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Crise du COVID-19: la galère des étudiants en confinement

« Dans mon 9m2, sans un sou, je pète les plombs »

Par
Agathe Beaudouin
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Chômage, dèche, faim… et « le pire de tout, la solitude ». Ce cercle vicieux touche de nombreux étudiants qui subissent de plein fouet les conséquences du coronavirus. Face au confinement qui persiste, ils sont confrontés à de réelles difficultés, notamment financières et psychologiques.

« J’en peux plus, en vrai, c’est intenable. En plus il fait chaud, je n’ai plus d’argent et la connexion pour suivre les cours en ligne, c’est une vraie galère. » À Montpellier, Maxime peste à l’autre bout du fil. Cerise sur le gâteau : « La chaleur arrive, ma chambre est sous le toit, j’étouffe. Je ne sais pas comment je vais tenir. » Étudiant à Paul-Valéry, ce grand sportif d’un mètre quatre-vingt-dix a fait le choix de rester dans sa ville étudiante lorsque le confinement a été décidé. Il aurait pu rentrer dare dare « chez ses vieux » comme il dit mais la perspective de se retrouver « dans la vie de famille avec ses deux petits frères » ne l’a pas fait rêver. Il l’avoue aussi : « J’ai pensé que c’était provisoire, que ça ne pouvait pas durer. D’ailleurs, ça va encore durer longtemps… Vous savez vous quand ça va s’arrêter ? » À vrai dire, non, je ne suis pas Madame Irma et ne vais pas donner de faux espoirs à ce jeune qui rêve « de pouvoir retravailler ». « Je n’aurais jamais cru dire ça un jour mais j’ai envie de reprendre mon taf de barman, d’abord parce que c’est cool et ça me permet de manger autre chose que des spaghettis. »

« On se parle de fenêtre à fenêtre avec ceux qui sont restés mais ça donne l’impression d’être un dimanche. Un dimanche qui se répète chaque jour. »

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Si de nombreux étudiants ont pu rentrer au domicile familial juste avant le confinement, d’autres n’ont pas eu le choix. À Paris comme en province, selon le Cnous (centre national des œuvres universitaires et scolaires), 40% des jeunes sont restés dans les résidences universitaires. Ils logent dans des chambres d’environ 9m2, et doivent composer avec le système D. « Le resto U est fermé, comme tous les espaces collectifs, ou alors c’est en accès limité commente Camille, étudiante à Rennes, 21 ans, en master des métiers de l’enseignement. Je tourne en rond dans ma chambre. On se parle de fenêtre à fenêtre avec ceux qui sont restés mais ça donne l’impression d’être un dimanche. Un dimanche qui se répète chaque jour. C’est l’angoisse. » Elle avoue avoir déjà pleuré « de fatigue ou d’ennui », dit-elle. Elle s’inquiète pour sa grand-mère qui vit en Ephad, appelle tous les jours sa mère, monorapentale, à 200 km de là et qui doit faire tourner le foyer où vivent ses deux petites sœurs. Heureusement pour cette future enseignante, les bourses sont maintenues. « Mais c’est hard. Je me sens seule, je me parle à moi-même. J’ai peur de devenir folle. Je me débrouille financièrement, c’est vraiment dur car tous mes baby sitting sont annulés. » Un job (au black) qui lui rapportait presque « 400 euros par mois ». « Les parents sont en télétravail ou chômage partiel, ils n’ont pas besoin de moi. » Et pour toucher le chômage, inutile d’y songer.

Même si la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a annoncé que les résidents des Crous ne paieront pas de loyer pour avril, cela ne concerne pas les étudiants qui sont restés à bord. La situation risque d’être très compliquée. « Il me reste 70 euros pour finir le mois », observe Arthur, étudiant en école de commerce, qui loue un studio de 14 m2 à Lyon. « Personne n’est malade dans mon entourage, je vais bien, y’a vraiment pire comme situation, mais difficile dans cette période de se concentrer sur les examens de fin d’année. » Car pour le moment, c’est un gros point d’interrogation qui plane au-dessus des épreuves et autres concours. « Je révise comme si tout allait avoir lieu normalement », confie l’étudiant, qui se dit « encore motivé ». « J’ai une routine : tous les jours, j’alterne entre les révisions et les séances de pompes. Je pense que je vais en faire tomber plus d’une cet été sur la plage si tout cela est terminé », rigole-t-il.

« Dans mon 9m2 à moitié pourri, sans un sou, sans les potes, je pète les plombs. Instagram, ça ne suffit pas pour faire passer les journées. »

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Trêves de plaisanteries, la situation est suffisamment critique pour qu’en début de semaine, les associations étudiantes tirent la sonnette d’alarme. Même si déjà, ici et là, de nombreuses actions existent, l’Unef comme La Fage appellent les pouvoirs publics à plus d’initiatives concrètes et rapides envers les étudiants, et demandent qu’une aide alimentaire soit mise en place rapidement. Le syndicat Solidaires Étudiant plaide pour une « prise en charge par l’État de tous les loyers des étudiants qui louent dans le parc privé pendant toute la durée de l’épidémie de coronavirus ».

Face au désarroi de certains, des actions de solidarité se mettent aussi en place. À Bordeaux, si tu es étudiant, tu peux te voir offrir un panier avec des boîtes de conserve grâce à un collectif solidaire constitué de doctorant.e.s, post-doctorant.e.s, maîtres de conférence et étudiant.e.s qui se chargent de la livraison, en respectant les précautions d’usage et de distanciation physique. Ils ont créé une cagnotte et plus de 300 paniers ont déjà été distribués. À Lyon, si les épiceries solidaires qui venaient habituellement en aide aux étudiants ont fermé, la métropole a mis en place un service destinés aux étudiants pour commander gratuitement un colis de nourriture et de produits d’hygiène (1). A Reims, Lois, étudiant en Lettres et sciences humaines, lui, n’a pas entendu parler d’initiatives du genre. Et le temps lui semble sacrément long, son moral commence à flancher. « Honnêtement j’vais pas vous mentir. Dans mon 9m2 à moitié pourri, sans un sou, sans les potes, je pète les plombs. Instagram, ça ne suffit pas pour faire passer les journées. »

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(1) Inscription sur : [email protected]