.jpg)
La photographie du mois : autoportrait et Urbex par Umbertha Richeux
Désormais, tous les mois, URBANIA France donne la parole à un.e photographe professionnel.le ou amateur.trice, blogueur.euse ou instragrammeur.euse, pour qu’il.elle nous raconte son travail à travers une photo. Pour ce nouvel épisode, c’est la photographe Umbertha Richeux qui se prête à l’exercice…
**
J’ai choisi cette photo parce qu’elle symbolise bien mon travail. J’aime l’énergie qu’elle dégage et je la trouve très poétique. Déjà le lieu. J’adore la tapisserie verte, l’escalier en colimaçon en fer forgé et en bois, les oiseaux, la fenêtre en briques de verre… C’est tout cet ensemble qui m’a conduit à opter pour cette perruque rouge, qui attire directement le regard. La nudité et la pose adoptée se marient aussi très bien dans ce cadre. J’aime tout dans cette photo, le mélange des courbes, des formes, des textures et des couleurs et particulièrement son côté très intemporel.
« Je laisse les images vieillir comme on laisse vieillir un bon vin… »
J’ai pris cette photo en 2016, dans une ancienne maison abandonnée, quelque part dans le nord de la France. Je n’en dirai pas davantage sur la localisation de ce lieu (même si celui-ci n’est plus désaffecté depuis), car je ne communique jamais les adresses de mes escapades Urbex afin de les préserver des personnes malveillantes. Bref, j’ai donc eu connaissance de l’existence de cette villa, je fais quelques recherches sur internet puis je finis par m’y rendre. J’emporte avec moi une valise de vêtements et de perruques. Et bien sûr, mon appareil photo.
Une fois sur place, je constate qu’effectivement, l’endroit est juste incroyable ! Je fais plusieurs photos dans la maison. Des biens, d’autres moins intéressantes. Et lorsque je vois cet escalier, je ne peux m’empêcher de les emprunter et d’y rester un très long moment avec la sensation d’être une actrice d’un théâtre improvisé. Je perçois qu’ici même, une photographie intéressante peut témoigner d’une émotion. Je la vois. Je me déshabille. J’enfile la perruque rouge. Je programme ma télécommande. J’entre en scène et de manière très naturelle et spontanée, je porte mes mains près de mon visage. Celui-ci n’est quasiment jamais dévoilé dans mes clichés. L’idée est que le lecteur s’attarde sur la poésie de cette composition, sur le lieu et accessoirement, sur les courbes de mon corps, qui représente celui des femmes en général. Il me plaît de guider le lecteur vers l’être, le cœur, l’âme, le sentiment.
Lorsque je réalise ces autoportraits, je stresse toujours. Je suis nue dans un lieu abandonné.
Lorsque je réalise ces autoportraits, je stresse toujours. Je suis nue dans un lieu abandonné. Cette situation appelle une certaine vigilance. Et puis une fois la séance terminée, le stress s’en va et je rentre chez moi.
De retour à la maison, je télécharge mes images et sélectionne celle qui me semble la plus poétique. Il m’arrive fréquemment de faire cette sélection plusieurs mois après la prise de vue, voire quelques années après. Je laisse les images vieillir comme on laisse vieillir un bon vin…
Et avant ça ? De manière générale, j’ai grandi avec des images de BD plein la tête. J’ai toujours eu dans l’idée de faire l’École des Beaux-arts. Et puis la vie en a décidé autrement. J’ai dû laisser tomber le projet après un accident de moto m’ayant brisé les os, notamment ceux de la colonne vertébrale, et ainsi volé la dextérité de ma main droite. J’ai donc opté pour la faculté de droit. Je suis avocate et j’ai exercé mon métier de longues années avant de devoir partir en Italie. La photo, c’était un à côté. Un à côté qui me permettait de renouer avec tous les personnages qui s’extirpent de mon esprit. Et petit à petit, cet à côté a pris de plus en plus de place. Jusqu’à aujourd’hui, où cette passion est devenue mon activité principale. Je viens d’ailleurs de publier un livre d’autoportraits de personnages imaginaires, shootés au cœur d’une Europe abandonnée : Appât de Loup, chez Jonk Éditions.
*Au fait, petite info à destination des photographes avertis : pour cette photo, Umbertha Richeux a travaillé avec un Canon 6D. En ce qui concerne les photographies que nous retrouvons dans Appât de Loup, elles ont été réalisées avec un Canon 60 D, un Canon 6D ou un Canon 5 D mark III.