.jpg)
Salto, ta grand-mère en streaming
Ce mardi 20 octobre, le « Netflix français » a été lancé. La plateforme de streaming, initiée par les groupes TF1, M6 et France Télévisions, et inspirée par BritBox (modèle anglais créé par BBC et ITV) est-elle une vraie révolution ou un pétard mouillé ? Bougez pas, je l’ai testée « day one ».
C’était une volonté de Delphine Ernotte (France Télévisions), Nicolas de Tavernost (M6) et Gilles Pélisson (TF1), les PDG des principaux groupes audiovisuels français face à l’émergence de la télé en rattrapage (Amazon, Netflix…). Leur but ? Endiguer la baisse de leurs audiences « historiques ». Créer un champion français du streaming qui pourrait faire la nique à Netflix. Bien sûr, tout le monde a ri du côté du grand public. Car, côté budget, les deux ne boxent pas dans la même catégorie. Si Netflix est Super-Welters en investissant des centaines de millions de dollars en création originale, Salto est un poids-plume au slip trop large pour son corps tout frêle.
Paris Première, TV Breizh (parfait si vous aimez Columbo et Arabesque), Téva, Histoire TV, et Ushuaïa TV (sans Nicolas Hulot et sans gel douche)
Côté interface, déjà, aucune surprise. On est dans le TRÈS classique, avec des boutons arrondis, des effets de transparence: bref, un développement WordPress de base pour une UI (interface utilisateur) pas très surprenante. Clairement, Salto ne vise pas le public de MTV ou de Vice, mais plutôt celui qui veut retrouver ses repères et un confort d’utilisation. On a un minimum d’options : « Ma Liste » (qu’on retrouve seulement via « Mon Compte », donc pas pratique sans raccourci), le replay par chaîne et la possibilité de suivre les lives des chaînes des 3 groupes fondateurs de l’appli : TF1, M6, et France Télévisions. Pour le prix (6,99 euros minimum par mois), ils sont bons seigneurs et nous ajoutent certaines chaînes payantes pas très regardées, comme Paris Première, TV Breizh (parfait si vous aimez Columbo et Arabesque), Téva, Histoire TV, et Ushuaïa TV (sans Nicolas Hulot et sans gel douche). Vous avez plus avec la TNT, sans payer. Et pour finir sur le côté technique, parlons du player : il est très simple aussi. C’est vraiment fait pour que le gamin de 6 ans, comme la mère-grand très myope, puissent « naviguer » assez facilement sans être dépassés par la technologie. Le public cible c’est d’ailleurs un grand problème et c’est certainement ce sur quoi va buter Salto, on y reviendra.
.png)
Le player offre les options minimales, là encore : VO/VF, sous-titres ou non, avance ou retour de 15 secondes (pourquoi 15 ?) et c’est tout. Rien pour régler la qualité de débit de l’image (et aucune info sur de la HD ou du 4K), et vous avez plus d’infos sur le timer (temps écoulé, temps restant) que sur les programmes eux-mêmes (souvent un simple « null » s’affiche, pas de résumé, pas de liste d’acteurs). Quant aux programmes en 4/3, ils sont mal recadrés, entourés de bandes noires sur les côtés mais aussi au-dessus et en dessous. C’est le cas pour un programme culte qu’on ne trouve nulle part ailleurs : Seinfeld. La série culte et de qualité, passera une fois de plus aux oubliettes dans l’offre, du fait d’un mauvais traitement technique, alors que les DVD, sortis il y a 15 ans en France, étaient de bien meilleure qualité. Si Tout le monde déteste Chris, personne n’aime Seinfeld, côté technique.
Côté programmes, la gamme pianote du très bon à l’insupportable.
Et on va en causer des programmes, justement. La gamme pianote du très bon à l’insupportable. Bonne initiative : programmer des téléfilms ou séries en avant-première, avant leur diffusion à l’antenne, comme « Ils étaient Dix », l’adaptation du roman d’Agatha Christie, qui a beaucoup fait parler récemment. Autres avant-premières : chaque jour, les primes de certaines chaînes, les feuilletons comme Plus Belle La Vie ou les épisodes de jeux TV comme « Slam » sont disponibles dès le matin de leur diffusion. Sympa, mais le site de france.tv le proposait déjà. On y reviendra aussi.
.png)
Alors, à quoi sert vraiment Salto ? La plateforme est-elle destinée à être une séance de rattrapage de la TV ? Oui. On peut le pronostiquer, ce qui va être le plus maté, ce sera l’intégrale de Capitaine Marleau (7 millions de téléspectateurs à chaque diffusion quand même), d’Alex Hugo (5 millions à chaque fois), de Candice Renoir ou de Joséphine Ange Gardien. Et toute la collection des « Meurtres en Région », des téléfilms policiers qui changent de lieu et de héros à chaque épisode, et qui cartonnent, au coin du feu chaque samedi sur France 3.
Voilà, Salto, c’est ça, une machine à replays géante. Ah non, pardon, il y a aussi des films, mais ce n’est pas l’offre cinéma la plus démentielle.
Mais aussi les téléfilms unitaires avec Kad Merad, ou Alexandra Lamy, qui ont fait l’événement lors de leur première diffusion, mais qui ont déjà été rediffusés sur les petites sœurs comme TF1 Séries Films ou 6ter. Voilà, Salto, c’est ça, une machine à replays géante. Ah non, pardon, il y a aussi des films, mais ce n’est pas l’offre cinéma la plus démentielle. C’est plutôt le fruit des investissements des groupes dans le cinéma, du vu et revu pour la plupart (Lost in Translation, Ciao Pantin, Les Sous-Doués…). Ou bien des bides cachés jusque-là, et pas grand-chose de récent dans tout ça. Bref, Salto, c’est une obligation des investissements des groupes, que ces derniers tentent de rentabiliser un minimum avec cet abonnement payant. Alors oui, il y a aussi des documentaires. Mais personne ne s’abonne à un service pour des docus. Sinon, tu t’abonnes à CanalSat pour « Chasse et Pêche ».
Ce qu’il y a de plus intéressant dans Salto, c’est la production étrangère.
Ce qui est paradoxal, c’est que ce qu’il y a de plus intéressant dans Salto, service français, oui môssieur ! (tentative d’imitation de Jean Gabin dans Un Singe en Hiver en disant ça), c’est la production étrangère. En France on n’a pas de pétrole, mais on n’a pas d’idées non plus: on pompe tout chez les autres. Vous pourrez ainsi découvrir quelques séries étrangères pas ou peu diffusées en France, hyper intéressantes comme A Very British Scandal avec Hugh Grant. Mais aussi des inédits ou pas encore diffusés comme Quiz, de la BBC, sur ce candidat de Who Wants To Be A Millionnaire qui avait triché, ou Evil de CBS, bientôt diffusé sur TF1, ou encore Intelligence avec David Schwimmer, que beaucoup iront voir uniquement pour la présence de l’acteur de Friends, avant de vite le quitter au bout de 2 épisodes. Il y a aussi des petits bijoux comme Parks and Recreation, avec Amy Poehler, qu’on attendait depuis des années sur Netflix France. Sinon, en réconfort pour les nostalgiques, et sûrement ce qui va le plus marcher, c’est la possibilité de binge-watcher Buffy contre les Vampires, Ma Famille d’Abord (pas de VO dispo, d’ailleurs) ou Hawaii 5-0. Bref, que des programmes multi-diffusés sur la TNT.
.png)
Salto a décidé de ranger ces quelques programmes (même si 10 000 heures sont annoncées) dans des playlists, pour faire plus touffu. La sélection d’invités est passable, voire inutile. Je me fiche pas mal de savoir ce que regarde Anne Depetrini (personne ne se souvient d’elle, d’ailleurs), ou Malika Menard, en fait. Ça sent l’objet promo à plein nez, et le copinage. Les playlists sont mal nommées (enfin, ils essayent d’être marrants mais c’est raté) et encore plus mal rangées que la chambre d’un ado.
.png)
Un truc marrant, mais, pareil, ça ne durera qu’un temps, ce sont les playlists par signe zodiacal. C’est un gadget, et surtout histoire de rire de nos goûts potentiels. Chacun ira voir par effet de curiosité, et puis ça retombera bien vite. Par exemple, Gémeaux que je suis, on me recommande: Les Demoiselles de Rochefort et Jules et Jim. Et Ben, un téléfilm avec Barbara Schultz. Putain, j’ai eu l’impression d’être puni, et d’avoir 80 ans à la fois.
.png)
Alors, faut-il prendre un abo ou pas ? C’est une bonne question.
Et avec la section « Le choix des critiques », on a vraiment l’impression qu’on a (mal) choisi à notre place. Comme si, après avoir passé son diplôme par correspondance, ta tante s’était improvisée décoratrice d’intérieur pour ton nouvel appart, et là, tu découvres le lieu, tu as envie de pleurer (mais pas de joie).
.png)
Pour résumer, Salto souffre déjà du comparatif avec les autres offres VOD : Netflix a une autoroute de programmes originaux devant lui, Disney+ vise déjà la famille et a une puissance de feu sans pareil, et Canal propose des abonnements pour tous les goûts qui mettent en avant le cinéma ou le sport. Perso, j’ai un abonnement Canal+ qui intègre déjà la TNT, Netflix, Disney+, Ciné+ et OCS. C’est certes plus cher (34,90€ par mois) mais je sais où je mets mon argent, et ça me va très bien. Je peux y suivre les dernières productions américaines, d’HBO à Showtime, en US+24, et voir les films récents. Tout ça en très bonne qualité vidéo. Avec Salto, je vais devoir attendre 3 ans après la sortie d’un film français actuellement à l’affiche, et encore, si un des groupes est co-producteur ! Et dans Salto, le sport est très absent, sachant qu’il est pourtant HYPER important dans les envies d’abonnement du grand public. On aurait pu remater des vieux tours de France ou Jeux Olympiques, non ?
À l’heure de Twitch, Salto passe vraiment pour la grand-mère du streaming.
Alors, faut-il prendre un abo ou pas ? C’est une bonne question. Les créateurs de Salto ne sauraient même pas vous répondre. Car je pense qu’ils ne se sont pas posé la question: « A qui s’adresse Salto ? ». Car le public le plus concerné par les programmes sont des personnes plutôt âgées, voire carrément âgées. Donc pas celui qui paye de 7 à 13 euros par mois pour regarder la télévision. Salto, c’est du France3+, mais certainement pas un acteur qui va révolutionner le marché. Si c’est pour mater des replays de vos émissions préférées : vous avez sans doute une box Internet qui les a. Pareil pour les « avant-premières », déjà dispo sur France.tv, MyTF1 ou 6play. Et surtout, il existe un super service qui propose toutes ces chaînes et même celles de la TNT, qui est gratuit, et qui s’appelle Molotov.tv.
.png)
Un service qui dégage une image plus jeune, qui propose des bouquets de compléments, et dont l’interface est plus sympa. Parce qu’à ce prix, privilégiez n’importe quel autre service de streaming qui vous proposera des productions originales, du contenu plus récent/intéressant. Ou même tout bêtement un service gratuit comme Youtube. Et à l’heure de Twitch, Salto passe vraiment pour la grand-mère du streaming. Comme j’ai été obligé d’ouvrir un compte (et surtout d’entrer des coordonnées bancaires) pour accéder au service, je vais profiter du mois offert pour re-binger Parks and Rec et découvrir les prods anglaises. Mais après ça, pour moi, ce sera « Adios, Salto ! ».