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«J’ai prévu de me faire la totale»: retour chez l’esthéticienne en mode post-confinement
Avec masques, paréos jetables et sourcils en jachère.
Et si le confinement avait été l’occasion d’aimer (un peu) nos poils ? Il faut imaginer la scène. Veille de déconfinement dans le quartier pavillonnaire de ma mère. Sur le chemin qui mène à la maison, Jocelyne, la petite soixantaine, notre voisine, nous interpelle pendant la promenade du chien. «Vivement demain, que je puisse aller chez l’esthéticienne. J’ai prévu de me faire la totale», nous lâche-t-elle très naturellement. Pour qu’on comprenne bien, elle accompagne sa parole d’un geste éloquent de la main, allant de haut (la moustache), en bas (vous savez quoi). «Ça va me faire du bien, je n’en peux plus», ajoute-t-elle.
On l’aura bien compris, Jocelyne en avait sa claque de son duvet. Huit semaines sans esthéticienne, de quoi pousser à bout les allergiques à la peau qui pique. D’ailleurs, Coralie, l’esthéticienne du quartier, adorable, a pris la peine d’appeler toutes ses clientes régulières pour prendre rendez-vous dès le déconfinement. Elle a bien fait. Quelques jours après Jocelyne, c’est moi-même, en personne, qui poussait la porte de l’institut cosy.
«Nous n’avons pas que des épilations, loin de là. J’ai fait un peu près d’un tiers de soins cette semaine».
Drôle d’ambiance. Interdiction de rentrer à l’intérieur sans qu’elle ne m’ait ouvert la porte, interdiction de se voir offrir une boisson, tout le monde est masqué… Après avoir enfilé un paréo jetable (ceux en éponges sont interdits), la conversation s’engage, dans une atmosphère détendue malgré tout. Pendant qu’elle s’occupe de mes sourcils en jachère, Coralie me raconte : «Nous n’avons pas que des épilations, loin de là. J’ai fait un peu près d’un tiers de soins cette semaine». Pas de grosses catastrophes de l’épilation à signaler, d’ailleurs. «Je crois que mes clientes n’y ont pas touché car elles restaient chez elle», relate Coralie.
La période aurait-elle été propice à la décontraction du bulbe (pilaire) ? Il faut croire que oui, si l’on se fie à quelques témoignages. «Je n’ai rien fait du tout», raconte Clara, 22 ans. «Moi non plus», renchérit Nolwenn, le même âge.
«Je me suis pris des remarques de mecs et même d’esthéticiennes. C’est mon pire complexe»
Cela signifierait que quand personne ne nous voit (à part notre conjoint.e), la pression de l’épilation serait moins forte ? «Oui, je ne le fais que si j’ai une grande occasion et que je dois mettre une jupe», me dit Clara.
Pour Elena, 23 ans, ce confinement a été une grosse remise en question du poil. La jeune femme a longtemps été gênée par sa pilosité importante. «Je me suis pris des remarques de mecs et même d’esthéticiennes. C’est mon pire complexe».
À qui le dit-elle! Pendant mon adolescence, je pouvais passer des heures dans la salle de bain, les jambes recouvertes de cire qui coulait partout, en espérant traquer le moindre de ces ennemis noirs sur ma peau blanche. Souvent sans un succès total. (Les vraies poilues savent). Malgré les années, je demeure incapable de rester non épilée trop longtemps, surtout l’été. Elena a, elle, ces dernières semaines, choisi de ne rien faire. Pas de pince, pas de rasoir ni la moindre petite goutte de cire. «Je suis en mode chewbacca!», rigole-t-elle.
Même s’il peut prêter à sourire, le sujet est on ne peut plus sérieux. «Je suis dégoûtée qu’on doive s’épiler et que si on ne le fait pas, on peut se faire soit humilier, soit harceler, alors que les mecs, eux, on ne leur dit rien». Elena s’est beaucoup renseigné sur la question. Pendant le confinement, elle s’est abonnée à des comptes Instagram de filles «hyper canons qui s’assument au naturel». Youtube a également été son ami. La youtubeuse AIM évoque cette injustice dans une de ses vidéos.
Bien sûr, on est d’accord sur le fait que les poils sont naturels et que l’on n’a pas à se faire dicter par la société ce qu’on doit faire de notre corps (#abaslepatriarcat). Le souci, c’est qu’il y a une différence entre se promener avec un petit duvet léger sous les aisselles et laisser tranquille une forêt broussailleuse sur les jambes, voire le ventre ou les bras. L’effet n’est pas le même.
En attendant de pouvoir vivre tranquille et libérée de toute contrainte liée à la lisseur de sa peau, Elena a décidé d’être moins exigeante avec elle-même sur ce point là. Ceci étant, elle va s’épiler avant de ressortir. «Je n’assumerai pas». Chez Coralie, le planning est plein pendant les trois prochaines semaines…