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Je suis étudiant.e en biologie, j’ai 20 ans et je suis non binaire, c’est surtout de ça que j’aimerais vous parler.
Être non binaire, c’est une identité de genre, une forme de transidentité. C’est un terme ombrelle qui regroupe tous ceux qui ne se définissent pas comme « homme » ou « femme ».
L’histoire de ma non binarité remonte à… je ne sais pas quand. Dès ma naissance ? Quand on m’a posé pour la première fois la question « t’es un garçon ou une fille ? » et que je n’ai pas su répondre ? Quand j’ai découvert le mot « non binaire » ? Je ne le sais pas moi-même. Mais voici ce que je sais.
J’ai grandi à Saint Maur des Fossés, dans le 9.4. Je n’ai jamais aimé être considéré comme un garçon, mais je n’ai jamais voulu être une fille non plus. Mon collège a été (comme pour beaucoup d’ados, hélas) le théâtre de harcèlements, violences et intimidations en tous genres. Pour être honnête, je n’en ai pas beaucoup de souvenirs mais des détails me reviennent de temps à autre. Je sais que je n’ai pas subi de violences extrêmes, mais suffisamment pour me haïr, penser que je ne vaux rien. J’en suis même presque devenu.e harceleur.se en troisième, fatigué.e d’être en bas de la pyramide…
Et puis, heureusement, j’ai fini par déménager à Orléans, une petite ville fort sympathique. Là-bas, l’époque du lycée a été une belle période de ma vie: j’ai commencé à me faire des amis, expérimenté mon premier maquillage, etc. C’est à ce moment-là aussi que j’ai découvert le drag avec RuPaul Drag Race en première/terminale, et même si aujourd’hui j’ai plusieurs problèmes avec cette émission, il faut admettre que voir des personnes jouer avec les codes de genre était fascinant.
Plus tard, lors de ma première année de fac, grâce à Instagram, j’ai découvert Alok V Menon, poète et activiste non binaire américain.e. «Non binaire ». Un nouveau mot dont je découvrais alors la signification. Grâce aux conférences d’Alok, j’ai enfin pu mettre des mots et des phrases sur toutes mes insécurités, dont je n’étais même pas encore conscient.e à l’époque.
Mon « coming out » s’est fait en 3 parties. La première partie, lorsque je travaillais en tant qu’animateur.rice pour l’association des familles d’enfants handicapés. Cette bulle constituée de gens nouveaux m’a permis de « tâter le terrain » : je me suis présenté.e comme non binaire dès le début, et tout s’est merveilleusement bien passé. J’ai même pu rencontrer une autre personne non binaire avec qui j’ai eu d’excellentes discussions.
La deuxième étape a été de m’outer comme non binaire à mes ami.es et parents, et comme je choisis minutieusement en qui j’ai confiance, ils l’ont très bien pris.
La troisième étape, la plus compliquée, a été de changer mes pronoms. Jusque là j’acceptais tout, mais je me suis vite rendu.e compte que tout le monde me considérait toujours comme un « il ». J’ai décidé de les changer, il y a un an, passant de « il » à « iel » et d’utiliser l’écriture inclusive. Honnêtement, c’était une bonne décision, et quand je lis les gens m’écrire au masculin, maintenant j’ai vraiment du mal. Ça a été difficile pour mes amis de transitionner envers un pronom et une écriture qu’ils n’avaient jamais utilisés, mais maintenant ils se débrouillent très bien. Et s’ils se trompent, ils se reprennent, et ils me voient vraiment pour qui je suis: c’est tout ce qui compte pour moi.
Depuis mon coming out, j’ai pu me rendre compte à quel point la société était binaire (séparée entre hommes et femmes) jusque dans les moindres futilités. Je dois faire face aux formulaires et administrations qui ne proposent QUE l’option homme ou femme (et pour une raison qui m’échappe, cette question est toujours obligatoire), j’ai peur de sortir dans la rue si je ne me présente pas comme un homme, j’évite de parler de moi en inclusif quand j’envoie des mails importants, etc.
C’est sûr que pour une personne qui rentre dans les catégories proposées, rien n’est choquant. Mais dès qu’on n’est pas à l’aise avec ces propositions, tout devient un obstacle. Par exemple, je ne peux pas donner de cours en ligne sans mentir sur mon genre ; ma carte d’identité présente un genre qui n’est pas le mien ; on s’adresse à moi au masculin dans tous mes mails “officiels” ; on m’appelle régulièrement “monsieur”, etc. La liste est longue.
J’ai décidé d’ouvrir ma gueule à ce sujet sur Instagram pour sortir ce que j’intériorise en permanence. Sur ce compte, je crée des photos 100% non binaires friendly, 100% en adéquation avec mes valeurs, pour m’exprimer par le maquillage et l’apparence. Si je ne peux pas (encore) le faire dehors, je le fais chez moi.
Je pense que c’est important pour moi d’être ouvertement non binaire, et ce pour deux raisons.
La première, c’est que j’ai pu faire découvrir la non binarité à un certain nombre de personnes qui savent maintenant ce qu’est l’écriture inclusive, le pronom iel, les différentes discriminations qu’on peut subir, etc.
La deuxième, c’est que je peux être découvert.e par des personnes non binaires, et quand on voit le manque de représentations mainstream des non binaires en France, ça ne peut pas faire de mal. Moi-même je me dis que j’aurais adoré avoir une représentation non binaire française quand j’étais en questionnement. Alors si je peux être cette représentation pour quelqu’un, ce serait un honneur.
J’aimerais finir en rappelant que, peu importe son genre, on mérite tou.stes d’être respecté.ees, on mérite de pouvoir en être fier.e, on mérite de savoir qu’il y a des gens qui sont comme nous, qu’on n’est pas seul.es.