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La photographie du mois : nuancier humain par Angelica Dass
Désormais, tous les mois, URBANIA France donne la parole à un.e photographe professionnel.le ou amateur.trice, blogueur.euse ou instragrammeur.euse, pour qu’il.elle nous raconte son travail à travers une photo. Pour ce nouvel épisode, c’est la photographe Angélica Dass qui se prête à l’exercice…
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« Impossible de choisir, de ne parler que d’une seule photo ». Avant de commencer notre interview, Angelica Dass, photographe brésilienne, me prévient d’avance : son travail n’a de sens que si l’on s’attarde sur sa globalité. À savoir, sur les 4000 visages qui composent sa mosaïque de portraits. 4000 teintes de peau différentes – référencées selon le système de codage universel des couleurs, Pantone® – qui dépeignent un échantillon représentatif de l’humanité.
Arrêtons-nous donc non pas sur une seule et unique photo comme le prévoyait ce rendez-vous à l’origine, mais sur l’ensemble de sa série Humanae.
« Un travail qui résonne comme une ode à la diversité et à l’inclusion »
J’ai commencé ce projet en 2012 en m’inspirant de ce que j’avais pu observer et/ou subir comme discriminations, différences de traitement ou jugements par rapport à la/ma couleur de peau. D’abord en photographiant mes proches : mon père et sa peau noire chocolat, ses parents adoptifs au teint de porcelaine ou aux pommettes légèrement rosées, ma mère et sa couleur miellée qui témoigne de ses origines indigènes brésiliennes, ses soeurs, l’une à la peau plutôt beige, l’autre dont la tonalité rappelle légèrement le caramel… Puis au fur et à mesure, j’ai étendu le projet. De Madrid à Rio en passant par New York ou encore New Delhi, j’ai parcouru les six continents, visité une vingtaine de pays et shooté dans près de 36 villes pour recueillir cette mosaïque de portraits qui représente toutes les nuances de couleurs de peaux existantes. Un travail qui questionne les étiquettes réductrices « blanc », « noir » ou « jaune » et qui résonne pour moi comme une ode à la diversité, à la tolérance, à la variété et à l’inclusion.
Pour ce faire, je suis toujours le même modus operandi : j’utilise toujours la même lumière et je shoot toujours juste sur fond blanc. Idem pour le timing. Je passe une dizaine de minutes à faire connaissance avec mes modèles du jour (qui viennent poser de leur plein gré). Qui sont-ils ? Pourquoi souhaitent-ils participer au projet ? Puis place ensuite à la photographie. Pour finir, je sélectionne 11 pixels de leurs visages au niveau du nez et je l’associe à un code validé par Pantone®. J’utilise ensuite la même couleur en arrière-plan de ma photographie. Et c’est tout.
Et avant ça ?
J’ai toujours baigné dans la photo. C’est mon père qui m’a filé le virus lorsque j’étais petite. C’est donc tout naturellement que je me suis lancée dans des études de photographie. J’ai d’ailleurs commencé ce projet alors que j’étais encore étudiante à l’Escuela de Fotografía y Centro de Imagen, à Madrid. Je venais de terminer une expérience dans la photo de mode et j’en avais un souvenir assez amer : je ne voyais personne avec ma couleur de peau. J’avais l’impression de nourrir les stéréotypes. C’est aussi en partie ce qui m’a inspiré pour Humanae.