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To bise or not to bise, telle est la question

Et si on s'en débarrassait définitivement ?

Par
Laïma A. Gérald
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Je ne vous apprends pas grand-chose en affirmant que depuis le Covid, les contacts interpersonnels, les manières de se saluer, le langage corporel et l’ensemble des codes sociaux qui impliquent une interaction physique ont changé.

On peut bien sûr penser aux poignées de main, aux câlins et évidemment à la bise, qui se sont rapidement transformés en salutations avec le coude un peu gênantes.

Ceci étant dit, je trouve ça particulier de réaliser que je n’ai jamais fait la bise aux ami.e.s et aux collègues que j’ai rencontrés pendant la pandémie et que je n’ai pas serrés ma famille et mes ami.e.s dans les bras depuis 18 mois. Difficile à concevoir pour une adapte de la bise et des câlins telle que moi.

Quand la crise sanitaire sera derrière nous, qu’adviendra-t-il de ces contacts sociaux traditionnels ? La bise est-elle vouée à disparaître ou se taillera-t-elle une place dans les mœurs post-crise ?

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La petite histoire de la bise

« La perception des habitudes et des codes sociaux qu’on tient pour acquis, ça peut changer très vite. »

Depuis quelques mois, j’ai constaté un drôle de phénomène : quand je regarde un film ou une série, et que je vois des gens se faire des câlins ou être proches physiquement, il y a une certaine dissonance cognitive qui se crée, presque comme si j’assistais à quelque chose d’irréel ou d’interdit. Comme quoi la perception des habitudes et des codes sociaux qu’on tient pour acquis, ça peut changer très vite.

Pour en revenir à la bise, on sait qu’il s’agit d’une pratique très associée à la France et aux francophones. Les Américain.e.s et les Canadien.ne.s anglais.e.s ont plutôt tendance à se faire un petit câlin ou un seul bisou sur la joue quand ils se rencontrent.

Ça m’a donné envie de connaître d’où vient la bise. Voici donc quelques fun facts triés sur le volet:

– En – 500 avant J.-C, l’historien grec Hérodote rapportait déjà que les Perses saluaient selon une étiquette stricte : quand deux hommes de même rang se croisaient, ils s’embrassaient sur la bouche. En revanche, quand ils étaient de rang différent, ils s’embrassaient sur les joues.

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– La bise était considérée comme une salutation solennelle dans la Rome antique, entre 27 av. J.-C. et 476 apr. J.-C.

– En 397, la bise a été jugée impudique par le concile de Carthage. On arrête donc de s’embrasser pour se saluer.

– Au Moyen-âge, la bise devient un signe de reconnaissance réservé aux chevaliers et aux nobles.

– Au 14e siècle, la bise est de nouveau bannie pour cause de peste noire (ah tiens donc, une pandémie !)

– Au 18e, la bise a fait un timide retour, avec les fameux baisers galants, puis elle a été encore blacklistée au 19e siècle.

– Au 19e siècle, en France, seules les femmes se font la bise.

– Puis, on retrouve la bise uniquement dans les familles jusque dans les années 70.

– Dès les années 80, la bise est une pratique qui s’installe dans l’espace public. On l’utilise pour se présenter à des inconnu.e.s, saluer ses ami.e.s, des collègues, des membres de sa famille, etc.

– En 2020, ciao bye la bise, pour cause de COVID-19.

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Pour ou contre la bise

« Si la pandémie fait qu’on n’est plus jamais obligé.e de se faire la bise, ça aura valu la peine de traverser tout ça, me confie Mathieu, un jeune montréalais de 31 ans, en exagérant un peu. Blague à part, ça me rend tellement inconfortable. Tu ne sais jamais par quel côté commencer, tu te cognes le nez, des fois ça ne te tente pas, mais tu te sens obligé, il y a des gens qui te bavent un peu sur la joue. Je trouve ça chelou, intrusif et pas hygiénique, la bise ».

« Tu sais jamais par quel côté commencer, tu te cognes le nez. il y a des gens qui te bavent sur la joue. Je trouve ça chelou et intrusif, la bise. »

Le jeune trentenaire, qui se considère pourtant comme une personne sociable, n’est pas seul à se sentir de la sorte. En effet, en mars 2021, une firme française a réalisé un sondage sur la perception de la bise. Les résultats révèlent que 78% des Français et des Françaises interrogé.e.s pensent renoncer à faire la bise à des inconnu.e.s une fois la crise terminée. Et ça va plus loin : 50% des sondé.e.s déclarent qu’ils éviteront même d’embrasser des proches, des amis ou des collègues, après le COVID-19.

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Kiss or no kiss

En France, depuis avant même la pandémie, il existe des groupes militants qui demandent le « no kiss ». Ces militantes « anti-bise », pour qui la distanciation sociale imposée par la crise sanitaire est une bénédiction, revendiquent des valeurs de consentement et d’intégrité physique, et affirment qu’il s’agirait d’une pratique dépassée, intrusive, voire sexiste. Selon les partisanes du « no kiss », un sourire aimable, un « bonjour » chaleureux ou, pourquoi pas, le fameux « foot shake » qui cartonne sur TikTok, seraient à privilégier.

« Je vois la bise et les câlins comme un langage en soi, et dès qu’on pourra, c’est sûr que je ne pense pas m’en priver. »

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Pour d’autres personnes, la bise est un moyen d’expression essentiel. « Personnellement, je m’ennuie de faire la bise aux gens, affirme Monica, une designer graphiste de 27 ans. J’ai passé la pandémie plutôt isolée et ça me manque de manifester physiquement de l’affection aux gens que j’aime. Je vois la bise et les câlins comme un langage en soi, et dès qu’on pourra, c’est sûr que je ne pense pas m’en priver. Si les gens sont d’accord, évidemment ».