Dans le joyeux bordel que continue d’être 2020, je cherchais une chose de plus à chambouler, un truc où je pourrai dire plus tard: « Ah oui, 2020, c’est aussi l’année où j’ai… » Entre me mettre au vélo dans Paris et trouver une AMAP, j’ai élu ma tâche de l’été : arrêter la pilule. Dans ma démarche, les témoignages m’ont beaucoup éclairée, aussi je vous fais part du mien, sans autre prétention que de partager mon expérience.
J’ai commencé à prendre la pilule contraceptive il y a trois ans, après un raté qui m’a conduit à prendre la pilule du lendemain. J’étais très peu informée sur le sujet, j’avais tardé à la prendre simplement par crainte de l’engagement quotidien, et même sans avoir entendu parler des galères qui l’entourent.
DÈS LA PREMIÈRE SEMAINE, J’AI COMMENCÉ À ÊTRE VRAIMENT DÉPRIMÉE, SANS FAIRE LE LIEN IMMÉDIATEMENT. JE N’AVAIS SURTOUT PAS ENVIE DE SEXE, CE QUI ÉTAIT QUAND MÊME LE COMBLE.
Dès la première semaine, j’ai commencé à être vraiment déprimée, sans faire le lien immédiatement. Je traînais au lit sans avoir envie de rien faire, un voile noir s’était abattu sur mon quotidien. Je n’avais surtout pas envie de sexe, ce qui était quand même le comble. En lisant la longue liste d’effets secondaires possibles de ma nouvelle pilule (Optilova), je découvris que la déprime était effectivement assez fréquente.
Une étude réalisée au Danemark en 2017 observe un lien entre contraception hormonale et prise d’antidépresseurs, suggérant que la dépression est un effet secondaire de la prise de pilule.
En traînant sur des forums, aussi. Trop peu d’études ont été réalisées sur cet effet, et on ne met pas les patientes en garde. Une étude réalisée au Danemark en 2017 observe un lien entre contraception hormonale et prise d’antidépresseurs, suggérant que la dépression est un effet secondaire de la prise de pilule. A l’époque, j’avais appelé ma gynécologue, qui m’avait dit qu’il fallait laisser au moins trois mois à mon corps pour s’habituer. Donc j’ai serré les dents, et j’ai attendu.
Jusqu’ici tout va bien
S’en suivirent deux années de prise de pilule sans trop d’encombres. J’ai été assez chanceuse ensuite, puisque la déprime est passée au bout de deux mois, et je n’ai pas remarqué d’autres changements, si ce n’est un peu moins d’acné. C’est cette année que les choses ont commencé à changer. Ma libido s’est fait la malle à l’automne et n’est toujours pas revenue. Encore une fois, la baisse de libido est une des conséquences les plus fréquentes. Dans une étude de 2015, on découvre que 27% des femmes utilisant une méthode contraceptive hormonale déclarent une baisse de libido qu’elles attribuent à cette méthode, tandis que c’est le cas de seulement 12% des femmes utilisant une méthode contraceptive non-hormonale.
Petit à petit, j’ai vu la pilule blanche que j’ingérais religieusement tous les soirs sous un nouveau jour.
En plus de cela, ma peau et mes muqueuses sont devenues de plus en plus sèches, et enfin mon SPM (syndrôme prémenstruel) de plus en plus larmoyant. Encore une fois, j’ai mis plusieurs mois à faire le lien. C’est en entendant des amies parler de ces mêmes effets qui étaient apparus avec une nouvelle pilule que j’ai trouvé le dénominateur commun. Petit à petit, j’ai vu la pilule blanche que j’ingérais religieusement tous les soirs sous un nouveau jour. Au bout de deux ans, commençait-elle à me changer un peu trop profondément ? Jusqu’à quand allais-je devoir la prendre ? Comment faire sans ?
Une fois qu’on a l’idée en tête, il devient très difficile de continuer à prendre la pilule tous les jours. Je suis entrée dans une dissonance cognitive difficile à supporter, qui n’a pas amélioré mon rapport à mon corps et au sexe. Il fallait que j’arrête pour savoir qui j’étais sans.
Make it stop
Plusieurs facteurs m’empêchaient d’arrêter tout de suite : j’étais dans une relation, donc il fallait trouver une alternative rapidement (hello la charge sexuelle), et celle à laquelle je pensais, à savoir le stérilet, favorise les infections vaginales, auxquelles je suis déjà sensible. Pendant plusieurs mois, j’ai cherché, demandé, interrogé toutes les filles que je croisais, pour me rendre compte que personne n’avait trouvé LA solution miracle, seulement l’option la moins néfaste. Chaque femme réagit différemment aux contraceptifs, à leur prise comme à leur arrêt, et ces effets évoluent même au cours de la vie. Plutôt que de hiérarchiser les moyens, il s’agit surtout d’écouter son corps et de comprendre au mieux ce dont il a besoin.
Quand j’ai revu ma gynéco et qu’elle m’a machinalement demandé « Je vous renouvelle la pilule ? », j’ai paniqué.
Les témoignages se multipliaient, avec malgré tout des symptômes récurrents, comme la prise de poids, la déprime, la baisse de libido, et la susceptibilité. En écoutant certaines filles, je me demandais comment on avait pu banaliser un traitement aussi lourd et en fin de compte méconnu.
Au bout de quelques mois, j’avais avancé dans mon raisonnement, j’étais de nouveau célibataire, et je comptais vraiment arrêter. Pourtant, quand j’ai revu ma gynéco et qu’elle m’a machinalement demandé « Je vous renouvelle la pilule ? », j’ai paniqué. Était-ce le moment d’entrer dans cette conversation ? J’ai eu peur d’être jugée, rembarrée, découragée, et j’ai dit « oui ». Je ne suis pas fière de ce moment, et je ne conseille pas cette technique de fuite, mais c’est le triste résultat de moments passés auprès du personnel médical, à encaisser condescendance et jugements expéditifs.
Allez, lance-toi
J’ai ensuite entendu parler du sevrage. Certaines considèrent que la pilule, étant un traitement quotidien, devrait être arrêtée graduellement, comme tout autre médicament qui crée une dépendance. Selon le dosage et la durée, on peut passer un ou plusieurs cycles à prendre une pilule sur deux ou sur trois. Dans ce cas, la pilule n’a plus d’effet contraceptif, il s’agit seulement de déshabituer son corps en douceur.
Pendant un cycle, j’ai pris la pilule un jour sur deux. L’expérience a été assez étrange. Au bout d’une semaine, j’ai eu du spotting, que je n’ai jamais. Mon ventre gonflait le soir, puis a commencé à me faire mal. A la fin de ma semaine de règles, je devais choisir : soit m’accrocher au filet de sécurité en entamant une nouvelle plaquette, soit faire le grand saut.
Je me suis rendu compte que j’avais la frousse. A force de lire sur tous les sites « officiels » que je ne devais surtout pas arrêter la pilule, je commençais à me dire que je pouvais bien supporter quelques effets secondaires avant de tout envoyer valser. Je m’imaginais devenir un monstre difforme, un ours mal léché. J’ai réalisé que j’avais en effet une dépendance psychologique à cette petite pilule blanche, et que je ne savais plus qui j’étais sans. Raison de plus pour le découvrir.
Le contraste entre les prescriptions officielles et les témoignages individuels m’a d’autant plus donné envie de suivre mon instinct. Je commençais à réfléchir aux intérêts qu’a la doxa à garder les femmes sous pilule – contrôlées, disciplinées. Si grande ait été l’avancée de la pilule contraceptive dans l’histoire de la libération des femmes, cela ne justifie pas les effets néfastes, voire dangereux, de ce traitement qu’on prescrit désormais à la majorité d’entre elles. De même que la commercialisation d’un contraceptif à grande échelle a été révolutionnaire à une époque, on ne peut pas faire l’économie de son amélioration aujourd’hui.
Et maintenant ?
J’ai arrêté définitivement depuis un peu plus d’un mois. J’ai en effet un léger retour d’acné, et j’ai eu des maux de ventre les soirs pendant deux semaines. Mon appétit s’est régulé, mon sommeil aussi. Ma libido pointe le bout de son nez par moments, plus souvent qu’avant. J’ai encore peur de la suite, de quel moyen de contraception je choisirai à terme. Je me laisse le temps d’y réfléchir, pour le moment, j’observe mon corps reprendre ses droits. À suivre…