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Normal People: L’intimité dans toute sa beauté
La série irlandaise Normal People (disponible depuis le 16 juillet sur la plateforme de streaming Starzplay) fait beaucoup parler d’elle depuis le début de l’été. Après l’avoir dévorée en moins d’une semaine, le mot qui me vient à l’esprit pour la décrire est : catharsis. À travers l’histoire d’amour romantico-tordue de Connell (Paul Mescal) et Marianne (Daisy Edgar-Jones), j’ai revécu tous ces moments typiques de l’adolescence où je disais une chose alors que mon coeur me criait le contraire. Ouch!
Préparez vos mouchoirs, parce que même si tout a l’air doux, ça percute.
La prémisse de Normal People est on ne peut plus simple : c’est un voyage dans l’intimité de deux jeunes adultes en plein apprivoisement de leur intensité amoureuse. La série illustre brillamment la dichotomie qui s’opère entre l’égo et les émotions véritables à un âge où on apprend comment composer avec la vulnérabilité qui découle du sentiment amoureux.
Préparez vos mouchoirs, parce que même si tout a l’air doux, ça percute.
Les protagonistes
Marianne est une riche première de classe reconnue pour être aussi désagréable qu’intelligente. Elle traverse les corridors de son collège la tête haute en essuyant les insultes gratuites de ses homologues masculins. On la croit solide alors qu’à l’intérieur elle tremble. Rapidement, on découvre qu’elle est profondément blessée par la vie et qu’elle est foncièrement incapable de voir sa propre valeur.
Connell est un sportif taciturne. Physiquement choyé, il attire les regards des filles les plus populaires de l’école. Mais Connell n’a d’yeux que pour Marianne. D’ailleurs, c’est dans son regard que tout se passe. Là et dans les silences.
Les non-dits
Tout commence par un simple baiser qui les feront vibrer et, on doit bien l’admettre, nous fera vibrer aussi. Le désir que Connell et Marianne ressentent l’un pour l’autre nous transperce de plein fouet et pour ça, on peut notamment dire merci aux acteurs qui livrent des performances remarquables.
Impossible aussi de passer sous silence cette scène où, après avoir essuyé un premier refus, Marianne demande de nouveau à Connell quelques temps plus tard s’ils vont enlever leurs vêtement. C’est sa première fois, pas lui.
La scène m’a prise au ventre. Je me suis dit que si j’ai une fille un jour, j’aimerais que sa première fois se passe ainsi. Connell la rassure, lui demande à quelques reprises si elle est certaine. « Oui », répond-elle avec assurance. Il persiste, « si tu veux qu’on arrête, à n’importe quel moment, dis-le moi et j’arrête ». C’est la preuve que la notion de consentement n’est pas si compliquée au final et qu’une petite discussion n’enlève rien à la fluidité de l’acte.
Cette dynamique d’école vieille comme le monde n’aura jamais été aussi bien montrée.
À ce moment de l’histoire, tout porte à croire que Connell est l’homme idéal. Mais dans les épisodes qui suivent, on déchante. Ce n’est pas un conte de fées qu’on nous raconte là. On comprend vite qu’il a honte d’elle et refuse de dire à ses amis populaires qu’il en est amoureux. Orgueilleuse, Marianne fait comme si leur secret l’arrangeait aussi. Lorsqu’il lui dit « je t’aime », elle ne répond pas même si on comprend que les mots lui brûlent les lèvres.
Cette dynamique vieille comme le monde n’aura jamais été aussi bien montrée. Ils ressentent une chose, savent pertinemment que c’est réciproque, mais ils n’ont pas la confiance en eux ni l’expérience pour se fier à leurs sentiments.
Ils vivront une fin de collège mouvementée pour se retrouver sans aucune pression sociale à Trinity College. Pourront-ils faire fi des douleurs du passé pour s’aimer librement?
Le temps des nuances
Sans excuser certains agissements ultra relous de Connell (que je ne dévoilerai pas ici), on sympathise tout de même avec le garçon. On le voit souffrir des symptômes d’une masculinité toxique qui asphyxie l’homme qu’il pourrait devenir. Complètement démuni face à sa propre complexité émotionnelle, il ne cesse de prendre la fuite. Il est perdu. Il le sait et arrive même à le dire à voix haute de façon de plus en plus claire au fil de la saison.
Marianne croit maîtriser les apparences à merveille. Sa relation avec Connell la fait beaucoup souffrir, mais elle n’en parle à personne. Pourtant, tout le monde est au courant. Ironiquement, celui qui la connaît le mieux est aussi le plus aveugle à sa plus grande faiblesse : son immense besoin d’amour. Convaincue qu’elle n’est pas « aimable », Marianne a enchaîne les relations qui ne lui font rien ressentir.
Le charge émotive de l’universalité
À quelques reprises, on aura l’impression d’assister au début d’une relation toxique. Ils se font intentionnellement mal alors qu’ils rêvent de se faire du bien. Mais on ne tombe pas dans le cliché pour autant. Sans nous promettre un happy ending, le scénario fait évoluer ses personnages avec brio.
Si je suis honnête, tout ça m’a rappelé tous les moments où j’ai eu peur d’aimer trop fort et de me casser la gueule.
Le traitement esthétique de la série aide aussi à éviter le déjà vu. Tout est sobre et minimaliste, à commencer par le jeu des acteurs qui ne peuvent pas compter sur les dialogues pour faire valoir leur connexion. C’est dans les tensions, les silences et les regards que tout se joue.
Si je suis honnête, tout ça m’a rappelé tous les moments où j’ai eu peur d’aimer trop fort et de me casser la gueule. Je me suis vue dans Marianne autant que dans Connell et j’ose croire que je ne serai pas la seule à faire ces projections. C’est d’ailleurs ce qui fait de cette série un incontournable. Leur histoire est puissante parce qu’elle fait autant dans les nuances que dans les grandes vérités.