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COVID-19: cri du coeur d’un étudiant fauché
Etudiant en deuxième année de droit à l’université Paris 2 Panthéon-Assas, Jules* fait partie de ces jeunes pénalisés par les effets collatéraux du COVID-19. Depuis le début de la pandémie, son quotidien est mis à rude épreuve. Entre perte de son job étudiant, (re)confinement et cours à distance, sa vie est devenue très compliquée. Il fait partie des 25 % d’étudiants à vivre sous le seuil de pauvreté en France. La crise du coronavirus est venue aggraver une situation déjà critique. Selon une enquête Ipsos commandée par la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), 74 % des étudiants affirment avoir rencontré des difficultés financières depuis mars. On a décidé de lui laisser la parole pour qu’il nous explique lui-même son quotidien.
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Pour moi, être étudiant signifiait être libre, rêveur, jeune. Autant vous dire que j’ai déchanté. Tout est chaos et rien ne va comme dirait l’autre. Aujourd’hui, être étudiant signifie plutôt être en galère, stresser et vivre comme un petit vieux.
À l’heure actuelle, ma situation est super difficile à vivre, comme beaucoup d’autres étudiants de mon âge. Avec l’arrivée du Covid, on a dû supporter le (re)confinement, les cours à distance (autre galère), et puis le couvre-feu qui m’a fait perdre mon job étudiant.
Je travaillais dans un petit restaurant italien le soir, ce qui me permettait de gagner de l’argent pour (sur)vivre, manger, payer mon loyer… Mais le proprio a décidé de fermer les portes de son établissement pour éviter une trop grosse perte, donc je n’ai plus de boulot. J’ai perdu près de la moitié de mes revenus. Inutile de vous faire un dessin: je stresse dès que je dois payer le moindre truc.
Il y a quelques jours, je me suis même demandé si je n’allais pas aller dans une épicerie solidaire. Je me suis ravisé, certains en ont plus besoin que moi.
J’ai la chance d’avoir des parents et un ami qui m’aident un peu, mais ce n’est pas le cas de tout le monde.
J’ai dû baisser considérablement mon niveau de vie. Il n’était déjà pas très élevé mais aujourd’hui je fais attention à la moindre dépense: j’achète des pâtes, de la sauce tomate, des trucs cheap et quand je me fais à manger le soir, j’en fais un peu plus pour en avoir le lendemain midi. Ça me permet de ne pas dépenser d’argent “inutilement” pour déjeuner. Tout est calculé. Ma vie est devenue un calcul permanent, je ne pensais pas vivre ça un jour.
Je vis avec 250€ par mois, soit un peu plus de 8€ par jour. J’ai un peu d’argent de côté mais ça ne va pas durer longtemps, il va falloir que je me trouve rapidement un nouveau job étudiant.
Il y a quelques jours, je me suis même demandé si je n’allais pas aller dans une épicerie solidaire. Je me suis ravisé, certains en ont plus besoin que moi.
En plus de faire attention quand je fais les courses, je regarde de très près ma consommation d’électricité et d’eau. Je suis devenu un psychopathe avec les lumières dans mon appart et c’est limite si je ne me chronomètre pas sous la douche. Ça peut prêter à sourire mais ça en dit long sur l’urgence et la gravité de la situation.
J’ai vingt ans, et je suis en situation précaire, très précaire. Que vais-je devenir ?
Le soir, je rentre de l’université, je me fais des pâtes, et je vais au lit.
L’aspect psychologique de cette situation est tout aussi dangereux. J’ai l’impression qu’on ne se soucie plus des étudiants et que ça ne sert plus à rien d’étudier: si c’est pour ne pas trouver de boulot après, ni de stage… À quoi bon ? Je perds espoir petit à petit, et je suis loin d’être le seul. Je ne sais pas ce que le gouvernement devrait faire, mais il se doit de nous aider, d’aider les jeunes à surmonter cette épreuve, financièrement et psychologiquement. La santé mentale est aussi importante que la santé physique.
Quand rien ne va, je me dis que je ne suis pas le plus à plaindre: certains de mes proches m’aident quand je n’ai plus rien. Il y a une forme de solidarité entre étudiants qui s’est mise en place aussi.
Mais je suis surtout en colère ! Le gouvernement ne fait pas assez pour nous, on représente l’avenir, mais personne ne nous aide. Je fais partie d’une génération sacrifiée, désenchantée. L’Etat devrait penser à nous, mettre en place certaines mesures financières pour nous aider à sortir de cette impasse. Ça devient urgent.
J’ai 20 ans, mais j’ai l’impression d’avoir la vie d’un retraité qui a mal géré sa vie. Le soir, je rentre de l’université, je me fais des pâtes, et je vais au lit. Je ne peux plus profiter de mes soirées, ni même de mes journées parce que je n’ai pas d’argent pour sortir. La vie coûte de plus en plus chère et je préfère avoir un toit pour dormir plutôt que d’aller m’amuser avec mes potes. Logique.
C’est triste d’avoir 20 ans en 2020. Que vais-je bien pouvoir raconter à mes enfants quand ils me demanderont: « Et toi papa, tes 20 ans, c’était comment ? » L’avenir nous le dira.
- *Le prénom a été modifié.