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La fabuleuse histoire du renouvellement de titre de séjour en France
Réussir à avoir quelqu’un qui répond au 3430, le numéro de prise de rendez-vous de la Préfecture de Paris, relève du parcours du combattant. Voici les techniques et les ruses qui m’ont permis d’obtenir un rendez-vous pour que mon copain renouvelle son titre de séjour.
Bien sûr quand un étranger s’installe à Paris, il profite de la magie de la Tour Eiffel illuminée, du romantisme du Pont des Arts et se prend pour Amélie Poulain à Montmartre.
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Mais bien loin des clichés qui ont fait le succès d’Emilie in Paris, il y a une réalité bien moins féérique. Bienvenue dans l’antre de l’enfer administratif, j’ai nommé : l’obtention d’un titre de séjour.
Je suis française et je vis à Paris. Mon copain, Raul, est colombien* et il est arrivé en France en février dernier. Juste à temps pour être confiné. En même temps que son arrivée, un poids administratif est venu se poser sur mes épaules. L’Ambassade de France lui avait expliqué tout le processus pour régulariser sa situation, pour l’instant, tout était sous contrôle, mais il y avait beaucoup de démarches à faire.
Pour ses premiers pas dans le système administratif, on a eu affaire à l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII). Rien que l’acronyme donne déjà envie de retourner dans son pays d’origine: c’est une première étape pour tester notre motivation. Après avoir déjoué quelques pièges comme une fausse adresse où envoyer un dossier ou une procédure qui venait de changer, Raul a eu ses premiers rendez-vous. Il s’y est rendu pour passer un test de français et une visite médicale. Encore une belle façon de lui dire « Welcome ! ».
« Tu vas voir, là c’est le début des emmerdes »
On pensait avoir déjà fait le plus dur, que son titre de séjour allait bientôt lui être tendu… Jusqu’à ce qu’on l’informe que désormais, toutes ses démarches devront se faire avec la Préfecture de Paris. J’étais avec mon frère lorsque Raul m’a prévenu par message. Mon frère, qui s’y connait bien, m’a dit : « Tu vas voir, là c’est le début des emmerdes. Obtenir un rendez-vous à la Préfecture, c’est très très compliqué ! »
Oui, j’avais bien lu des articles qui parlaient de la galère pour avoir un rendez-vous à la Préfecture. Un numéro de téléphone qui ne répond jamais, des files interminables devant la Préfecture, des personnes qui vont jusqu’à revendre leurs créneaux de rendez-vous… Mais j’avais négligemment enfoui ces infos dans un coin de ma mémoire.
Alors que je n’avais même pas encore essayé, j’ai compris l’ampleur du problème lorsque plusieurs personnes m’ont conseillé différentes techniques pour réussir l’impossible. « Il faut que tu te connectes sur le site des rendez-vous le lundi à minuit, les nouveaux créneaux apparaissent à minuit une » ; « Fais bien des captures d’écran de tes appels, comme ça tu pourras prouver que tu as essayé de les appeler à cette date » ; « Envoie des mails, ça met plus la pression que les appels ».
Prenez un calendrier pour comprendre la suite. L’OFII avait dit à mon copain de demander un rendez-vous six mois avant la fin de son visa. Ne réussissant pas à accéder à son dossier sur internet, j’ai donc commencé à les appeler. Après quelques tentatives, j’ai réussi à avoir quelqu’un au téléphone. La chance du débutant peut-être. Mais j’ai vite déchanté. La réceptionniste m’a dit qu’il était bien trop tôt pour prendre un rendez-vous. Qu’il faudra le faire seulement deux mois avant la date d’expiration de son visa. Noooon!!
Entre-temps, certaines personnes me disaient que c’était un mensonge, qu’il n’y a juste jamais aucun créneau disponible. D’autres me disaient que même sur place, il est impossible de parler à quelqu’un et qu’ils n’ont jamais réussi à les contacter par téléphone.
Ce petit stress était toujours présent dans un coin de ma tête. Je continuais à vivre ma vie, mais quand même : Raul comptait sur moi pour gérer ce challenge administratif. Et puis, Raul, comme beaucoup d’autres, avec son faible niveau de français, ne peut pas comprendre la voix enregistrée de la boîte vocale de la Préfecture de Paris. Comment se douter que lorsqu’elle dit « Vous êtes ressortissant étranger », la voix robotique parle de lui ?
3430
J’ai, dans un premier temps, tenté la technique dite du Petit bonheur la chance. Un petit coup de fil au 3430 avant d’aller déjeuner. Allez, un deuxième dans la foulée, au cas où. Et toujours cette même phrase : « Tous nos conseillers étant actuellement en ligne, nous vous invitons à renouveler votre appel ». J’ai commencé à me demander s’il y avait vraiment des correspondants au bout du fil ou si c’était juste un message qui tournait sans qu’on ne puisse jamais joindre quelqu’un. Oui, j’avoue, j’ai un peu viré parano-conspirationniste.
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Alors un jour, j’ai décidé d’appeler le 3430 en continu. Et passer à la technique dite du gros-lourd-harceleur. J’ai fait d’autres choses en même temps : j’ai trié mes mails et plié mon linge pendant que la voix enregistrée résonnait en haut parleur dans mon salon. Si vous croyez que c’est un numéro avec une petite musique qu’on laisse sonner indéfiniment en attendant que quelqu’un décroche, vous vous trompez royalement. Ce numéro demande une attention et une coordination.
J’ai commencé à 14h14 et toutes les deux minutes, je relançais l’appel puisqu’il raccrochait tout seul après m’avoir dit : « Nous vous invitons à renouveler votre appel ». J’ai commencé à prendre le rythme, à taper # au bon moment « pour ne plus écouter ce message ». Et à savoir quand je pouvais taper 2 pour « Prendre un rendez-vous pour une demande de titre de séjour ». Je voyais le temps passer et je désespérais d’y arriver, vu qu’en plus, « Ce service est ouvert de 8h30 à 16h ».
The call
Une demie heure après, j’avais fini mes occupations annexes et j’ai commencé à être plus aventureuse. J’ai tapé 3 pour « annuler un rendez-vous » au lieu du 2. Même réponse : « Tous nos conseillers étant actuellement en ligne ». Puis à l’appel suivant, j’ai tapé 1 « pour avoir des renseignements sur les visas et titres de séjours » et là… alleluia ! Une jolie voix, la même qu’avant, m’informait que mon attente était inférieure à 5 minutes. Dingue.
Après 14 minutes d’attente, j’ai eu quelqu’un au téléphone. Joie.
— Les prises de rendez-vous se font sur le site internet, Madame.
Ô rage, ô désespoir.
— Mais ça ne fonctionne pas !
— Hum, je vais vérifier… Bah si, ça fonctionne. Vous pouvez le faire sur internet, moi je ne peux pas vous réserver un rendez-vous par téléphone.
— Je peux essayer et vous restez en ligne ?
— Oui, mais faites vite, je n’ai le droit qu’à 4 minutes par personne.
Je me suis jetée sur mon ordinateur, j’étais en stress complet ! Vite, le site, c’est où déjà ? Il faut dire que c’est un sacré processus pour arriver sur la bonne page. Après avoir été guidée, j’ai rempli les informations et là, miracle, la date du 7 janvier était indiquée, je pouvais choisir l’heure et booker mon rendez-vous. Je n’ai pas compris comment ni pourquoi. On aurait cru un tour de magie. J’avais pourtant essayé, mais jamais je n’arrivais à avoir une proposition de rendez-vous jusque-là !
Soulagée, j’ai remercié bien chaleureusement mon interlocutrice qui était un peu impatiente. Elle m’a fait remarquer : « Ça fait maintenant 8 minutes 49 qu’on est en ligne ». Oui, et moi ça faisait juste trois mois et une cinquantaine de tentatives pour réussir à parler à quelqu’un.
Morale de l’histoire : ne lâchez rien. Jamais.
*La nationalité a été changée