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PMA : elles parlent de leur parcours sur Instagram

Les réseaux sociaux servent de relais aux femmes qui n’ont pas accès aux renseignements nécessaires.

Par
Audrey Parmentier
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Des couleurs vives, des mémos humoristiques et des posts bourrés d’ondes positives. Sur Instagram, le compte Léa | PMA, Homoparentalité & Voyages, lourd de plus de 13 000 abonnés, n’a rien d’un forum anxiogène sur la procréation médicalement assistée (PMA). Début 2019, Léa, 28 ans, y raconte son parcours pour avoir un enfant, avec sa conjointe, Capucine. Ni une, ni deux, le couple prend vite conscience du besoin d’informations autour de la PMA : « Lorsqu’on s’est lancées dans ce processus, c’était parfois difficile de trouver des indications fiables. »

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Malgré le passage de la PMA pour toutes en septembre 2021, des milliers de questions restent en suspens et les messages en provenance de couples déboussolés continuent d’affluer. « De façon globale, le constat n’est pas génial. Il manque une organisation de pratiques en France. D’une région à l’autre, la trame n’est pas la même, créant des inégalités », balaie celle qui est devenue mère d’un enfant de trois ans et co-fondatrice du Collectif Familles.

La question de la filiation

Au cœur des interrogations se trouve le sujet de la filiation pour les couples homoparentaux. « Sur ce volet, j’ai l’impression que c’est de pire en pire », s’exclame Léa. Pour rappel, la Reconnaissance conjointe anticipée (RCA) est un document essentiel à signer chez un·e notaire avant le début de la grossesse pour établir la filiation à l’égard des deux mères dès la naissance. Trop souvent, des femmes réalisent leurs démarches dans le sens inverse, une perte de temps que Léa tente de leur éviter. Celle qui bossait dans la communication et l’événementiel a pris un virage à 180 degrés en vulgarisant au quotidien le processus de la PMA. Jusqu’à créer des sessions d’accompagnement de PMA en réponse à une forte demande, qui « n’ont rien de médicales », précise la jeune femme.

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« Les femmes concernées se retrouvent plongées dans un univers opaque. La PMA reste très scientifique. Moi-même, j’étais angoissée par les termes médicaux », confie Marie, 34 ans, créatrice du compte « Sur le Fiv », qui réunit plus de 3 300 abonnés. En plus de détailler son expérience de la PMA depuis 2019, elle a témoigné dans le livre Génération infertile, paru en mars 2022 aux éditions Autrement. Son seul mot d’ordre : dédramatiser le processus : « Grâce au compte Instagram, je n’ai pas eu l’impression d’avoir eu à gérer cela seule. On constituait une équipe de football, prête à gagner. Dans ce type de parcours, la pensée positive reste essentielle. » Pour elle, il a été important de partager son expérience avec d’autres femmes qui vivaient la même chose, malgré le soutien de son mari.

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L’importance d’être accompagnée

Vanessa Lalo, psychologue clinicienne spécialiste des pratiques numériques, explique pourquoi les réseaux sociaux permettent de libérer de la parole : « Sur ces plateformes, on cherche des communautés de pairs, c’est une façon de militer et de montrer par quel type d’épreuves on passe. » Une façon aussi de lever des tabous sur des sujets sensibles, comme l’infertilité du côté de Marie : « De mon côté, ce sujet n’a jamais été un tabou, mais il y a encore beaucoup d’efforts à fournir, même si les choses sont en train de bouger dans le bon sens.» Après trois fécondations in vitro (FIV) infructueuses, la quatrième tentative est la bonne. Mi-septembre, le test de grossesse de Marie est positif.

Souvent marqué par plusieurs échecs, le parcours de la PMA comporte quelques spécificités sur le plan psychologique. C’est ce que rappelle Mathilde Bouychou, psychologue clinicienne spécialisée en périnatalité : « Il s’agit d’une conception en dehors de l’intimité, qui peut s’avérer intrusive et s’ajoute aux blessures liées pour certaines à l’infertilité. » Par ailleurs, il y aussi la découverte d’un monde médical, dans lequel beaucoup de femmes se sentent un peu « instrumentalisées » et réduites à un objet, selon la spécialiste. « Ce parcours médical peut amener à une forme de déshumanisation. » Dans un tel contexte, les réseaux sociaux permettent d’échanger avec d’autres personnes et d’éviter la solitude, cependant attention que ces soutiens ne se transforment pas en consultation ce qui peut venir alimenter les angoisses. « C’est très important d’être bien accompagné. »

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Libérer la parole, sensibiliser sur le sujet de la PMA… Des défis que Marine, 33 ans, a elle aussi voulu relever. En 2020, cette Vendéenne décide d’entamer un projet de maman solo, illégal en France à l’époque, qu’elle mènera en Espagne. Alors que les débats sur la loi de bioéthique s’étaient focalisés sur l’ouverture aux couples de lesbiennes, un an plus tard, les femmes célibataires sont majoritaires dans les parcours de PMA. Sur 5 126 nouvelles demandes de consultation en PMA au premier trimestre 2022, 53 % provenaient de femmes seules, rapporte l’Agence de la biomédecine dans son dernier bilan.

Donner de l’espoir

Sur son compte, « Il était une fois ma PMA » (3000 abonnés) la jeune femme poste au fur et à mesure les étapes de son parcours. Le but : « Donner envie aux femmes de le faire, car ça paraît souvent insurmontable, voir impossible », déplore-t-elle. Son compte nous plonge dans son intimité : son hypothyroïdie, ses premières échographies ou encore son syndrome des ovaires micropolykistiques. « L’idée, c’était aussi de me rassurer par rapport à certaines étapes. Dans ma tête, il fallait que je sois le plus honnête possible, le plus clair. Je retranscrivais mon ressenti à l’instant. » Elle passe plusieurs heures par jour à alimenter son compte pour y livrer son intimité.

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« Les réseaux sociaux sont devenus une externalisation de l’intimité. Dans ce type de communauté, les gens ne sont pas enclins aux critiques et l’on reçoit des vagues de félicitations », souligne Vanessa Lalo. La psychologue met cependant en garde contre certains aspects négatifs : « Il y a un risque de s’enfermer là-dedans, ce sont quand même des parcours assez fragilisants. Il faut faire attention, parfois cette intimité peut nous revenir en boomerang. »

Mais sur son fil, Marine ne veut rien cacher à ses interlocuteurs. Sa fausse-couche au bout de deux mois de grossesse est un coup dur qu’elle partage sans tabou. Finalement, elle réussit à tomber enceinte. La question de suspendre son compte se pose, mais un sondage réalisé auprès de ses internautes l’encourage à continuer. Elle conclut : « J’ai perdu quelques abonnées, mais je pense que de voir que j’y suis arrivée après tous ces échecs donne aussi de l’espoir.»

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