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«Tous Anti-Covid» : j’ai testé l’appli’ pour vous et…

Ça ne fonctionne pas mieux que «StopCovid».

Par
Barbara Paul-Foos
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Allez, je me lance, j’installe la fameuse application Tous Anti-Covid sur mon téléphone. Ça commence mal: elle n’a que 3,1 étoiles sur 5 ; c’est déjà mieux que StopCovid, certes, qui avait une note de 2,6, mais pas terrible quand même. Une fois téléchargée, il faut que j’active mon Bluetooth pour que l’appli détecte les autres téléphones. Moi qui prends habituellement bien soin de désactiver constamment ma localisation et le Bluetooth, c’est loupé pour cette fois.

En plus de ça, l’application reste en arrière-plan, ce qui sous-entend que je vais me retrouver sans batterie d’ici une heure environ (66 % au début du test et 25 % après 5 heures d’utilisation). La première version fonctionnait de la même manière, difficile d’attirer la foule avec ces mêmes contraintes. Il s’agit en fait davantage d’une mise à jour de l’application que d’une nouvelle version avec de grandes différences. Et qui dit peu d’utilisateurs, dit peu d’utilité, surtout pour une app’ censée traquer une pandémie.

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Je jette un coup d’œil sur les paramètres des données personnelles: la catégorie « Historique de proximité » est toujours présente et me plaît moyennement. Le fait de savoir que quelque part dans « le cloud », on peut retrouver qui j’ai croisé, où et quand, exactement… Ça me donne envie de désinstaller cette app’ plus qu’autre chose.

Mais au-delà de ça, pourquoi les Français.es rechignent-ils à utiliser cette app’? J’ai posé directement la question à Gérard Roucairol, Président Honoraire et Président du Pôle Numérique de l’Académie des technologies. «C’est un problème plus général sur la crédibilité des politiques. Il y a un défaut de communication, clairement.»

Concrètement, la communication autour de Tous Anti-Covid n’a pas aidé à la rendre séduisante après l’échec de la première version. Le 22 octobre dernier, le jour de la sortie de cette fameuse mise à jour, la communication était assez chaotique. Mais c’est sur Twitter que la méfiance s’est le mieux illustrée.

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On vous laisse le soin de lire les commentaires, souvent savoureux, qui en disent long sur l’intérêt et la confiance que portent les Français.es à l’égard de l’app.

De nombreuses explications auraient été nécessaires pour qu’elle soit davantage installée, selon Gérard Roucairol. Il aurait fallu commencer par rassurer. «Le but du traçage automatique, comme c’est le cas avec cette nouvelle application, c’est de rendre le tout plus confidentiel. Aucun numéro ni aucun nom n’apparaissent ou ne sont accessibles. Mais personne n’a expliqué ça aux gens! C’est un défaut de communication majeur dans cette affaire.»

Bref, ça ne risquait pas de fonctionner.

Une théorie loin de la réalité

L’app est maintenant sur mon téléphone, donc je devrais être à présent avertie « en cas de risque ». Mais c’est quoi le risque concrètement ? Il y a un risque si je suis restée plus de 15 minutes à moins d’un mètre d’un utilisateur déclaré positif et qui l’a transmis sur l’application. Ces critères qui avaient déjà été remis en question pour StopCovid n’ont pas changé avec cette nouvelle version. En sachant que, depuis le 2 juin, l’application a été téléchargée et activée 4 millions de fois environ pour notifier seulement 1 173 personnes suite à une exposition au virus, ce serait assez « incroyable » de tomber sur quelqu’un de positif, qui le sait ET qui l’a annoncé sur l’application.

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Étrange découpage de la zone de contamination quand j’y repense. Tous les médecins et spécialistes répètent à l’envi que le virus circule par les gouttelettes (les postillons, autrement dit) mais aussi dans l’air. Donc si je suis à deux mètres de quelqu’un de positif, je risque aussi d’attraper le virus, non ? Mais l’app ne me préviendra pas.

Le test du supermarché

J’ai envie de mettre l’app à l’épreuve. Quoi de mieux qu’un supermarché en fin de journée pour tester l’application et voir si je suis submergée par les notifications? Fin du suspens: non, 0 notification. Mon téléphone ne vibre pas d’un poil. Pourtant, j’y étais attentive. À vrai dire, j’avais les yeux rivés dessus et je restais relativement proche des personnes croisées assez longuement. J’ai dû passer pour une folle à être déçue de n’avoir aucune alerte alors que les cas de COVID augmentent sans cesse. Étrange sensation.

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En réalité, j’avais un peu l’impression de jouer à « Pokémon, attrapez-les tous! » Après avoir passé plus de temps sur mon téléphone qu’à faire mes courses, je comprends pourquoi l’application n’a pas séduit grand monde. Moi la première.

Malgré tout, il faut reconnaître que les débuts de Tous Anti-Covid sont meilleurs comparés à ceux de StopCovid qui avait été téléchargée moins de 3 millions de fois en cinq mois. Je reconnais qu’il y a une différence entre ces deux versions: sur la nouvelle app’, on retrouve facilement plusieurs informations, chiffres et statistiques sur la propagation du virus en France en temps réel. C’est assez concis et clair.

Mais pour Gérard Roucairol, il est nécessaire que des personnes «crédibles» dans le domaine de la santé appuient l’utilité de l’application, pour que cette deuxième version soit une réussite.

Un pari qui s’annonce difficile sachant que, fin septembre, le Premier ministre ainsi que le garde des Sceaux et la ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, avaient avoué ne pas avoir installé l’application sur leurs smartphones.

Il serait peut-être temps de montrer l’exemple, non?

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