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Lettre d’amour à la maison des secrets

La meilleure émission de téléréalité est de retour.

Par
Pauline Allione
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Le 7 décembre 2017, la maison des secrets fermait définitivement ses portes sur Dusk Till Dawn de Sia, après avoir noyé les quatre finalistes de la saison 11, Barbara, Noré, Laura et Charlène sous une pluie de confettis dorés. Le même jour, mon âme d’enfant de la télé plongeait dans une nostalgie sans précédent du canard de France Toner et de Christophe Beaugrand. Si, comme moi, vous avez fumé votre forfait pour sauver votre candidat préféré, les larmes vous montent devant les pièces de la maison des secrets qui s’éteignent une à une, et votre automne 2017 avait la même saveur douce-amère qu’un·e futur·e ex à qui on s’apprête à faire ses adieux, cet article est fait pour vous.

DU BLUFF, DE L’ENNUI ET DES PROGRAMMES H24

Secret Story réunissait tous les ingrédients de la téléréalité idéale : des heures à s’ennuyer au bord d’une piscine, des candidat·e·s qui gèrent les montées en décibels, des enquêtes dignes de Martin Mystère et des primes bourrés de rebondissements. Chaque été, en vacances sur la côte ouest, la pré-ado que j’étais remballais sa serviette de plage à 18h pour courir se poser devant la quotidienne. Si j’arrivais en avance il y avait le Before, puis tout s’enchaînait avec l’After, le Débrief, le prime une fois par semaine et chaque matin, une rediff de la quotidienne – sans compter les programmes en streaming, apparus un peu plus tard, qui nous poussaient dans un voyeurisme sans fin. Autant dire que de mes 12 à 22 ans, Secret Story avalait mes étés comme un vortex, et je me laissais hypnotiser par l’iconique villa de Saint-Denis avec plaisir. Devant ma télé, j’admirais les traits fins et parfaits de la princesse Alexandra (SS2), je me marrais face aux conneries excentriques de Benoît et Thomas (SS4), je désespérais devant la love story impossible de Nadège et Thomas (SS6) et je matais les jumeaux Emilie et Loïc (SS9) s’ambiancer sur du Jul dans une piscine gonflable.

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Outre les secrets de chacun·e, de fausses relations permettaient à des personnages forts de faire leur entrée dans la maison des secrets sous la foule en liesse de TF1. C’est comme ça qu’Endemol a pu caster autant de secrets improbables et d’histoires folles que de caractères qui ont marqué l’histoire de l’émission : on se souvient de Thomas (SS10), le premier homme transgenre a avoir vécu une grossesse, de Fanny (SS6) qui se levait avant tout le monde chaque matin pour faire couvrir ses tattoos, des triplées et gagnantes de la saison 1 Johanna, Marjorie et Cyrielle qui se faisaient passer pour une seule personne… Mais aussi d’Ayem (SS5), d’Anaïs Camizuli (SS7), d’Amélie et Senna (SS4) ou encore de Geoffrey et Marie (SS5) (qui a été montrée en pleurs à maintes reprises – et moquée – à cause d’un mec qui l’humiliait quotidiennement sur le petit écran). Mais le personnage emblématique de l’émission restera la Voix. Avec son timbre grave reconnaissable entre mille, il tirait les ficelles des missions et écoutait les joies et les peines des candidat·e·s, posé·e·s dans une petite pièce intimiste où les néons violets poussaient à la confidence.

JOUER POUR DE L’ARGENT, DE LA BOUFFE, DU SEXE

Frontière entre le dedans et le dehors présente dans toutes les téléréalités, notamment d’enfermement, le confessionnal de Secret Story avait une saveur particulière. Alors que les prises de parole individuelles des candidat·e·s des Marseillais ou du Reste du Monde se font sur un fond vert et sous une lumière blafarde qui ferait luire n’importe quel fond de teint, le confessionnal de la maison des secrets était un lieu calme, à l’abri des supercheries qui rythmaient continuellement la maison. Une fois sorti du confess’, le jeu reprenait et n’épargnait ni le quotidien, ni l’intimité des candidat·e·s. Frotter le sol à quatre pattes en maillot de bain avec des oreilles de lapin faisait gagner du fric. Courir vite pendant les quelques secondes où le rideau de la supérette restait levé permettait de nourrir la maison pendant une semaine – ou de l’affamer, selon le contenu des courses. Et pour ceux qui chopaient les clés de la love room, plus besoin de freiner leurs pulsions sexuelles ou de risquer la sextape non consentie (une pensée pour Amélie et Senna).

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Bien sûr, tout n’était pas bleu et rose dans Secret Story. Des années après sa participation, la candidate Morgane Enselme (SS5) dénonçait la pression psychologique de la production et des conditions d’enfermement parfois douteuses. Mais l’émission, au croisement parfait de la téléréalité de vie collective et du jeu de piste, avait tout pour conquérir les âmes curieuses, paresseuses et légèrement voyeuristes comme la mienne. Chaque soir, Secret Story promettait autant de clashs et de romances que de missions et de subterfuges pour protéger son secret ou gratter des indices. Quelques pelles roulées dans le jacuzzi, des gens qui pleurent et s’engueulent, et une maison truffée d’énigmes : le bonheur se trouve parfois dans les choses simples.