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Ukraine : la France, une terre d’asile inégale

La guerre nous a permis de découvrir des réfugiés de première classe.

Par
Ouissem
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« L’Europe ne peut pas à elle seule assumer les conséquences de la situation actuelle. Nous devons anticiper et nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants qui mettraient en danger ceux qui les empruntent et nourrirait les trafics de toute nature. »

Ces mots ont été prononcés par Emmanuel Macron, le 16 août 2021. La ville de Kaboul était alors tombée dans les mains des Talibans et une partie de la population afghane cherchait alors à quitter l’Afghanistan. Pas question pour la France d’ouvrir ses frontières, malgré les appels à l’aide dont URBANIA s’était fait le relai.

Ce mardi, suite aux bombardements russes en Ukraine, le président de la République a eu un discours tout autre : « La France, comme tous les autres pays européens, prendra sa part pour assister la population ukrainienne, mais aussi pour accueillir des réfugiés venus de ce pays. »

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Et le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin de compléter : « Nous avons adressé un courrier aux élus au sujet de l’accueil des Ukrainiens qui fuient la guerre. Objectif : construire ensemble un dispositif à la hauteur de l’engagement de la France. » Ce même ministre qui mène une véritable campagne de répression à Calais – où URBANIA s’est rendu – et autres endroits où les tentes des réfugiés sont installées.

il suffit juste d’un peu de volonté politique pour prendre des mesures rapides et efficaces. Mais cette volonté politique ne s’applique étrangement qu’aux réfugiés ukrainiens.

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À l’instar de la pandémie qui a révélé que “l’argent magique” existait avec le “quoi qu’il en coûte”, la guerre en Ukraine a montré que la France était capable de proposer des solutions concrètes : libérer des places d’hébergement, communications sans frais entre la France et l’Ukraine, billets de train gratuits… Comme quoi, il suffit juste d’un peu de volonté politique pour prendre des mesures rapides et efficaces. « La France sera en capacité d’accueillir tous ceux qui se présenteront », confirme l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) sur France Inter.

Mais cette soudaine volonté politique en matière d’immigration urgente ne s’applique étrangement qu’aux réfugiés ukrainiens. Pas aux Syriens, ni aux Yéménites qui pourtant subissent également une guerre depuis de longues années avec des victimes qui se comptent par centaines de milliers. D’où vient cette solidarité avec les Ukrainiens ? Serait-ce dû à la couleur de peau ? Non. Ça serait une question automobile à en croire les éditorialistes français.

« [L’afflux de réfugiés] va être une question importante. Et on ne parle pas là de Syriens qui fuient les bombardements du régime syrien soutenu par Vladimir Poutine. On parle d’Européens, qui partent à leurs voitures qui ressemblent à nos voitures, qui prennent la route et qui essaient juste de sauver leur vie quoi », a déclaré Philippe Corbé sur le plateau de BFM TV le jour où l’armée de Vladimir Poutine a débuté la guerre.

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« Les Français se disent : l’Ukrainien, il me ressemble, il a la même voiture que moi. Et finalement, c’est à 3 heures de Paris : je pourrais être à sa place. Je pense que c’est ça : il y a simplement une identification de proximité que, peut-être, le Français a moins avec l’Afghan. Et c’est pas du racisme. C’est la loi de la proximité », a justifié Olivier Truchot, présentateur des Grandes Gueules sur RMC.

Interviewé sur Europe 1, le député MODEM Jean-Louis Bourlanges y est allé aussi de son commentaire vantant les mérites du réfugié ukrainien par rapport aux autres. « Ça sera sans doute une immigration de grande qualité en revanche. Ce seront des intellectuels, pas seulement. Mais on aura une immigration de grande qualité dont on pourra tirer profit », a souligné celui qui préside la commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale.

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Cette déclaration sur une immigration “de grande qualité” a fait beaucoup réagir sur les réseaux sociaux. « Les moments de tension sont un révélateur. De l’indignité aussi. On parle de personnes qui sont menacées par des bombes, de familles déchirées. Il parle d’intérêt et sous entend une hiérarchie dans les réfugiés. C’est simplement dégueulasse », a réagi Cécile Duflot, directrice d’OXFAM France et ancienne ministre écologiste.

On ne sait pas s’ils sont venus en 206 ou au Clio, mais on sait que la France peut mettre les moyens pour traiter humainement les populations exilées.

« Je ne comprends absolument pas le sens de cette polémique. Ma phrase n’avait qu’un but : contribuer à apaiser ceux de nos concitoyens qu’inquièterait une vague d’immigration en provenance d’Ukraine . Il me semble étonnant que la reconnaissance de la “qualité” d’une personne ou d’un groupe de personnes puisse être considérée comme une offense faite à la collectivité », justifie Jean-Louis Bourlanges, joint par URBANIA.

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À gauche aussi, les déclarations ambiguës ont fleuri depuis le début du conflit. Pour Jean-Luc Mélenchon, les Français sont solidaires avec l’Ukraine parce qu’ils découvrent que la guerre « n’est pas un produit exotique qui a lieu loin. » Dans les pas du gouvernement, Anne Hidalgo a annoncé faire de Paris une “ville refuge” et mettre en place tous les moyens pour héberger les réfugiés ukrainiens. Les exilés venus d’Afghanistan, d’Irak, de Somalie ou d’Érythrée installés porte de Pantin, porte de La Chapelle ou porte de Montreuil apprécieront la main tendue.

Aujourd’hui, cette politique à deux vitesses se traduit par une discrimination entre les Ukrainiens et les résidents originaires du Nigéria ou du Cameroun. Les premiers peuvent quitter leur pays sans encombre, tandis les seconds racontent être refoulés du poste-frontière avec la Pologne. De nombreux témoignages affluent ces derniers jours sur le hashtag #AfricansinUkraine. L’Union africaine a dénoncé un « traitement différent inacceptable », alors que les autorités locales évoquent une « mésentente entre les gardes-frontières polonais et ukrainiens »..

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Ce mardi 1er mars, d’après le ministère de l’Intérieur, la France a accueilli moins d’une centaine de réfugiés venus d’Ukraine. On ne sait pas s’ils sont venus en 206 ou au Clio, par contre, on sait désormais que la France peut mettre les moyens pour traiter humainement et avec de véritables moyens les populations exilées. Dommage qu’il ait fallu une guerre et une pandémie pour découvrir cette capacité de mobilisation de nos institutions. Reste encore à ce que les moyens soient mis à la disposition de tous ceux qui ont en besoin.

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