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Sainte Paluche : « Jusqu’à mes 37 ans, j’ai été un putain de connard ! »

Confessions d’un mâle alpha repenti. Amen.

Par
Daisy Le Corre
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Sainte Paluche. Le sexpert aussi journaliste qui se cache (pour des raisons professionnelles) derrière ce pseudo bien trouvé n’a pas sa langue dans sa poche, mais surtout : il sait de quoi il parle. « J’adore le cul ! On ne va pas se mentir (rires). C’est comme un pâtissier ; en général, il aime bien manger… », m’a confié cette Fantômette du sexe en guise de préambule zoomesque.

Créateur du compte éponyme Sainte Paluche (qu’il a dû recréer après avoir été « banni ») et auteur de l’ouvrage intitulé Je bande donc je suis. Introspection d’un mâle conditionné par le patriarcat, ce mentor sans tabou ni langue de bois déconstruit tous les clichés autour de la sexualité dite « masculine » et « virile ». Autant dire qu’on avait hâte de discuter avec lui et on avait raison.

Qu’est-ce qui t’a poussé à créer une page Instagram pour parler de cul ?

Après avoir collaboré avec un média qui ne publiait jamais mes articles, mais qui me volait mes idées, j’ai décidé de me lancer en solo, tout simplement ! Ça s’est passé le 19 mars 2019, précisément : je suis en soirée et , sur les conseils de mes potes bourrés, je finis par lancer moi-même ma page Instagram. C’est comme ça que Sainte Paluche est né !

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Comme quoi, l’alcool fait parfois des miracles ! Quels ont été les premiers échos que tu as reçus en lançant cette page ?

Pendant 3 ans, j’ai eu un succès exponentiel, j’étais arrivé à 45 000 abonnés, ça se passait super bien. À l’époque, je suis l’un des seuls mecs en France qui traite de la sexualité comme ça. Et ça intéresse aussi bien les femmes qui peuvent enfin questionner librement un mec sur la sexualité que les mecs qui commencent à se confier à moi. On me disait : « C’est trop bien fait, c’est bien écrit, c’est super utile ! Enfin un mec qui nous comprend et un mec qui nous aide à comprendre les mecs ! », etc. Et puis j’ai fini par être sanctionné par Instagram après avoir reçu plusieurs avertissements, donc j’ai dû repartir à 0. J’étais dégoûté, mais ça m’a permis de me recentrer, au final. Je ne fais plus de partenariats maintenant et je me focalise sur des contenus plus introspectifs.

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Ça te faisait quoi, à l’époque, de savoir que tu répondais à un besoin et à des attentes avec ce compte ?

Ça me faisait super plaisir ! Même si certains messages m’agaçaient aussi : par exemple, on m’a demandé 1 000 fois si j’étais un homme ou une femme : on me disait que c’était impossible que je sois un homme qui parle de sexualité de manière bienveillante et respectueuse. Ils ne me croyaient pas ! Pour eux, les hommes ne pouvaient pas parler de sexualité de manière déconstruite comme je le faisais. Ni remettre la masculinité toxique ou les êtres phallocentrés. J’étais ultra vexé ! J’ai eu des problèmes en DM, d’ailleurs. Ça me saoulait. Mon message était pourtant simple : « Je peux être un mec et parler de sexualité avec intelligence, merde ! »

En France, les pages sexo sont dominées à 98 % par les femmes. Alors dès qu’un mec essaie de le faire, on pense que c’est pour draguer ou parce qu’il a de mauvaises attentions. Mais non !

Quel était ton objectif de départ en créant ce compte ?

Depuis toujours, je voulais bosser sur la sexualité de manière sérieuse. Mais en France, on est trop puritains ! Je l’ai remarqué dès l’école de journalisme, dès mes premiers stages et premières missions : tout ce qui touche à la sexualité, c’est un énorme problème.

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En France, dans la presse, il y a toujours eu Maïa Mazaurette et seulement elle. À part elle, on ne fait de la place à personne et c’est dommage.

Quand ma page Instagram est arrivée, ça a été une libération pour moi et j’ai réellement senti qu’il y avait un gros besoin en matière de contenus sexos différents.

Si l’on se fie au titre de ton livre Je bande donc je suis. Introspection d’un mâle conditionné par le patriarcat., est-ce que tu étais ce genre de mâle avant d’en prendre conscience ?

J’ai 40 ans maintenant, mais je pense que jusqu’à mes 37 ans, j’ai été un putain de connard ! Sans dire que je mérite la prison ou quoi que ce soit, mais j’ai été un énorme connard.

C’est le temps qui passe qui m’a fait réaliser ça et aussi l’arrivée de mes enfants qui m’a fait comprendre que je n’aimerais pas qu’ils se comportent ou qu’on les traite comme j’ai pu le faire avec certaines personnes.

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Je vais te donner un exemple concret : à 34 ans, je couche avec une fille et une fois que j’ai joui, j’arrête tout ce que je suis en train de faire… Sauf qu’elle se retourne vers moi et elle me demande simplement de continuer. Mais moi, personne ne m’avait jamais rien dit sur le plaisir de l’autre ! Quand on est éduqué au porno, c’est : « Tu bandes, tu pénètres, tu jouis et c’est fini ». Il a fallu que cette personne avec qui j’ai couché me le dise pour que je réalise. Et elle avait tellement raison !

Qu’est-ce que ta page Instagram et ton livre t’ont appris ?

En lançant ma page Instagram, je me suis rendu compte que ça ne me suffisait pas de faire du contenu coquin léger. Alors j’ai commencé à lire énormément et à me documenter sur les sexualités et les féminismes, entre autres. Par exemple, le féminisme matérialiste m’intéresse beaucoup, tout comme les études sur la misandrie. Ou le travail de Martin Page, Au-delà de la pénétration. Ça m’a nourri et ouvert l’esprit.

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Les gens aussi m’ont challengé intellectuellement en DM avec ma page Insta. En ouvrant mon compte, j’ai ouvert un dialogue, en fait. C’est ce que je voulais ! Mais ça a été extrêmement dur au début, j’ai dû me remettre en question plusieurs fois.

De quelle manière la masculinité toxique affecte-t-elle nos sociétés, au-delà de la sexualité ?

Une sociologue me disait l’autre fois que la sexualité n’est que le reflet de notre société et elle a raison. Ce sont des schémas qu’on applique et ça touche tout le monde, hommes et femmes confondus. Personne n’y échappe. Toutes ces règles de domination s’appliquent partout : à la maison, au travail, sur la route, etc. La masculinité toxique est omniprésente. Pour s’en sortir, il faudrait absolument tout remettre en cause !

Oui mais comment y parvenir ? Comment faire pour être acteur de changements ?

Il faut s’ouvrir, discuter et essayer d’être moins cons, surtout ! (rires) Mais demander aux gens de s’ouvrir, c’est déjà un grand pas… Je me souviens de certains de mes potes supporters du PSG qui comprenaient que des joueurs aient refusé de porter le maillot LGBTQ+ lors de la journée internationale contre l’homophobie. Ils me disaient : « On n’a pas à soutenir l’homosexualité ! On n’est pas homophobes, mais on ne soutient pas l’homosexualité ». Ce à quoi je leur répondais qu’ils étaient bel et bien homophobes et que l’important, c’était surtout de soutenir les personnes discriminées… Mais ça leur échappe complètement pour une simple raison : l’homme dominant, en s’ouvrant, il a l’impression d’être moins dominant et moins « mec ». C’est absurde, mais c’est vrai.

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Il y a aussi beaucoup de femmes qui n’acceptent pas qu’un mec ne soit pas l’archétype du bricoleur à la grosse bite qui la baise fort, qui fait de la moto et qui la protège, etc.
Et puis, je digresse, mais tout est lié : en France, en 2023, et même dans certains quartiers de Paris, les homos ont encore peur de se faire péter la gueule, c’est hallucinant.

Comment faire pour casser le tiercé gagnant « je bande, je pénètre, j’éjacule » ?

Je dirais que 3/4 des mecs hétéros sont encore là-dedans, malheureusement ! Mais on peut changer ça via l’éducation et l’école. Parce que ta meuf, c’est pas ton prof ! Ta femme n’a pas à être ton coach ! Mais est-ce que nos sociétés sont prêtes à éduquer les jeunes là-dessus ? Telle est la question…

D’après toi, non ?

J’adorerais aller faire des ateliers d’éducation à la sexualité dans les écoles, par exemple. Mais quand je vois ce qui se passe quand des drag queens proposent juste des ateliers lecture, ça me déprime ! Ça fait un tollé pour rien.

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Moi j’ai des amis ultra religieux, tu leur parles d’éducation sexuelle, ils sont prêts à brûler les profs ! Mais pourtant il faut le faire, il faut en parler.

Ne serait-ce que le sujet du consentement : les personnes de mon âge parlent de consentement avec leurs enfants, mais les autres générations, pas du tout ! C’est tabou. Mais pourtant, tout devrait passer par l’éducation. Le consentement, il faut en parler dès la fin de la maternelle, début du CP. C’est super important.

Comment protéger les jeunes générations du porno ?

Pour moi, le porno a été très nocif. J’ai été un surconsommateur dès l’âge de 11 ans. Toutes mes masturbations étaient liées au porno, c’était horrible. Dans le porno mainstream, tout passe par le plaisir de l’homme : la femme est là pour servir et donner du plaisir à l’homme, elle n’est qu’un objet de plaisir et non une personne avec qui on prend du plaisir. La femme est juste là pour qu’on se vide les couilles. Le schéma classique : je la pénètre, elle me suce.

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C’est une esclave ou une poupée gonflable, à la rigueur. Je déteste les gens qui disent : « Je l’ai baisée ! », non : « VOUS avez baisé ! » Si on expliquait aux hommes que la femme est une partenaire et que le plaisir se prend à deux, ça changerait tout. Ah et aussi que la femme n’est pas une propriété. Mais le porno ne nous apprend pas ça, hélas.

D’après toi, est-ce que les choses peuvent aller en s’améliorant ? Et est-ce que #MeToo a vraiment changé la donne ?

#MeToo, c’était il y a 5 ans et je n’ai pas vu de différence depuis : il y a toujours autant d’agressions, de viols, de féminicides, etc. Il y a toujours autant de domination, et l’homme cis est encore et toujours problématique.

Il y a encore plein de #NotAllMen en France : il faut encore leur expliquer qu’on ne dit pas que tous les hommes violent, mais juste que les hommes violent. On ne s’en sort pas !

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Il y a un gros travail d’éducation à faire, mais il faut commencer tôt. Ça commence par dire à son fils que s’il veut mettre une robe, il peut et à sa fille qu’elle peut être mécanicienne si elle veut. Mais aussi que si quelqu’un veut t’embrasser ou te toucher, tu dois être d’accord, et si c’est un adulte, tu dois venir m’en parler tout de suite. Ça passe par là ! Pareil pour la masturbation : si ton enfant veut se masturber, ce qui est totalement humain, il peut le faire, mais dans sa chambre, etc.

Qu’est-ce que t’aurais envie de dire aux MILLIARDS de personnes qui vont lire cet article ?

En tant qu’homme, sans essayer de nous excuser, il faut qu’on nous assume nos erreurs. L’autre fois, un pote me dit : « En y réfléchissant, je pense qu’on a tous violé une fille un jour dans notre vie ». « Violer » au sens où il n’y avait pas de notion de consentement. Mais putain, c’est ça la clef : si, à un moment donné, les hommes pouvaient assumer (sans qu’on les excuse pour autant), ça changerait beaucoup de choses. Beaucoup d’hommes ne voient toujours pas le problème, tu sais !

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En t’écoutant parler, j’ai l’impression que t’es un espion ultra lucide qui erre au milieu d’une communauté de pairs un peu débiles (rires). Et je m’interroge : quel rapport entretiens-tu à l’homme et à l’humain en général ?

C’est simple : je déteste l’homme avec un petit “h”, on est des putains de lâches. Moi, ce sont les femmes qui ont fait vivre ma famille, c’est grâce à elles, si je suis là. Et en particulier ma sœur aînée. L’homme m’a dégoûté très tôt et rapidement, j’ai su que je ne pouvais pas lui faire confiance.

As-tu un dernier message à faire passer ?

Si, comme moi, vous aimez le sexe, amusez-vous ! Il n’y a rien de honteux. Mais protégez-vous, évidemment, et à tous les niveaux : mettez des capotes & co, mais protégez-vous par rapport aux autres aussi. L’homme est un loup pour l’homme (et la femme), il juge en permanence. Vivons heureux, vivons cachés, sans pour autant se censurer. Soyez qui vous voulez en ayant le courage de vous regarder en face. Et rendez le sexe moins tabou.

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Je bande donc je suis. Introspection d’un mâle conditionné par le patriarcat, de Monsieur Sainte Paluche, illustré par Marie Casaÿs, Editions Kiwi.

Scoop : une BD de Sainte Paluche sortira bientôt… À suivre.