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Petit guide de survie : grossophobie et fêtes de famille

Et bon appétit, bien sûr.

Par
Lucie Inland
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Décembre. C’est le retour des pulls de Noël, de la goutte au nez au boulot, et des retrouvailles familiales autour de la bûche au chocolat et des cadeaux. Sauf que pour certaines personnes, les fêtes de famille ne sont pas un véritable moment de détente, car il faut anticiper les propos et actes blessants. Il y a les remarques sexistes de tonton, la cousine plus LMPT que LGBTQ+, le beau-frère qui pense encore qu’on souffre d’un trouble anxieux pour attirer l’attention, et souvent un peu tout le monde pour emmerder les gros·ses à table.

Car oui les personnes grosses ne sont pas à la fête quand il s’agit de manger en paix sans se sentir scrutées, à l’affût de la réflexion imminente du type : « Tu es sûr·e que c’est raisonnable de te resservir une part ? Tu ne veux pas plutôt de la salade ?». Voici quelques pistes pour survivre aux fêtes de famille en terres grossophobes, avec les précieux conseils de Corps Cools, militante fat activist, et Marie Dasylva, coach stratégiste pour personnes minorisées.

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Communiquer et poser ses limites avant les retrouvailles

Retourner en famille donne l’impression de reprendre son rôle d’enfant au sein de la famille, sauf que c’est fini depuis longtemps. Exiger le respect minimum de votre personne ne brisera pas l’arbre généalogique. Envoyez un message aux personnes que vous souhaitez mobiliser comme alliées, ainsi qu’à celles ayant déjà tenu des propos déplacés, afin de les prévenir que vous souhaitez, tout comme elles, passer un bon moment en famille sans subir de conseils non sollicités, ou de vos besoins pour être confortable (par exemple une chaise sans accoudoirs et pas coincée dans un recoin taille 36). Prévenez aussi vos amoureux·se et ami·es qui ne seront pas présentes aux retrouvailles de famille mais joignables pour discuter et avoir du soutien.

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Marie Dasylva suggère ce modèle de message : « Je sais que tu vas être au dîner ce soir. Je suis très heureuse de te revoir mais l’année dernière tu m’as mis mal à l’aise en faisant des remarques sur mon corps. Je suis dans l’optique de passer un vrai bon moment, est-ce que c’est possible pour toi de ne pas reproduire les remarques de l’année dernière ? » Ce message servira de support pour réagir et clarifier la relation avec la personne si elle ne respecte pas nos limites. « Je t’ai envoyé un sms il y a deux jours car j’appréhendais de te revoir car tu me fais toujours des remarques, et là je me rends compte que tu as le choix d’ignorer ce que je t’ai dit. »

Les limites avec soi même : s’écouter en priorité

Survivre aux fêtes de famille quand on est gros·se c’est beaucoup d’anticipation, non seulement pour le séjour et les repas, mais aussi pour le trajet. Que ce soit le covoiturage, le train ou l’avion, c’est une couche supplémentaire de stress. Corps Cools explique : « Aller voir ma famille me demande des heures de voyage en train, et en seconde classe c’est impossible niveau confort, ce qui est très coûteux. » Sans parler des toilettes de TGV, souvent inaccessibles aux gros·ses, pareil pour les sièges d’avion et les cars. « Les gens pensent que c’est un caprice, qu’on ne fait pas d’effort, iels ne se rendent pas compte. » À vous de trouver la formule qui vous conviendra sans devoir vous retenir de faire pipi durant des heures, trop serré·e dans votre petit siège.

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S’écouter peut aussi signifier de prévoir son stock de nourriture dans ses affaires. Astuce partagée par Corps Cools. « Je m’amène toujours des trucs que j’aime bien, en cas de petit creux, je peux en manger sans que ça devienne un conflit. » La relation à la nourriture est souvent complexe et pour les personnes grosses et au sein des familles, en particulier quand on souffre de trouble du comportement alimentaire. L’épisode « Survivre aux fêtes de famille » du podcast Matière Grasse évoque très bien ce point – à écouter tranquillement pendant que vous préparez vos bagages. Il ne s’agit pas de régler d’un claquement de doigts son rapport à la bouffe tel un miracle de Noël mais s’offrir d’être à l’aise durant les fêtes.

Ne pas garder la blessure pour soi

Tata a malgré tout encore fait la remarque de trop sur le volume de votre corps ou la part de gâteau dans votre assiette ? Marie Dasylva le dit sans détour : « Tu as le droit de casser l’ambiance. Est-ce que c’était une bonne ambiance si celle-ci ne reposait que sur ta capacité à te taire ? Pourquoi es-tu la seule personne à en porter la responsabilité ? Il n’y a pas besoin d’être le roi ou la reine de la répartie, mais dire : ça me gêne, ça me met extrêmement mal à l’aise, on est là pour passer un bon moment alors est-ce que je pourrais passer un bon moment ? Il faut que la gêne qu’on essaie de t’infliger puisse être retournée et ce sans vergogne. Par exemple dire clairement à une personne : “ça fait une heure que nous sommes à table et c’est la troisième remarque sur mon poids ou la manière de me servir, qu’est-ce que tu veux ?” La personne doit prendre conscience qu’elle te met mal à l’aise. »

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Non tata ce n’est pas pour mon bien que tu dis ça – Marie nomme cette attitude comme celle du « diététicien soudain » – mais pour me rappeler que ma grosseur te débecte – ce n’est pas mon problème. Reprenez votre souffle auprès de vos allié·es présent·es ou joignables, et rappelez vous que même si on ne peut pas éduquer toute sa famille à ne plus être grossophobe, chaque limite posée est une victoire pour vous.