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Une virée (libertine) au Château des Lys
C’était il y a fort fort longtemps dans le monde d’avant, à deux pas du Sacré-Coeur, un soir de janvier 2015. Ça avait commencé par une soirée parisienne assez normale : un minuscule appartement dans le nord de Paris, des clopes, des potes, du vin, de la bouffe, quelques pilules magiques et beaucoup de paillettes. Ah et j’oubliais : des masques, mais pas ceux de la pandémie. Non, des vrais masques avec quelques plumes pour une soirée déguisée… et plus si affinités. Mais ça, on ne l’a appris qu’au milieu de l’orgie. Retour sur ma soirée morpions.
« Hey les gars ! Y’a un truc sympa au Château des Lys un soir de la semaine pro. On y va ? » La vie ne tient parfois qu’à une phrase, ou à ces ami.es pour qui l’ennui est un crime. « Qu’importe le flacon… ». J’avoue avoir toujours eu une confiance aveugle en mes ami.es. Alors je n’ai pas posé plus de questions que ça sur ce château, je me souviens qu’on ne savait pas si on pouvait manger sur place, et c’était un peu la seule chose qui nous affolait. Naïfs ou concons, je ne sais pas trop.
« Comment ça, un club libertin ? Mais on est où, en fait, meuf ? » Ça, c’est ce que m’a demandé ma pote Emma après avoir lu la description de l’établissement… une fois qu’on avait déjà pénétré les lieux. Oups. Avec le recul, je ne sais même pas comment on a fait pour réussir à rentrer, j’étais habillée comme un sac pourtant une « tenue sexy était exigée ». La chance de débutant.es certainement.
Un internaute confirme ma pensée, les videurs n’étaient pas très regardants :
Quand on s’y intéresse un peu (ce n’était pas notre cas), on sait d’office où l’on s’apprête à mettre les pieds : « C’est dans un lieu baroque et historique du XVIIIème siècle que l’équipe du Château des Lys sera heureuse de vous accueillir du mardi au jeudi de 21h00 à 3h00 du matin et le vendredi et le samedi de 21h00 à 5h00 du matin pour vivre des moments de plaisirs libertins. » Ça m’a soudainement donné envie de (re)lire certains passages savoureux du Marquis de Sade. « Pas maintenant, Daiz. C’est trop vrai, là. »
Après avoir accepté qu’on n’allait donc finalement rien bouffer ce soir-là (rien de très consistant en tout cas), je me souviens avoir vaguement commandé 2 ou 3 cocktails d’affilée pour me mettre dans l’ambiance, avec Emma, toujours accrochée à mon bras. On nous a évidemment pris pour un couple lesbien et, rapidement, des couples/trouples sont venus se caresser tout autour de nous. En tout bien tout honneur, évidemment. Mais quand même ça surprend. Surtout quand 2h avant, on pensait juste venir dîner dans un restaurant un peu fancy.
« Tu pars pas sans moi, Daiz. Tu ne me laisses pas là toute seule. Ils sont où les autres, bordel ? » J’ai tenté de la rassurer avant de partir à la recherche du reste de la bande. Ce qui nous a permis de faire un petit tour du propriétaire. Et de constater comme certains internautes que les lieux coquins sont rarement intimes. En même temps, pourquoi venir dans un club libertin pour s’enfermer dans une pièce à part ? Why not, ceci dit. Ça change quand même de la chambre à coucher.
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Avec le recul, ce qui m’a le plus étonnée dans tout ça, ce n’est pas tant cette personne masquée comme un Maître des ténèbres dans Fort Boyard en train de se faire fister sous mes yeux, ni la silhouette de mon pote à poil avec ce couple d’inconnus, ni les bruits de bouches dans « le coin coquin » , non : c’est le salon de tatouage improvisé à l’étage qui m’a le plus marquée.
J’avoue avoir hésité à me lancer. Avant de me rétracter après avoir douté des qualités artistiques du tatoueur. « Comment il arrive à voir ce qu’il tatoue avec la lumière tamisée ? », me chuchotait Emma, toujours hyper lucide mais un brin fatiguée. J’ai eu pitié alors je lui ai proposé de chiller en attendant que le reste de la troupe finisse de copuler.
« Viens, on s’assoit et on regarde comment ça se passe. Je regrette juste que Luchini ne soit pas avec nous. Il aurait tant à dire et à décrire. » Et c’est ce qu’on a fait : on a profité du moment présent et de la lubricité ambiante, en toute bienveillance. Après avoir refusé plusieurs propositions, en mode : « Non, on va juste regarder. Mais merci ! », on s’est dit qu’on avait de la chance d’être là, finalement. De confronter nos préjugés, de voir que le consentement n’avait pas l’air d’être pris à la légère entre ces murs. « On dirait que les gars nous emmerdent moins ici que dehors ». Question existentielle.
Je me souviens surtout qu’il n’y a rien eu de déplacé durant toute cette soirée. Si ce n’est peut-être le fait qu’Emma s’endorme sur mon épaule alors qu’une orgie se déroulait sous nos yeux (surtout les miens) ébahis.
On a donc quitté les lieux pour laisser la place à des plus excité.es que nous. Assises sur les marches du Sacré-Coeur, mon téléphone s’est mis à sonner. « Allo, bébé ? Ça va, t’es où ? Tu fais quoi ? » Question de ma moitié canadienne, restée à Montréal (c’était le début de soirée là-bas). « Heu, alors, c’est une longue histoire mais en gros : je sors d’une soirée masquée-dénudée, c’était sympa, t’aurais dû venir. Next time babe ! » Silence. Fous-rires. « No comment ! Très hâte que tu me racontes. »
Maintenant que j’y repense et avec tout ce qu’on est en train de traverser, je me dis qu’une fois nos libertés retrouvées, il va sûrement falloir faire la queue pour rentrer dans ces lieux de plaisirs. Parce qu’après tout, l’humain est d’abord et surtout un être social, toujours en quête de nouvelles aventures. Comme le confirme cet internaute à qui je laisse volontiers le mot de la fin :
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