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Oui, merci. Merci de m’avoir permis de réaliser que je n’étais que plaintes et gémissements. Que je me vautrais dans mon malheur, que je nageais la brasse coulée dans mes propres larmes, telle Alice perdue au pays des merveilles (merveilles qui ressemblent furieusement à ses angoisses), et que tout cela n’était pas, je te cite, « fun ».
Nous avons discuté sur un site de rencontres, tu as pris le temps de lire mes humbles mais hélas, as-tu jugé, trop tristes petites histoires sur URBANIA. Alors. Bon. Je ne pense pas que URBANIA m’a recrutée pour mon humour, mais parce que je raconte le quotidien d’une maman isolée, veuve, tu sais, c’est ce que j’avais pris la peine d’écrire dans ma bio. On se donne la peine de rédiger, pleine d’espoir, le cœur battant la chamade (enfin, sans doute la première fois qu’on le fait, après on copie-colle) une bio précise, ironique, et JeanMi, dont je ne vais pas prendre la peine de relire la bio mais qui doit sans doute s’imaginer très ouvert d’esprit et optimiste, qui croque la vie à pleines dents, a du mal avec les vies effilochées. Pourquoi alors prendre/perdre du temps à m’écrire ? Il devait en avoir trop, JeanMi. Il s’est dit : « Bah, on ne sait jamais. Perso, je n’en ai pas trop, de temps, je cours après, mais je ne vais pas le dire trop fort, je ne voudrais pas lui donner l’impression que je me plains encore une fois. JeanMi, le petit blanc de 40 piges qui aime les voyages et cuisiner, les bistrots avec les copains quand il n’a pas ses mômes (les trois quarts du temps, donc), je ne veux vraiment pas le heurter avec la vraie vie des vrais gens qui galèrent vraiment.
Surtout que JeanMi a besoin de « légèreté ». Pas trop mon profil, il paraît, encore. Et là je dis : « Comment ça JeanMi ? Moi, je ne suis pas « légère » ? Mais je ris à gorge déployée de la vie, je me moque du malheur, je l’enfourche telle une sorcière sur son balai ! » J’exagère un poil pour te faire plaisir, JeanMi, parce que si tu trouves que la vie est une tartine de miel qui se déguste au soleil levant en savourant chaque bouchée, dis-toi que ma tartine à moi elle tombe toujours du mauvais côté tous les matins.
JeanMi n’avait pas compris, sans doute, que j’étais vénère, parce que les raisons d’être fâché.e se comptent sur des dizaines de doigts, tous les jours, et que la colère et l’envie furieuse de la surpasser ça maintient en vie. Et je suis déçue, parce que manifestement, la lecture de mes chroniques n’a pas fait grandement avancer la cause des femmes isolées. Est-ce un échec ? En tout cas, ça n’a pas marché.
Y’avait un truc, aussi. JeanMi, je cite, ne voit pas « le mot veuf.ve comme source de problème dans la vie ». J’ai beau retourner le truc dans tous les sens, je suis encore sur le cul. Effectivement, le mot ne pose pas de problème, en fait les mots en général c’est bien, oui, j’aime les mots, je n’ai pas peur de le dire. Mais je me doute que ce n’est pas ça que tu veux dire. Deux options : tu es ouvert à des relations avec des personnes endeuillées pour peu qu’elles soient funs, ou bien tu ne vois pas trop le problème qu’il y a à être dans ce cas. Genre : « Oui, bon, so what, ta femme est morte, ton mari s’est noyé, ça va, y’a plus grave, vois le verre à moitié plein ». Auquel cas, tu es un psychopathe.
Bon, voilà, tu n’as pas eu le feeling, JeanMi, je ne l’avais pas non plus, end of the discussion, nous n’irons pas boire un verre dans un endroit branché avec des tartines de houmous, c’est ballot, je vais plutôt économiser les sous de la baby-sitter pour lui demander de garder mes môminettes pendant que j’irai bouger ma tête trop lourde à un concert.
En tout cas, j’ai ri, ce qui prouve que j’ai quand même le sens de l’humour.