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La photographie du mois : désamours mis à nu par Roméo
Désormais, tous les mois, URBANIA France donne la parole à un.e photographe professionnel.le ou amateur.trice, blogueur.euse ou instragrammeur.euse, pour qu’il ou elle nous raconte son travail à travers une photo. Pour ce nouvel épisode, c’est Roméo qui se prête à l’exercice…
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À laisser des passe-droits, d’abord au photographe Maxime Meignen, qui nous avait parlé de son shooting calme et apocalyptique, deux mois après l’explosion du 4 août 2020 à Beyrouth puis à Angélica Dass, qui nous a raconté la genèse de sa série Humanae, on se retrouve à en accorder à tout le monde (avec plaisir). C’est ainsi que Roméo a décidé de nous parler non pas d’une – comme ce rendez-vous le prévoyait initialement – mais de ses deux photos favorites…
La rupture sous toutes ses coutures
« Tout a commencé après une rupture tout ce qu’il y a de plus banal. Une expérience ordinaire du deuil amoureux, faite de douleur, de peine, de vide et d’un sentiment écrasant de solitude, et ce, malgré la présence de personnes formidables autour de moi. C’est ce qui m’a amené.e vers cette idée, vers cette série photo. Je me suis dit que tant qu’à souffrir, autant en faire quelque chose de beau, quelque chose à partager.
Je suis donc partie à la recherche d’autres témoignages. À la recherche de sens. J’étais fasciné.e par ce paradoxe entre l’universalité de cette expérience et sa terrible solitude.
Du coup, j’ai lancé un appel à volontaires. Des proches et des inconnu.es y ont répondu. L’idée, c’était de représenter les sous représenté.es, de photographier toutes sortes de personnes, toutes sortes de corps, toutes sortes de beautés, car dans le domaine de l’image, c’est toujours la même personne qui est représentée : une femme blanche, cis, jeune, mince, hétérosexuelle. Je voulais donner voix et place aux mien.nes, les personnes queers, racisées, grosses… Les autres quoi. Je me suis également mis.e en scène. C’était important pour moi de me mettre en danger au même titre que ceux qui m’ont accordé leur confiance.
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Sept autres personnes ont accepté de participer au projet. Leurs ruptures dataient aussi bien du week-end dernier que d’il y a cinq ans.
Iels m’ont d’abord raconté leur histoire de rupture, dévoilé leur deuil et leur souffrance, que j’ai ensuite retranscrites. Je leur ai demandé quelle chanson avait cristallisé cette période de leur vie. Si la douleur était commune à tous ces témoignages, les émotions, le regard porté sur soi et sur l’autre étaient à chaque fois uniques. La force de ces histoires a rendu le projet beaucoup plus grand, beaucoup plus important que ce que j’imaginais au départ.
Aussi, j’ai choisi d’organiser les shootings dans un bar car c’est pour moi l’endroit par excellence où l’on noie son chagrin au cœur de la fête et où l’on se sent seul parmi les autres. Je les ai pris.es en photo nu.es, le corps couvert des paroles de leur chanson de rupture, entouré.es mais seul.es. Le shooting s’est très bien déroulé. Nous avons vécu des moments très doux, plein de care.
« J’aime la symétrie de ces deux couples enlacés autour d’elle »
La photo que je trouve la plus forte, c’est celle d’Eva. Drag queen, elle pose nue, avec sa perruque et ses bijoux, seule avec son cocktail dans un bar bondé, les yeux rivés sur l’objectif. Son regard expressif défie le spectateur. Elle dégage une impression de force et de solitude incroyable. Je la trouve très belle.
J’aime aussi beaucoup la photo de Marine. J’aime à la fois la symétrie de ces deux couples enlacés autour d’elle, la violence des mots de la chanson de Pomme, le mouvement de son corps lorsqu’elle jette un dernier regard en arrière…
ET AVANT ÇA ?
C’est quand j’ai découvert la photo de manif que j’ai compris que je voulais faire de la photographie militante mon métier – j’étais déjà photographe mais je travaillais de façon plus “classique”, je couvrais des mariages, je faisais des portraits. Engagée queer et féministe, je documente désormais les mouvements sociaux, l’intime, la norme. Ma révélation ça a été mon premier projet artistique réalisé il y a quelques années : Les Divines Transgressions, qui représente des couples queer dans un espace sacré. Aujourd’hui, je partage mon temps entre prestations photographiques et projets militants et artistiques.
*Au fait, petite info à destination des photographes avertis : pour cette photo, la photographe a utilisé un Canon 5D Mark III.
** Pour voir sa série “Tout peut s’oublier – Des/amours mises à nu”, Roméo vous donne rendez-vous du 1er au 30 septembre 2022 au Centre LGBTQI+ au 63 rue Beaubourg, Paris 3e.