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Les années 2000 ne sont pas qu’une esthétique

Il y a bien plus à retenir de cette époque que Britney, le gloss et les piercings au nombril.

Par
Pauline Allione
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Plus que jamais, tout respire les années 2000. Ce sont les tops sans bretelles, les Buffalo, les citations sur fond de montages blingee, le revival de la bande de Un Dos Tres, les documentaires sur Diam’s et Britney Spears… Dans les rues comme sur nos écrans, une esthétique kitsch, profondément girly et chargée de souvenirs s’est emparée de notre époque. Si certain·e·s n’y voient qu’une mode condamnée à briller de mille strass avant de retomber dans l’oubli, d’autres accueillent le retour de cette décennie avec plus de profondeur.

« J’AI EU LA CHANCE DE GRANDIR AVEC LES SIMS ET DE GOÛTER À LA RICHESSE AVANT DE DEVENIR PAUVRE »

À l’aube de l’an 2000, mes parents m’emmenaient fêter la nouvelle année avec leurs potes. Emballée dans un costume de fée argenté, j’ai vécu le décompte annonçant ce nouveau millénaire à l’âge de cinq ans. Un an plus tard, je vidais ma tirelire des quelques francs que j’avais en ma possession pour les échanger contre des euros, et je rentrais en primaire où je commençais rapidement un business de mèches tressées dans la cour de l’école et ma collection de feuilles Diddl. Comme moi, Maëlle est née en 1995. Depuis une paire d’années, elle est retombée dans l’adoration du merch Diddl, des Polly Pocket et des boucles d’oreille virus (aux petits picots en silicone) qui ont bercé son enfance. « Si je n’avais pas grandi dans les années 2000, je n’aurais pas le même regard sur la vie. J’ai eu la chance de grandir avec les Sims et de goûter à la richesse avant de devenir pauvre, si ça c’est pas un luxe. Toutes ces choses ont toujours fait partie de moi, mais je pense qu’à un moment donné, on nous a conditionnés à qualifier tout ça de gênant. Que ce soit dans notre façon de nous habiller, dans les séries qu’on regardait, dans les musiques qu’on écoutait… »

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Soit moquée soit dévalorisée, la pop culture des années 2000 est restée coincée quelque part entre le mauvais goût, le kitsch et le ringard : les piercings au nombril, les premières téléréalités, les séries aux effets spéciaux rétrospectivement bancals comme Buffy, Tokio Hotel, la Tecktonik… Jusqu’à ce que, vers le milieu de la décennie, les Blackberry, les iPods et les ordinateurs fixes donnent une nouvelle dimension à nos quotidiens d’ados.

ADOLESCENCE 2.0

Au placard les jeux de cour d’école, l’heure est à la drague à coups de Wizz sur MSN, aux déclarations d’amitiés enflammées sur Skyblog et au streaming limité à 90 minutes. « On a vécu cette décennie comme la transition complète vers le monde connecté. Ados, on découvrait le monde avec internet, un modem qui faisait du bruit et des forfaits limités à 2h par mois, jusqu’à l’abondance totale quelques années plus tard », raconte Loïc, né en 1985 et auteur du podcast cd2titres, qui revient sur l’industrie de la musique pop dans les années 90 et 2000. Des débuts d’internet, il se souvient des albums qui leakaient avant leur sortie, des MySpace, des groupes du fin fond du Wisconsin qu’il découvrait derrière son écran. « Ce qui est génial c’est qu’on est devenus nos propres programmateurs. D’un coup, j’ai eu une consommation boulimique de musiques, de séries… J’ai découvert un monde infini ».

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À la fin de mes années collège, je crée mon Skyblog où je poste quelques selfies et des photos de mes potes, je découvre la frustration d’être laissée en “vu” sur Messenger et je passe du temps sur des convertisseurs YouTube pour remplir mon MP4 de Nelly Furtado et de Justin Timberlake. Avant qu’Instagram ne devienne le terrain de jeu des influenceur·se·s, Google une grille de notation pour tout et n’importe quoi et Facebook une friche récupérée par les boomers, les réseaux sociaux servaient d’espaces d’expression comme de journaux intimes 2.0. « À l’époque, on était autorisés à écrire des pavés sur Skyblog et ça ne dérangeait personne. Aujourd’hui, on doit remplacer toutes nos émotions par des emojis dans nos bios Insta, c’est plus du tout pareil », retrace Maëlle. À mesure que les algorithmes se complexifient et que l’influence se professionnalise et trouve son modèle économique, la place de l’image devient prépondérante. « Instagram a vraiment développé une sorte d’esthétique chez tout le monde, mais je trouve que c’est beaucoup plus lisse aujourd’hui. On veut être de plus en plus lisible pour montrer qui on est, et à quel groupe social on appartient. Avant, on se prenait dix fois moins la tête », se souvient Liv, 26 ans.

Dernière décennie avant l’ère de l’hyperconnexion, les années 2000 représentent pour beaucoup une époque où les choses étaient plus douces, frivoles et personnalisables. En souvenir du moins, un peu comme une ancienne relation qu’on idéalise parce qu’on la sait révolue. « Du jour au lendemain on a eu un Motorola à écran tactile entre les mains, on nous a conditionnés à grandir dans un univers d’adulte hyper moderniste où s’habiller en noir c’est être chic, où il faut se séparer de ses bibelots pour avoir un appartement blanc et impersonnel… On ne nous a pas laissé le temps de dire au revoir à cette époque dans laquelle on se sentait bien ». Ressortir ses casquettes Von Dutch, ses posters d’ado et remater les séries de la trilogie du samedi n’est pas toujours qu’une question de style. C’est aussi se replonger dans une époque où, à la frontière de l’âge adulte, les apparences avaient moins d’importance, et où mouliner des bras dans un jean slim et un t-shirt à col V fluo fut un temps acceptable.

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