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Je ne dois pas me représenter, vous avez saisi le genre de personne, grosso modo, que je suis, quelle est ma vie, mes contraintes, et à quel point j’essaie de comprendre comment vivent les autres (et y arrivent).
Je fais la fière à bras pour dire que c’est dur mais qu’on avance, que c’est la galère et que je fais du mieux que je peux, mais la réalité, c’est que face aux injonctions multiples (un sujet inépuisable), je suis parfaitement démunie. Ma force mentale est complètement capable de s’effondrer ; par exemple, je ne suis pas croyante. De manière générale. Pas seulement les religions, mais tout ce qui est mystique, spiritualité, « médecines » alternatives, développement personnel, pratiques new age. Certes, j’admets mes contradictions : je fabrique mes petites superstitions perso et secrètes, mais cela reste raisonnable. Je suis même presque prête à croire que des médiums parlent aux morts (mais moi, ça va, merci, je m’en tiens à distance, je ne vois pas l’intérêt). J’ai été une gamine anti-cléricale à l’adolescence, maintenant je pense que chacun.e a le droit de pratiquer sa religion comme il l’entend, du moment que ce n’est pas imposé (et que le dogme suivi ne demande pas de tuer des enfants le soir au clair de Lune dans le jardin de ma résidence, merci). J’essaie de ne pas être influençable, mais de ne pas trop me moquer, même si parfois dans ma tête ça pouffe quand même (il y a tellement de pratiques qui ne tiennent sur rien, je ne saurais par laquelle commencer).
On pourrait penser que je suis solide et bien sur mes deux jambes : mais c’est faux. Je n’ai pas tant de certitudes. Je n’ai pas toujours le temps de prendre du recul et d’observer mes propres pratiques et mes propres pensées. En matière d’éducation, je jongle entre instinct, lectures, observations, écoute. Le temps passe vite, un jour après l’autre, et je fais au mieux.
Mais il suffit que je me retrouve face à une personne qui vit la même situation que moi et là, je me mets à douter (et à transpirer de honte). Je complexe. Je me dis que je suis une bien piètre mère et que je suis une flemmarde de première bourde.
J’ai rencontré une maman, récemment, qui vit comme moi, seule, deux enfants dont un en situation de handicap. Elle m’a mis une raclée dans le domaine éducatif. Elle n’en avait pas l’attention, bien entendu, c’est juste moi qui me suis dit : « Ok, je joue en amateur, là, elle, c’est une pro ». Pour son fils aîné et pour sa fille, dont je ne dévoilerai pas plus que leur âge : 10 et 8 ans, elle est prête à tout pour qu’ils se sentent comme les autres, handicap ou pas. Elle cherche toutes les activités compatibles avec l’emploi du temps, les finances et le handicap de l’aîné. Elle a en parallèle monté une auto-entreprise et suit des formations pour aider son enfant à apprendre de nouveaux trucs. En face, je suis là avec ma dépression chronique, ma fatigabilité extrême, nos samedis à trois à parfois ne rien faire (pas de sortie, pas de musée, pas de ciné, juste nous trois et notre chatte à la maison), mes métiers de autrice/chroniqueuse (à vot’service)/maman/aidante, à chercher des solutions pour certes que mes filles s’épanouissent et surtout : moi.
Au bout d’un moment, à force de l’écouter et de suer de gêne face à ma vie inutile et peu productive, j’ai compris aussi que ce qui nous différenciait, c’était qu’elle ne demandait jamais d’aide, ne pensait que très très peu à elle, ne s’offrait pas de répit. Et qu’elle débutait un burn out parental. Elle serait prête à tout donner à ses enfants, mais j’ai envie de lui dire : si toi tu ne tiens pas le choc, tu ne pourras plus t’occuper de tes enfants, et ça sera le résultat inverses de ce que tu voulais faire.
Tenir le choc, continuer la route avec ses objectifs toujours en tête, ce n’est pas une compétition avec soi-même ou son passé. On se reconstruit tous les jours. Et pour garder son énergie, sa force, peu importe les niveaux de cette énergie et de cette force, il faut ménager sa monture, soi, donc.
S’asseoir et admettre qu’on a le droit de ne rien faire un samedi après-midi au lieu de tester le bowling, l’escalade, que sais-je. S’accorder une pause seul.e chez soi ou au hammam, au salon de thé, avec un.e amant.e. Laisser ses enfants chez d’autres personnes et ne pas profiter de ce temps libre pour ranger ou nettoyer mais pour regarder une série, un film ou prendre une revue à la con ou un livre sérieux, peu importe.
Mais pour parvenir à cet état de lâcher prise, pour ne pas se faire envahir par la culpabilité, il faut se débarrasser, temporairement, de petites superstitions personnelles, de croyances intimes et du regard des autres dont on est persuadé.e qu’il nous poursuit partout. La culpabilité, mesdames, messieurs, c’est notre pire cauchemar. On sait bien qu’on n’arrivera pas à tout faire. Si mon enfant de sept ans, avec ses handicaps, n’arrive pas à encore à s’habiller seule, ce n’est pas grave : elle y arrivera l’année prochaine peut-être. Et ce n’est pas grave si elle n’arrive pas à jouer au foot, ou qu’elle n’aime pas les bruits trop forts et que du coup elle n’aime pas certaines attractions. Je ne pense pas qu’elle doive tout tester. Je ne veux pas la priver, et si j’ai des occasions qui s’ouvrent pour certaines activités, par exemple -on peut croire aux miracles, puisque nous parlions de croyances- que des clubs de sports adaptés s’ouvrent un peu partout, je sauterai dessus. Mais je n’ai pas envie d’épuiser mes filles et moi par la même occasion, parce que je veux être sûre de tout proposer.
Cette maman que je découvre depuis quelque temps ne vit pas comme moi et je ne veux pas la faire changer. C’est son mood, c’est sa famille, elle a la pêche, la patate, la gnaque, mais je le vois : elle se fatigue. Je connais ça. C’est là que je peux intervenir, et l’aider, lui apprendre à ne pas culpabiliser de prendre ce fichu temps pour elle dont elle a tant besoin pour se sentir la femme, qu’elle a envie aussi de continuer à être.
Les institutions qui nous aident, avec nos enfants, ne prévoient pas ce genre de solutions dans ce qu’elles nous proposent, même si elles ont bien conscience de nos vies, de ce que nous traversons. Il nous faut compter sur nos semblables pour s’entraider. Alors je vous le dis, je vous le hurle, si vous voulez offrir un après-midi détente au spa pour cette maman (et moi, au passage, elle adore papoter, autant faire ça à deux), ne vous gênez pas, mon Paypal est dispo, écrivez-moi. Les miracles n’arrivent jamais seuls, il faut les demander !