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La photographie du mois : calme et apocalypse par Maxime Meignen
Désormais, tous les mois, URBANIA France donne la parole à un.e photographe professionnel.le ou amateur.trice, blogueur.euse ou instragrammeur.euse, pour qu’il.elle nous raconte son travail à travers une photo. Pour ce nouvel épisode, c’est le photographe Maxime Meignen qui se prête à l’exercice…
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J’ai longtemps hésité. À la fois j’avais envie de parler de cette première photo, de cette scène, qui illustre complètement la catastrophe, de cette image poignante de Beyrouth et de ses ruines. À la fois j’avais envie de m’arrêter sur cet autre cliché, qui contraste complètement avec le premier. Ce vieux pêcheur paisible, qui flânait avec sa canne à pêche avec un air de « la vie continue ». Puis finalement, je n’ai pas réussi à n’en choisir qu’une, j’ai décidé de vous raconter les deux.
« J’étais déjà tombé amoureux de Beyrouth depuis plusieurs mois »
C’était en octobre 2020. J’étais déjà tombé amoureux de Beyrouth depuis plusieurs mois. J’y avais été en janvier pour rendre visite à des amis et découvrir la ville. Le 4 août 2020, comme tout le monde, je tombe des nues lorsque j’apprends la nouvelle : 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium stockés dans un entrepôt au port de Beyrouth viennent d’exploser. La capitale libanaise est ravagée. Des milliers de vies sont brisées, on compte plus de 200 morts, 6 500 blessés. La ville est meurtrie à jamais. Les dégâts sont estimés à près de 4 milliards d’euros. Je suis sous le choc. Je meurs d’envie d’y aller. D’aider. De photographier.
Mais j’attends un peu. J’attends déjà que la ville se réveille. Puis que l’idée continue à faire son bout de chemin dans ma tête. J’en profite pour me documenter autant que je peux. Je lis la presse locale, je regarde de près les journaux télévisés. Je repère les lieux où j’ai envie de me rendre : j’ai envie de savoir précisément où aller.
Puis je soumets l’idée à la maison d’édition 37,2 qui organisait justement à ce moment-là un appel à projet destiné aux photographes émergents. […] Intéressés par mon profil, ils m’ont sélectionné.
« Il reste l’image quand les mots ne sont pas capables de raconter »
Octobre 2020, soit deux mois après l’explosion, je pars. Je n’y reste qu’une petite semaine, mais c’est largement suffisant pour capturer les stigmates déchirants des déflagrations atomiques des lieux emblématiques de la cité culturelle et intellectuelle du Liban.
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La première photo date de mon premier jour sur place. Je marchais le long de l’autoroute. Je suis monté sur un talus pour prendre de la hauteur, pour avoir plus de perspective et j’ai shooté. Il y avait tout sur cette image. La bâtiment en ruine au loin. Le tag «Bye-rut ». L’autoroute, les gens dans leurs véhicules qui continuent à vivre. Il reste l’image quand les mots ne sont pas capables de raconter.
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La deuxième photo, je l’ai prise le dernier jour. C’est l’avant-dernière photo de ma quatrième pellicule. J’étais avec des amis au très fréquenté sporting club, quand j’ai vu cette scène devant moi : un vieux pêcheur, calme, serein, face à cette mer paisible. En total contraste avec la situation actuelle de la ville, du pays.
Et avant ça ? Même si j’ai toujours eu un attrait pour la photographie, que j’ai fait mes débuts dans le marché de l’art en travaillant pour des galeries et institutions telles que Gagosian, Patrick Seguin, la fondation Cartier pour l’art contemporain, je ne me suis vraiment lancé à mon compte qu’après le premier confinement en 2020. Avant cela, j’avais déjà fait quelques reportages photos, notamment à Chicago en 2019, mais ça n’avait rien à voir. Je m’étais simplement baladé dans la ville avec mon argentique sous le bras et j’avais shooté un peu de tout. La rue, les gens, l’architecture…
*Au fait, petite info à destination des photographes avertis : Maxime Meignen a travaillé avec son compagnon de voyage, un Voigtländer vito B (un appareil allemand des années 50/60), lentille Color-Skopar 50 mm 1:3.5 ; un bel objet à la fois lourd et compact qu’il emporte facilement partout avec lui. Il a utilisé des pellicules Ilford HP5 Plus 400 ISO qu’il affectionne particulièrement pour ses contrastes ainsi que pour ses nuances dans les gris.