À 26 ans, Camille est mère de deux enfants, Romane, 3 ans, et Basile, 2 ans. Séparée de leur père, elle se retrouve aujourd’hui à devoir les élever seule, ou presque. Écrasée par le poids de la norme de la garde principale par la mère, elle raconte sur URBANIA pourquoi, ce mode de garde, elle n’en veut pas. Et pourquoi le temps passé avec ses enfants est aussi important que celui passé sans eux.
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Quand mes enfants sont nés, au départ, on était deux. Mon histoire avec leur père n’a pas duré, alors on a opté d’un commun accord pour une garde alternée, avant qu’il ne décrète qu’un week-end sur deux et la moitié des vacances, c’était finalement suffisant pour lui. Comme beaucoup d’autres femmes, je me retrouve donc aujourd’hui à élever seule mes deux enfants.
Autour de moi, tout le monde semble aller dans son sens : « Tu comprends, il a besoin de voir ses copains », « C’est pas facile pour lui, de se retrouver seul avec deux enfants ». Mais quand il s’agit de moi, le discours change radicalement : « Pourquoi tu as fait des enfants, si tu ne veux pas t’en occuper ? ».
Évidemment, que je veux m’en occuper. Mais je ne veux pas du mode de garde le plus répandu, c’est-à-dire celui de la résidence habituelle fixée chez moi, et porter seule la charge de leur éducation. Ce que je veux, c’est une garde alternée, répartie équitablement avec le père. Et j’en ai marre qu’on me fasse sentir que je suis une mauvaise mère quand j’ose dire que non, je ne veux pas avoir mes enfants tout le temps avec moi.
« personne ne naît ni père ni mère. On est tous égaux face à la parentalité. »
J’ai été maman à 23 ans et je suis très attachée à mes moments de solitude, surtout depuis que nous ne sommes plus deux à la maison pour nous occuper des enfants. Ça me permet de souffler, prendre du temps pour moi, sortir le soir, baiser sans attendre que les enfants soient couchés. J’aimerais aussi pouvoir partir en vacances en amoureux avec mon copain, juste à deux. Ne pas avoir à annuler une réservation dans un super hôtel avec rooftop pour me retrouver au dernier moment dans un camping avec les enfants parce que leur père n’est finalement pas disponible pour eux (true story). C’est simple, pour me sentir bien en tant que femme, j’ai besoin d’avoir du temps pour moi.
Mais parce que mes enfants sont sortis de mon ventre, j’ai l’impression que tout le monde attend de moi que je mette ma vie entre parenthèses pour eux. J’ai passé neuf mois à les porter alors forcément, être maman ça devrait être une évidence. Il me semble donc bon de rappeler une chose : personne ne naît ni père ni mère. On est tous égaux face à la parentalité.
Pendant que j’ai la pression de faillir à mon rôle de mère si je ne suis pas assez présente, leur père, lui, conserve toute son indépendance. Il ne prend les petits qu’un week-end sur deux, un peu pendant les vacances, et se retrouve dispensé de nombreuses responsabilités. Au quotidien, c’est comme s’il n’avait pas d’enfants ou presque. Les pères célibataires ont d’ailleurs souvent moins de mal à se remettre en couple, puisque dans l’imaginaire collectif, il est acté qu’ils n’ont leurs enfants à la maison qu’une minorité du temps, ce qui n’est donc pas si contraignant.
« ELLES SONT OÙ, LES MÈRES QUI AIMENT SORTIR LE SOIR, LOIN DES COUCHES ET DES BIBERONS ? »
C’est quand même hallucinant qu’encore aujourd’hui, en 2021, le mode de garde dit “classique” soit celui de la résidence principale chez l’un des parents, avec un week-end sur deux et la moitié des vacances chez le second parent… On devine facilement, dans un couple hétéro, où se situent la mère et le père dans ce schéma. D’après l’Insee, en 2015, 85% des parents optaient pour la résidence habituelle, qui dans 76% des cas, était fixée chez la mère.
Cette norme est aussi largement véhiculée dans les films et séries : le seul modèle représenté à l’écran est celui de la maman seule qui se démène pour joindre les deux bouts et gérer l’éducation de ses enfants. Les rares fois où l’on voit un père élever seul ses enfants, c’est soit parce que la mère est décédée, soit parce qu’elle est très malade. Elles sont où, dans les films, les mères qui descendent acheter des clopes au coin de la rue et ne reviennent jamais ? Celles qui ne veulent pas prendre en charge la totalité de l’éducation de leur enfant, ni se contenter d’une pension alimentaire ? Celles qui aiment sortir le soir, loin des couches et des biberons ?
« Il faut qu’on arrête de cantonner les femmes à leur rôle de mère et de perpétuer le modèle du père absent »
Il faut qu’on arrête de cantonner les femmes à leur rôle de mère et de perpétuer le modèle du père absent, ou présent ponctuellement seulement. Quand un couple de parents se sépare, il ne forme peut-être plus une famille unie au sens traditionnel du terme, mais il peut toujours faire un bon duo de co-parents, dans lequel chacun endosse sa part de responsabilité de façon égale et équitable. Une fois séparées, les mères continuent trop souvent de porter le poids de la charge mentale (alourdie puisqu’il faut désormais tout faire seule). Et il serait temps que ça change.
Propos recueillis par Pauline Allione.