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Marche de lutte pour le droit des femmes: on y était

« Je suis pas misogyne, j’ai une voisine. Stop aux excuses »

Par
Léa Martin
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Les Spice Girls n’étaient pas présentes à la marche de lutte pour le droit des femmes du 8 mars 2020 à Paris, mais je crois qu’elles auraient été fières: « If you wanna be my lover, you gotta get my consent », pouvait-on lire sur la pancarte d’une manifestante devant la Vulvo mobile qui faisait jouer les meilleurs tubes « de filles » du début du siècle.

Si l’ambiance était à la fête malgré la pluie, les dénonciations, elles, n’avaient rien de léger: les femmes veulent vivre en sécurité, point. Fini de faire comme si de rien n’était. Pour l’occasion, près de 60 000 personnes se sont rassemblées dans les rues de la capitale selon les organisateurs.

La colère provoquée par la remise du César de la meilleure réalisation à Roman Polanski était évidemment encore palpable chez les femmes présentes qui se sont massivement mobilisées contre “Le César de la honte”. « On se lève, on se casse », indiquaient plusieurs pancartes faisant référence à la tribune de Virginie Despentes dans Libération la semaine dernière.

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Sur des dizaines de pancartes blanches, les militantes avaient aussi écrit les noms des femmes victimes de féminicides en France: 151 en 2019 selon les manifestantes.

Ce 8 mars 2020 était donc une journée de lutte contre le viol, les violences domestiques, le harcèlement, le sexisme institutionnel, la réforme de retraites, et les inégalités en tout genre, parce qu’après cette année d’insécurité et toutes les autres avant elle, les raisons de se battre et de lutter ne manquent pas.

Voici les témoignages de quelques belles personnes que nous avons rencontrées durant cette marche.

Elina, 19 ans, étudiante

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J’ai hyper peur d’être engagée dans des associations parce que parfois certains combats peuvent exclure. C’est tellement con de diviser nos luttes et en même temps, c’est tellement important de ne pas se retrouver avec des gens qui excluent les putes, les trans… J’avance de mon côté et j’essaye de m’informer constamment, notamment grâce aux réseaux sociaux en suivant toutes les pages les plus importantes sur Instagram. Et vraiment, j’en profite pour faire passer un message: nique les TERF*!

*TERF pour «trans exclusionary radical feminists», soit des féministes radicales qui excluent les personnes trans de leur lutte. On en reparlera dans un prochain article.

Johanna, 70 ans, psychanalyste avec sa fille Esther et son compagnon Bertrand

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J’étais dans le mouvement MLF (Mouvement de libération des femmes) après 68 et là, ma fille m’a demandé de venir à la manif aujourd’hui, donc c’est juste formidable. Ça me fait très très chaud au coeur de voir tous ces jeunes réunis aujourd’hui parce que je trouvais que le combat avait un peu disparu. Moi-même, je suis devenue mère, donc je n’étais plus dans le mouvement de la même manière. J’ai cru pendant au moins dix ans qu’il n’y avait pas de transmission, que tout avait disparu, mais là, c’est la preuve qu’il y a une transmission! Ce n’est pas sur les mêmes choses, mais grosso modo ce sont sur les grands sujets: le viol, le fait de pouvoir circuler librement, le fait de ne pas être molesté.

Coline, 26 ans, travaille dans la musique

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Quand on rencontre un mec, on a envie que ce soit une relation cool, sans danger. Malheureusement c’est pas toujours le cas, donc j’ai utilisé des paroles de chansons qui, à la base, décrivent une relation chouette. J’ai tout détourné pour dénoncer quelque chose qui est hyper grave. C’est lié aussi à mon adolescence, entre autres, donc ça a un double lien.

J’ai connu beaucoup d’amies qui étaient dans des relations avec des mecs un peu plus âgés où il y avait souvent des violences verbales, de la manipulation, ce genre de choses. Et j’ai des petites soeurs qui se prennent des remarques de mecs. Ça me touche en tant que grande soeur, que fille, que future maman. J’aimerais bien qu’on soit libres d’aimer sans avoir peur, tout simplement. Les femmes qui ont peur de quitter une relation toxique, ça ne devrait pas exister. On devrait pouvoir quitter un mec qui nous fait du mal sans avoir peur des retombées derrière.

Aglaé, 21 ans, étudiante en cuisine qui veut faire de la céramique

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Après ce qui s’est passé aux César, je ne pouvais pas rester à ne rien faire: savoir qu’il y a avait une manif et ne pas venir, c’était impossible. J’étais extrêmement choquée et déçue. Pour moi, c’était très important de marcher cet après-midi et de montrer qu’on n’allait pas se taire et que maintenant le mouvement était plus qu’enclenché.

Fanny, 43 ans, interprète en langue des signes

Ils sont calmes les petits, ils ont quatre et huit ans. J’ai des Smarties dans la poche, ça aide! (rires) On avait envie d’être là parce que c’est important, dès le plus jeune âge, de savoir que les filles et les garçons ont les mêmes droits et que l’éducation ne doit pas être genrée. C’est aussi leur apprendre à manifester et à dire non, tout simplement. Allez, on regarde la photographe, sinon pas de smarties!

Leily, 23 ans, céramiste

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J’aime bien l’idée de pouvoir faire passer un message avec une référence musicale actuelle. Ce qui est bien avec la musique c’est que tout le monde peut adhérer à un propos et danser dessus. Je trouve que c’est un message positif et pas nécessairement donneur de leçon mais qui permet d’amener le féminisme dans la culture populaire.

Dans le milieu de la musique et dans le rap, il y a quand même encore beaucoup de paroles misogynes qui passent inaperçues ou qui sont acceptées. Ce n’est pas forcément en interdisant des propos sexistes répandus par des hommes (…) qu’on va changer les mentalités. Mais plutôt en écoutant plus d’artistes “femmes” et plus d’artistes qui valorisent la pensée féministe que l’on va changer les choses. Il y a aussi un travail en interne à réaliser dans le milieu pour que plus d’artistes puissent dire des choses comme Mara, par exemple.

Bilan de la marche: une foule plutôt hétéroclite qui s’est rassemblée pour faire valoir sa vision d’un monde plus égalitaire, plus sécuritaire, sans « Patriarcaca » quoi. La base.

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