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Conversations entre amis, l’amour à la sauce Sally Rooney

La représentation d’une jeune vingtenaire insupportable et triste qu’on mérite.

Par
Marine Langlois
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« Si je vous aimais moins, peut-être pourrais-je parler plus. » En écrivant cette phrase pour Emma, Jane Austen mettait le doigt sur une thématique à laquelle de nombreuses relations allaient toujours être confrontées, des années après sa mort : le manque de communication. Nulle ne traite ce sujet mieux que Sally Rooney, l’Irlandaise qui s’est imposée avec son deuxième roman Normal People. Il faut dire que l’écrivaine a rapidement été surnommée par la critique la « Jane Austen du 21e siècle ».

Si certains peuvent avoir les poils qui se hérissent en entendant la comparaison, elle n’est pas complètement à côté de la plaque. Avec sa plume ironique, sa capacité à disséquer les relations humaines et ses personnages aussi attachants qu’auto-centrés et prétentieux, Sally Rooney captive avec ses mots. Et ils se retranscrivent bien à l’écran, la preuve avec la magnifique Normal People qui a fait décoller la carrière de ses deux protagonistes Paul Mescal et Daisy Edgar-Jones.

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Après ce succès mérité, BBC Three et Hulu ont décidé d’adapter le premier roman de l’Irlandaise, Conversations with Friends. Les douze épisodes de la série, à retrouver sur Canal + depuis le 25 août, ne captivent pas autant que Normal People mais ne sont pas sans charme.

Un quatuor aux relations ambiguës

Étudiantes à l’université Trinity de Dublin, Frances (Alison Oliver) et Bobbi (Sasha Lane) ont une relation fusionnelle. Presque inséparables, les deux jeunes femmes sont des anciennes amantes restées très proches après leur séparation. Lors de scènes ouvertes, elles récitent des poèmes féministes originaux, des prestations qui attirent l’attention d’une écrivaine plus âgée, Melissa (Jemina Kirke). Cette dernière invite les deux jeunes femmes chez elle et leur fait rencontrer son mari acteur, Nick (Joe Alwyn).

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Le reste n’est qu’un méli-mélo de relations ambiguës. Frances tombe sous le charme du tourmenté et taiseux Nick, Bobbi développe une attirance pour Melissa et évidemment, ces nouvelles dynamiques sèment le trouble dans la relation complexe entre Frances et Bobbi. Même si la série s’intéresse à tous les participants de ce quatuor, la timide et complexe (et parfois insupportable) Frances est en réalité le personnage principal.

Une fin floue et complexe

Conversations with Friends n’a pas la force émotionnelle de Normal People mais brille à sa façon, dans sa lenteur, ses non-dits, ses gros plans, son minimalisme, sa douceur et même son manque d’action. Toutes ces caractéristiques sont au final à l’image de sa protagoniste Frances qui est constamment dans le contrôle, la suranalyse et le silence. « Je suranalyse les choses parfois », avoue-t-elle sur l’oreiller à Nick, ce à quoi il répond : « Nous sommes deux alors. » Leur relation est l’exemple parfait de personnes qui ne sont pas forcément à l’aise en société et pour lesquelles exprimer ses sentiments s’avère compliqué, mais dont l’attachement est sincère, profond et véritable.

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À l’opposé, la relation entre Bobbi et Frances est plutôt marquée par la personnalité extravertie de la première et son besoin d’exprimer ses sentiments quitte à bousculer le cocon douillet de son ancienne amante. Entre Bobbi et Nick, Frances ne sait plus, une confusion qui se lit sur le visage de sa talentueuse interprète Alison Oliver. En plus des relations humaines, la série n’oublie pas d’explorer les sujets chers à Sally Rooney à travers sa protagoniste, autant les relations de classe que l’endométriose.

Au final, Conversations with Friends se pose une question simple : est-il possible d’aimer plusieurs personnes à la fois ? La série ne donne pas de réponses définitives aux problèmes de nos personnages mais les laisse dans le flou complexe que l’autrice apprécie tant. Une fin confuse à l’image des protagonistes et au final, de nombreux jeunes adultes.