à éjaculer. Si l’on avait commencé par me dire ça plus jeune (plutôt que de me montrer les images d’une opération), j’aurais sûrement eu une approche différente…
Mais la vasectomie n’était pas le choix le plus adéquat que je pouvais faire. Puisque dans mon grand égoïsme, je compte bien avoir une progéniture qui vivra dans un monde post-apocalyptique. Il fallait donc que je trouve autre chose pour bloquer mon armée de mini-marathoniens. J’ai alors trouvé deux contraceptions dont je n’avais jamais entendu parler : le slip chauffant (que j’ai cru être une grosse blague au début) et l’anneau contraceptif. Ces deux inventions fonctionnent sur le même principe de chaleur, car il est prouvé, qu’exposé à la chaleur même corporelle, le taux de production de spermatozoïdes diminue grandement. Il faut avouer encore une fois, messieurs, que l’on s’en sort plutôt bien avec cette petite bouillotte pour testicules…
Après tout ce pèlerinage sexuel, je me sens enfin prêt. Je me sens prêt à partager le poids de la contraception sans me protéger derrière le dogme patriarcal de la responsabilité contraceptive uniquement féminine. Je n’ai pas honte d’avouer qu’il m’a fallu toutes ces années pour comprendre que la contraception me concernait tout autant que ma partenaire. La faute à mon manque d’éducation en la matière.
Malgré tout, j’ai bon espoir pour le futur. Je sais que les choses vont changer. De plus en plus d’hommes et de femmes réalisent que le poids de la contraception se porte à deux, mieux vaut tard que jamais. Bref, bien installé dans mon slip chauffant, je vous le dis : COMMU-NIQUONS !