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Planning familial : Lettre à Dora Moutot et Marguerite Stern

Une tribune déconstruite, une citation à la fois.

Par
Daisy Le Corre
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Mes très chères TERFs (« trans-exclusionary radical feminist », ou en français, des féministes radicales qui excluent les trans),

J’ai un mal de crâne terrible depuis ce lundi 22 août, jour de la publication de votre tribune dans Marianne où vous vous inquiétez de ce que pourrait devenir le Planning familial suite à une campagne de communication montrant un … « homme enceint ». Il vous en faut peu.

D’habitude, je lis ce genre de papier (en diagonale) dans mon coin et je bouillonne en silence quand ça m’agace. J’essaie de m’épargner toute éventuelle tachycardie.

Mais là, non. J’ai décidé d’utiliser la seule arme que je possède, l’écriture, pour ne pas vous laisser le dernier mot, mais surtout pour donner la parole, à travers ce texte, à tous·tes mes ami·es (hommes, femmes, freaks) enceint·es. Scoop, tenez-vous bien : ils existent, ils sont partout autour de vous, ils s’injectent de la testo en lisant vos tribunes pourries, tout en préparant des biberons de lait en poudre pour leur progéniture diabolique adorée. Je vous jure que c’est vrai, je les vois faire : il m’arrive même de les aider. Peut-être même que je fais partie de la jaquette. Qui sait. Mouhahaha.

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Bref, je vais vous citer, Mesdames, ce sera plus simple. J’utiliserai vos mots qui ne sont pas les miens (berk). C’est parti. J’ouvre les guillemets:

1- « Nous voulons néanmoins attirer votre attention sur les dérives de cette institution. La polémique récente au sujet du Planning familial se base sur le visuel ci-dessous, sur lequel on peut voir un « homme enceint », c’est-à-dire une femme (femelle) transidentifié. »

Il ne s’agit pas de “dérives” mais d’inclusion. Et ce n’est pas trop tôt au pays des droits de l’Homme. Pour reprendre les mots de ma collègue Estelle Grignon, la transidentité n’est pas une lubie de la nouvelle génération. Ce n’est pas quelque chose qui est apparu par magie il y a dix ans. C’est simplement que, pour une fois, en Occident, le sujet n’est plus aussi tabou qu’il ne l’était avant. Même que les scientifiques commencent enfin à comprendre que la notion de genre et de sexe, ce n’est pas aussi simple qu’on ne le pensait. On ne parle pas de croyance là. Ce sont des faits avérés.

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PS : au passage, il y a une coquille : « une femme (femelle) transidentifié ». Il manque un “e” final ou, ·e mais je doute que vous fassiez bon usage de ce point médian, bien trop inclusif pour vous.

2- « Seules les femmes, c’est-à-dire les femelles adultes humaines peuvent être enceintes. Un homme, c’est-à-dire un mâle ne pourra jamais l’être. Affirmer le contraire est scientifiquement parlant un mensonge. »

Depuis que je vis au Canada (d’ailleurs, j’ai en partie quitté mon pays à cause de gens comme vous), il y a une phrase qui a toujours retenu mon attention et qui résume à elle seule la chaleur humaine du pays de l’hiver : « Vivre et laisser vivre ». Tout est dit. Ça fait un bien fou de savoir que la société, dans son grand ensemble, ne vous veut aucun mal a priori, peu importe votre religion, votre couleur de peau, votre orientation sexuelle, votre plat préféré, votre façon de danser, etc. Mieux encore : cette société-là vous veut du bien et vous prend comme vous êtes (comme McDo, ouais), sans rien attendre en retour (si ce n’est le même respect envers autrui).

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Mais pour parler plus concrètement : qui êtes-vous, Dora et Marguerite, pour juger de la réalité de mon ami Z*, ou de mon autre ami J* qui ont ou vont accoucher et qui, du haut de leur grosse bedaine, affirment envers et contre tous·tes qu’ils sont enceints mais surtout bientôt papas ? Qui êtes-vous pour parler à leur place ? De quel droit ? Et qu’est-ce que ça peut bien vous faire ? Leur existence ne remettra jamais en cause la vôtre, le contraire est moins sûr.

Jamais vous ne connaitrez leur réalité et le courage qu’il leur faut pour affronter la vie sous cet angle qui est le leur. Vous n’auriez pas la force. Affirmer que les hommes enceints n’existent pas relève de l’ignorance, et d’un réel manque d’humanité. Heureusement, la vie est moins binaire que vous ne le faites croire, Mesdames. La diversité des situations existe, quoique vous fassiez, tout comme la liberté d’être…

3- « Nous pensons que personne ne peut naître dans le mauvais corps. »

Pardon mais pour le coup, cela relève bien d’une simple croyance, la vôtre en l’occurence, que vous tentez d’imposer au reste du monde. « Nous pensons… » Comme dirait Suzanne Clément dans le cultissime film Laurence Anyways : « Tu marches-tu dans mes bottes, toi, crisse ? T’as vécu ma vie ? Non. Je te permets pas de rentrer dans notre vie puis de poser des questions. T’as aucun droit sur moi ! Tu n’as pas le droit de nous parler ! Tu pognes ton café, tu sers tes assiettes, tu prends ton huit piastres, pis tu fermes ton ostie de gueule ! » Voilà. Fermez-la.

https://www.youtube.com/watch?v=_4q7rTsCf6U

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4- « Nous considérons que ce qui nous relie toutes, c’est notre sexe, pas un goût prononcé pour la couture, le rose et les poupées Barbie. »

Et plus loin, vous dites : « Nous voulons être considérées comme des êtres entiers et pas comme des vagins sur pattes. » Je ne vous suis plus. Et quand bien même, quoi de plus réducteur que de réduire l’humain à son sexe… J’ai du mal à croire que j’écris encore ces mots en 2022. On en est au même point mort. Les garçons contre les filles, les filles contre les garçons. Zizi contre zézette, à celui qui a la plus grosse. Les mots me manquent. Brûlez réellement vos soutifs, il est temps !

5- « Nous pensons qu’il faut changer les mentalités plutôt que de changer les corps. Si l’on abolit ces stéréotypes, les transitions auront beaucoup moins lieu d’être. »

Encore une fois, de quoi vous mêlez-vous ? Comment savez-vous ce qui est mieux ou moins bien pour une personne dont le corps n’a jamais été autre chose qu’une prison de chair ou un reflet biaisé de sa réalité intérieure ? Il ne s’agit pas de mentalités mais d’états d’âme et de corps en perpétuelle (r)évolution. Mais cela vous échappe complètement, par manque d’empathie, certainement. Tout comme le fait que cela vous échappe aussi qu’une transition puisse être vécue comme une libération, un cadeau du ciel. Jane-Pier en est la preuve vivante…

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6- « Les transformations dues à la prise de testostérone chez les femmes sont IRRÉVERSIBLES après quelques mois :

– augmentation de la taille du clitoris qui peut créer des douleurs intenses ;

– douleurs pelviennes intenses ;

– apparition d’une pilosité importante sur plusieurs parties du corps, notamment le visage ;

– changement de voix. »

Mais heureusement !! Vive les poils et les gros clitos. C’est le but d’une transition : devenir autre, celui qu’on a toujours été intérieurement et le faire briller physiquement. Aussi simple que 1+1. Quant aux cas de détransition, ils sont encore rares et quand bien même, ce n’est pas la fin du monde. Cela fait partie intégrante d’un parcours, d’une histoire de vie. Sortez de vos bulles conservatrices et voyez le chemin accompli plutôt que le chaos à tout bout de champ.

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7- « La mission du Planning familial est d’accompagner les femmes et adolescentes durant l’IVG, ainsi que de garantir la santé sexuelle des personnes accompagnées, pas de les aider à se détruire. »

Les aider à se sentir bien surtout, peu importe ce que cela nécessite, au-delà de votre conception rétro du féminisme. Car peu importe leurs origines, leur couleur de peau, leur religion, leur handicap, leur âge, leur orientation sexuelle, leur corps, etc : la mission du Planning familial devrait être la même que celle du féminisme tel qu’on devrait tous.tes le concevoir et l’appliquer : venir en aide à toutes les femmes, sans exception, et peu importe leur entrejambe. C’est l’humain qui prime, avant son sexe. Le Planning familial a d’ailleurs profité de la polémique pour rappeler son engagement résolument féministe et son implication dans le droit des personnes trans d’être accueillies et conseillées pour « la contraception, l’avortement, le suivi médical de leur transition ».

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Enfin, Mesdames, pour prolonger la discussion et tenter d’ouvrir vos esprits ou d’apaiser vos moeurs, je vous propose de regarder notre entrevue avec JJ Levine à Montréal. Attention : un homme enceint apparait à l’image… Moeurs conservatrices s’abstenir.

Harry Pregnant (Montreal, Canada. 2015) JJ Levine

*Je préfère garder leur anonymat pour des raisons évidentes.

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