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Êtes-vous « antiwork » ?
Il semblerait que « bye-bye boss » soit devenu le cri de ralliement de centaines de milliers d’employés. En effet, près de quatre millions d’Américain.e.s ont démissionné l’an dernier.
Cette tendance se fait sentir sur les réseaux sociaux, alors que le subreddit du mouvement « antiwork » connaît une croissance exponentielle depuis environ un an, avec près de 25 000 commentaires par jour et plus d’un million d’abonné.e.s.
Petite parenthèse pour ceux et celles qui ne connaissent pas le réseau social Reddit. Décrivons-le simplement comme un gigantesque forum, composé d’une multitude de plus petits forums (subreddits). Chaque sous-forum comprend ses propres règles et modérateurs. Il existe une gigantesque variété de subreddits, et chaque utilisateur ou utilisatrice peut s’inscrire à plusieurs d’entre eux, personnalisant ainsi sa navigation.
L’anonymat y est roi, c’est d’ailleurs tout l’intérêt. Contrairement à Instagram ou à Facebook, l’anonymat de Reddit permet de laisser exprimer ce qui est laid, honteux et gênant… pour le meilleur et pour le pire.
Une révolution du monde du travail
Avec plus de 2,8 millions de subreddits, il est rare qu’un de ces sous-forums réussisse à se détacher du lot. Mais quand ça se produit, la montée d’un subreddit peut avoir des impacts importants dans la vie réelle. Le subreddit r/wallstreetbets en est un bel exemple : le sous-forum a été au centre de nombreuses spéculations de groupe sur des titres en bourse.
Sous un message, on peut retrouver jusqu’à 300 000 commentaires.
Le sous-forum r/antiwork n’invite pas à la richesse, à la manière de r/wallstreetbets, mais plutôt à une révolution du monde du travail.
À première vue, le subreddit semble encourager les internautes à quitter leur emploi. Le nombre de témoignages de gens qui ont démissionné en claquant la porte (et en insultant leur patron au passage) y était si grand que les modérateurs ont dû restreindre la publication de ce type de messages à une seule journée par semaine. Sous un message, on peut retrouver jusqu’à 300 000 commentaires.
Mais r/antiwork n’est pas qu’un « bye-bye boss » puissance 1000. Il encourage à discuter de salaire avec ses collègues, à la syndicalisation et au boycottage de grandes compagnies telles qu’Amazon, ou de journées de la consommation telles que le Black Friday.
Le bon
r/antiwork pourrait devenir l’étincelle d’un nouveau mouvement ouvrier. La grogne de travailleuses et travailleurs sous-payés est évidente et trouve son origine dans des revendications légitimes.
Depuis plus d’une décennie, la hausse du coût de la vie se heurte à des salaires trop longtemps stagnants. Le recours aux employé.e.s contractuel.le.s et à la main-d’œuvre étrangère a gangréné le lien de confiance entre l’employeur et ses employé.e.s. À cela s’ajoutent des coupures massives, la mort des fonds de pension et le harcèlement physique ou psychologique que vivent encore de trop nombreuses personnes. Pendant des années, cet état des choses tenait fragilement en équilibre, en grande partie sur la force de travail de ceux et celles qui ont été surnommé.e.s la « génération burnout ».
La pénurie de main-d’œuvre a renversé la balance du pouvoir entre les employé.e.s et les employeurs.
Mais la pandémie a changé la donne, et la pénurie s’est chargée de faire basculer le balancier encore plus. Les « essentiels », qui triment de longues heures dans des conditions difficiles, et les « non essentiels », qui se sont parfois retrouvés sans emploi, ont pu réfléchir à leur avenir.
La pénurie de main-d’œuvre a renversé la balance du pouvoir entre les employé.e.s et les employeurs. Déjà, les salaires augmentent pour des emplois autrement peu rémunérés.
r/antiwork dirige bien sûr son fiel vers les milliardaires et les excès de la société de consommation. Le subreddit est plus efficace lorsqu’il incite toutefois au dialogue entre travailleurs et travailleuses, et à la syndicalisation. Certains employé.e.s, comme ceux et celles qui travaillent dans les immenses entrepôts d’Amazon, pourraient d’ailleurs bénéficier d’un mouvement ouvrier.
Le mauvais
La rage exprimée sur r/antiwork est parfois si intense qu’il peut devenir difficile de distinguer une demande légitime d’un employeur d’un cas d’exploitation.
Le mouvement de démissions de masse est aussi, financièrement, une mauvaise idée.
Le mouvement de démissions de masse est aussi, financièrement, une mauvaise idée. Un.e employé.e mis à pied a droit au chômage, ce qui n’est pas le cas d’un.e employé.e qui démissionne. Certaines publications du forum encouragent des décisions précipitées qui pourraient se retourner contre le travailleur ou la travailleuse.
Bref, le subreddit r/antiwork peut être inspirant si vous en avez assez de travailler d’arrache-pied dans de piètres conditions. C’est certainement un bon endroit où aller ventiler et trouver de l’empathie. Mais il ne faut pas oublier de prendre les informations qui y circulent avec un grain de sel.