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Il y a maintenant plus de 5 ans que j’ai rompu avec mon Amie. Celle avec un grand A. Pour laquelle mes sentiments étaient si forts, si solidement enracinés dans mon coeur que je ne m’en remets toujours pas et que je pense que je ne m’en remettrai jamais tout à fait.
Encore aujourd’hui, alors que j’ai un caractère plutôt tempéré et placide, penser à elle me plonge dans un état irrationnel mêlant chagrin, colère, douleur, sentiments de culpabilité et d’incompréhension. Je ne peux évoquer notre histoire sans que les larmes ne me montent.
Car voilà, non seulement elle a choisi de mettre un terme à notre amitié de plus de 20 ans de manière, semble-t-il, irréversible, mais, en plus, elle n’a jamais daigné me donner la moindre explication.
Effacée.
Je ne sais donc pas exactement ce que j’ai fait pour mériter un tel rejet, et aucun de nos quelque 45 amis communs n’est en mesure de m’éclairer. C’est même devenu un sujet tabou avec certains d’entre eux. J’ai élaboré de nombreuses hypothèses plus ou moins crédibles, et je commence à peine à accepter que je ne saurai sans doute jamais.
Nous nous sommes connues, rencontrées et adoptées mutuellement en 1995, alors que nous mettions un pied timide dans la grande mare boueuse de l’adolescence.
Nous portions le même prénom et très vite, nous sommes devenues un duo à la fois contrasté et indissociable. Nous avons traversé et supporté les années collège en grande partie grâce à la relation fusionnelle que nous avions développée.
Elle était aussi brune que j’étais blonde et nous étions à plusieurs égards deux opposés.
Elle était volcanique et provocatrice, tandis j’étais plutôt douce et diplomate. Je venais d’une famille bourge et intello, alors que la sienne était multiculturelle et nettement moins conventionnelle: toutes ses tantes travaillaient dans le monde de la nuit et nous les regardions comme autant de reines. Sa mère était d’une gentillesse inégalée et je me sentais chez elle comme à la maison, voire mieux.
Elle était audacieuse et rock’n’roll, avait une culture impressionnante, beaucoup d’assurance et une grande vulnérabilité en même temps. Un humour souvent méchant, mais désopilant. Elle n’avait peur de rien et avait beaucoup d’esprit. Je l’admirais.
On restait des heures au téléphone quand nous ne couchions pas l’une chez l’autre. On coordonnait nos tenues, faisions des projets d’avenir, un avenir que l’on n’envisageait d’ailleurs pas l’une sans l’autre. Une de ces amitiés d’une telle intensité que seules l’adolescence et la folie le permettent.
Puis j’ai changé d’établissement scolaire pour partir en pensionnat et cela a été vécu par mon amie comme une trahison. Elle m’a alors écrit une longue lettre de 7 pages m’expliquant à quel point elle avait été blessée par ce choix de quitter notre collège.
Malgré tout, nous sommes restées aussi proches que nos nouvelles vies le permettaient.
Le temps a passé, et quoique nos chemins se sont séparés du fait de nos intérêts, de nos caractères et des divers accidents de la vie, nous étions toujours amies et avions l’assurance de connaître l’autre vraiment.
Du moins c’est ce que je pensais.
On s’est toujours dit “je t’aime”.
Un jour, elle est tombée malade et m’a tenue éloignée d’elle durant cette douloureuse période où elle traversait de nombreuses épreuves. Elle m’a littéralement rejetée. Ou peut-être que n’ai-je pas su comment être son amie à ce moment? Toujours est-il que je vois dans cette mise à l’écart les prémices de notre rupture amicale.
A partir de là, les quelques occasions où nous nous sommes vues ont été intenses en émotions, souvent a minima alcoolisées, et ponctuées de déclarations d’amour. On s’est toujours dit “je t’aime”.
Puis j’ai décidé de me marier et de quitter la France. Après s’être montrée heureuse pour moi et avoir même écrit à mon fiancé pour lui dire toute sa joie à l’idée que nous allions faire notre vie ensemble, elle n’a pas voulu me dire au revoir.
Et elle a disparu. Peut-être était-ce la trahison de trop pour elle?
C’est un peu comme si elle était morte, mais elle ne l’est pas.
A ce jour, alors que tout mon entourage m’enjoins à “passer à autre chose”, à accepter le fait qu’elle m’ait larguée pour de bon, je ne me résous pas tout à fait à tirer un trait sur elle.
Alors, certes, j’y pense de moins en moins. Mais de temps en temps, elle parvient tout de même à s’inviter dans mes rêves. De temps en temps, quelque chose me fait penser si fort à elle que j’ai envie de lui raconter, jusqu’à ce que je me souvienne que je ne peux pas. Qu’elle me l’interdit par son silence. C’est un peu comme si elle était morte, mais elle ne l’est pas.
La dernière fois qu’elle m’a adressé un message, elle m’a dit qu’un jour elle m’expliquerait, que ce ne serait pas agréable à entendre. Qu’elle me promettait de me parler. Qu’elle ne m’oubliait pas. Pourtant, depuis, elle a choisi de m’ignorer.
Je comptais sur les choses importantes de la vie pour nous réunir. Depuis notre dernière rencontre, je suis devenue mère, elle a perdu la sienne, mais rien de tout cela ne lui a donné de prétexte à me recontacter.
Il n’y a pas d’autre fin à cette histoire que celle qu’elle voudra bien lui donner. Car moi, je n’en suis pas capable.