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Entrevue : XY Média – Un discours transféministe accessible au plus grand nombre
Il était temps : un média audiovisuel français créé et géré par des personnes trans vient de voir le jour et continue son ascension après avoir lancé une cagnotte en ligne. À l’heure où j’écris ces lignes, 38 393 € ont été récoltés : l’objectif de départ était de 12 000 €. Autant dire que la plateforme était attendue et plus que bienvenue dans le contexte politique français actuel. On en a discuté avec la rédactrice en chef, Sasha Yaropolskaya.
« Notre projet consiste à créer des vidéos (10-15 minutes) pour informer sur l’actualité, l’histoire du mouvement trans et pour apporter un discours transféministe accessible au plus grand nombre. Dans chaque vidéo, un-e intervenant-e est invité-e pour faire passer un message, raconter un témoignage ou expliquer un concept », lance Sacha qui estime que XY Média a toute sa place en France actuellement, ne serait-ce que pour combattre les discours réactionnaires et transphobes propagés par certains médias français.
« Avec les élections de 2022, la montée de l’extrême droite en France et en Europe est extrêmement inquiétante pour les personnes trans. »
« Les attaques transphobes viennent aujourd’hui surtout de médias réactionnaires tels que Marianne, le Figaro ou le Point, et elles sont portées également par des personnalités diverses avec la complicité des médias mainstream comme Libération ou France Inter, qui leur donnent une plateforme pour s’exprimer contre nos droits. Déjà marginalisées, nous subissons de plein fouet ces attaques, qui ont des effets terribles sur notre santé mentale, dans un contexte où de trop nombreuses personnes trans, surtout des femmes trans, se suicident », peut-on lire sur le site de leur cagnotte en ligne , où il est aussi rappelé que des initiatives ont déjà vu le jour (Translucide magazine, le Petit Bleu, Wiki Trans) mais que ce n’est pas suffisant pour porter leurs voix dans le débat public.
« Avec les élections de 2022, la montée de l’extrême droite en France et en Europe est extrêmement inquiétante pour les personnes trans. Dans l’Histoire, on a toujours été la cible des fascistes et des extrêmes. On voit de plus en plus de partis politiques qui virent à droite et très peu de partis ou de personnalités politiques qui résistent à cette fascisation », raconte Sacha qui habitait en Russie avant de faire une demande d’asile en France.
« C’était la première fois que je voyais ça : une association fondée et menée par des femmes trans migrantes (…), c’était cathartique pour moi. »
« En Russie, je ne peux pas exister au niveau politico-médiatique car c’est une honte sociétale et je risque des représailles, tout comme ma famille. Là-bas, j’essayais de rester aussi invisible que possible ; ici, je peux militer et je me sens mieux même s’il reste encore beaucoup de combats à mener, d’où l’intérêt de lancer notre propre média », confie la journaliste avant de rappeler qu’en France, pendant 3 ans (ndlr, le temps de faire ses papiers), elle a parfois été confrontée aux mêmes situations de stress et d’humiliations que lorsqu’elle était en Russie. « La transphobie et le transmisogynie sont, hélas, universelles », rapporte celle qui a trouvé des alliées du côté d’Acceptess-T dès son arrivée sur le sol français. « Quand je suis arrivée ici, c’était la première fois que je voyais ça : une association fondée et menée par des femmes trans migrantes qui militent pour leurs droits, qui existent au niveau politique, c’était cathartique pour moi. »
Pour lancer XY Média, Sasha a fait appel à des personnes trans qui travaillent dans l’audiovisuel, ou qui militent dans des associations. « Nous ne sommes pas des journalistes professionnel-les, nous n’avons pas de carte de presse, mais nous sommes engagé-es dans les luttes transféministes depuis longtemps et nous sommes des personnes concernées, contrairement à 99% des journalistes qui font des sujets sur nous. »
L’objectif de la plateforme est simple : rendre visible le travail militant et renforcer la solidarité entre les collectifs. « La première vidéo qu’on a faite a été reprise sur un site d’extrême droite. À l’heure actuelle, cela demande beaucoup de courage de faire ce qu’on fait », me lance Sasha qui ne lâchera rien. « Mais être ensemble et solidaires, ça nous aide pour faire face à l’extrême droite. C’est collectivement qu’on a pu fonder ce média et trouver une nouvelle force. Maintenant on a une plateforme politique à porter, c’est motivant et inspirant. Et puis, on n’oublie pas qu’on ne peut rien changer individuellement : l’union fait la force, on en est la preuve ».
Avant de raccrocher, la rédactrice en chef de XY Média me rappelle que 98% des personnes trans tuées dans le monde sont des femmes. « La libération des personnes trans en général passe par la libération des personnes trans féminines, et c’est impossible sous le capitalisme. On a besoin d’un système socialiste qui répond aux besoins de tout le monde », m’explique brièvement Sasha, qui a d’ailleurs fait une vidéo sur le sujet.
En attendant que XY Média se fasse une place et que les moeurs évoluent, il vous reste encore quelques jours pour les soutenir. Par ici (la monnaie) !