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Comment persévérer quand les débuts de thérapie sont difficiles
(TW : On va parler de dépression, d’argent et un tout petit peu d’idées suicidaires, mais c’est positif dans l’ensemble. Promis promis)
Un de mes huit métiers est celui d’humoriste. Et il y a quatre ans, j’ai fait un choix très peu commun dans mon domaine : celui de régler deux-trois traumas dans le cadre d’une psychothérapie.
Normalement, en humour, on ne consulte pas, mais on lance plutôt un podcast de plus.
Sur une note plus sérieuse, je recommande fortement, sans vous brusquer, de donner une chance à la bonne vieille visite chez le psychologue, car ça sauve littéralement des vies. Mais ça, je pense que vous le saviez déjà.
Ce dont on parle un peu moins, cependant, c’est de ce qui se passe entre la décision d’aller chercher de l’aide et le moment où l’aide en question fait son effet. Entre ces deux moments-là, il y a ce qu’on appelle le commencement d’une thérapie. Pour ceux et celles à qui j’en ai parlé, ainsi que pour moi-même, il s’agit d’un moment parfois long, souvent difficile et toujours très confrontant.
Ceci dit, je répète que ça vaut la peine de passer au travers.
Voici donc mon histoire et des petits bouts de celles d’autres personnes bien « thérapisées » qui pourraient vous faire vous sentir moins seuls dans tout ça.
Partir du pire moment de votre vie avec la certitude que ça va vous coûter cher
C’est très difficile d’entamer un processus de thérapie quand la première impression qu’on t’offre est que pour te réparer la tête ou le cœur, ça va te coûter un bras.
Il y aurait tout un article à écrire sur le fait que l’aide psychologique se situe dans une tranche de prix très luxueuse. Par exemple : une PS5 coûte beaucoup plus qu’’un mois de thérapie.
J’ai demandé de l’aide psychologique à un moment où je n’avais aucune mutuelle, donc rien qui rembourse mes frais de thérapie et aucune confiance en moi. Yééééééé!
J’étais aussi dans le creux d’une dépression qui allait durer encore un an et demi. C’était triste, comme période. Je ne vous cacherai pas que la dernière chose que j’avais envie de faire, c’était de payer 70 euros de l’heure pour parler de ce que j’essayais très fort de cacher sous le tapis.
Voici donc un bon rappel économique : depuis avril 2022, vous pouvez bénéficier de huit séances remboursées à 60% par l’Assurance Maladie.
En bref (emo mode activated), il y a sept étapes à franchir avant de faire une tentative de suicide et elles partent de considérer simplement l’idée dans sa forme abstraite à l’action d’essayer. L’étape 5 implique même de faire un plan concret tandis que la septième est tout simplement la tentative.
J’en étais à la sixième, soit celle qui consiste à se diriger vers le lieu choisi, et c’est en chemin vers ce lieu que je me suis dit : je vais préparer mon budget et donner une chance à la thérapie.
Aujourd’hui, je vais mieux. Je suis en vie. J’ai gagné.
Trouver un psychologue, c’est honnêtement bizarre
Quitte à ne surprendre personne en l’annonçant, le taux de dépression a monté presque autant que les loyers, durant la pandémie. Les psychologues sont donc officiellement très occupés.
J’ai trouvé le mien par référence. Il s’agit d’une méthode que je conseille fortement, car vos ami.e.s sont souvent les meilleures références pour vous proposer quelqu’un qui peut communiquer efficacement avec vous.
Une thérapie, c’est à la base deux personnes qui se parlent et s’écoutent. Il peut donc y avoir des matchs parfaits, mais aussi des relations qui ne valent pas la peine d’être prolongées.
Avant la première rencontre, j’ai constaté que mes angoisses et ma déprime étaient beaucoup plus apparentes. Le fait de mettre à l’agenda une rencontre pour parler de ce qui ne va pas rendait le tout plus concret. C’est une chose qui fait très peur et avec un peu de recul, je suis bien content de ne pas m’être dégonflé.
Une fois arrivé dans le bureau de l’intervenant, il faut faire la paix avec le fait qu’on soit un.e patient.e nouveau ou nouvelle et que le ou la psychologue n’a aucune idée de la personne qu’on peut bien être. Vous allez devoir investir du temps dans cette relation pour apprendre à communiquer de manière optimale.
J’utilise le mot « optimal » parce qu’il y a une notion d’efficacité à aller chercher en thérapie. Je ne veux pas parler pour les autres, mais je ne paye pas 70 euros par heure pour avoir un.e ami.e de plus avec qui bavarder. J’ajouterai aussi qu’un.e bon.ne psychologue parle quand c’est le temps de parler et écoute sincèrement ce que vous avez à dire sans simplement attendre le moment où ce sera enfin son tour de répondre.
Je ne sais pas pour vous, mais cette dynamique unique m’a vraiment dépaysé à vie par rapport à l’ensemble de mes conversations. En même temps, c’était le premier signe m’ayant indiqué que je ne payais pas pour rien.
Quelques fois, voire même souvent, ça ne marche pas… et ça, c’est épuisant
J’ai été super chanceux avec mes psys (shout out Pierre et Gaétane). En ce qui me concerne, les deux m’ont été référés par des gens qui me connaissent très bien et je ne suis pas tombé sur un genre de coach de vie qui a étrangement réussi à finir son doctorat. Ceci dit, ça arrive… et même très souvent.
Que ça soit en étant coincé.e dans un duo thérapeute/patient.e absolument incompatible ou simplement en devant attendre des années dans les maillages du système public pour tomber sur LA seule personne en ville qui a une disponibilité, il peut arriver que la connexion ne se fasse pas entre vous et votre psychologue. Ce n’est jamais plaisant, et ce, spécialement quand on paye aussi cher pour se faire dire des trucs qui n’aident pas trop durant le pire moment de sa vie.
Je me sens un peu mal d’écrire sur ce stade des débuts de thérapie parce que j’ai littéralement sauté cette étape. Je vous promets cependant qu’elle existe. J’ai juste été chanceux.
J’ai une amie dont le fondement des épisodes dépressifs vient en partie d’une forme de répression parentale lui reprochant ledit mal de vivre. Elle avait fondamentalement besoin de quelqu’un qui reconnaisse que sa tristesse était valide. Dans son parcours, elle est tombée sur une thérapeute qui commençait toutes les rencontres par la phrase : « Comment allez-vous bien aujourd’hui ? »
Comment peut-on reconnaître qu’on va mal si chaque rencontre débute avec une positivité toxique imposant l ’idée que tout va bien ?
Je n’ai pas la réponse et j’ai même fait des cauchemars à propos de cette anecdote.
Bref, cinq professionnelles de la santé plus tard, mon amie a trouvé son âme sœur de thérapie et les choses vont mieux. C’est différent d’une personne à l’autre — j’ai eu la chance de trouver du premier coup et mon amie a plutôt vécu un cas de « la sixième fois, c’est la bonne » —, mais on a tous et toutes un.e thérapeute idéal.e qui existe et ça vaut beaucoup plus la peine de continuer à le ou la chercher plutôt que de s’entêter à payer quelqu’un qui ne nous aidera pas.
Il va y avoir une semaine où vous vous sentirez coupable de bien aller
Je n’oublierai jamais la première semaine durant laquelle je n’avais rien qui me faisait pleurer à raconter. Étrangement, c’était un des moments les plus difficiles. Je pense qu’on a un peu cette notion de performance en tête lorsqu’on débute la thérapie. On croit qu’on devrait constamment nommer ce qui ne va pas. Les premières rencontres prennent souvent la forme d’une liste de problèmes et c’est l’une des tâches du ou de la psychologue de faire des liens avec ces différents éléments au fil des rencontres.
Mais la première semaine où je me sentais sincèrement bien, je me suis senti plus perdu que jamais. Je crois avoir perdu 3/4 d’heure (soit 50 euros) à nommer des moments d’enfance au hasard simplement pour ne pas avouer que ça allait.
Le bonheur est aussi un sentiment valide. On a tendance à l’oublier quand la dépression fait partie intégrante de notre quotidien depuis aussi longtemps.
Par contre, bien que ce soit presque frustrant d’aller mieux, c’est (coup de théâtre) un bon signe, avec quelques nuances. Ça veut dire que des problèmes ponctuels sont en train de se régler.
Il y a un moment où vous allez vouloir arrêter parce que vous allez mieux…
Mais il y a une différence entre un problème ponctuel et internalisé. À la base, on va en thérapie pour régler ce qui nous arrive à l’heure actuelle, comme par exemple une dépression, un surmenage, un trauma ou un deuil. Cela dit, on poursuit la thérapie pour changer une chose en nous qui donne naissance à des cycles de problèmes.
À partir du moment où on commence à « aller mieux », on peut donc être tenté d’arrêter la thérapie. Ça arrive honnêtement plus rapidement qu’on ne le pense. Ça m’est arrivé en trois mois, par exemple, sauf que j’ai un cycle dépressif depuis le début de ma vie d’adulte qui fait que je touche le fond du baril tous les trois ans. C’est une situation que Gaétane a remarquée et on a donc décidé de creuser un peu plus longtemps.
C’est tentant d’arrêter de payer 70 euros de l’heure quand on sent qu’on va concrètement mieux, mais de changer un mécanisme bien installé qui fait que je n’arrive plus à sortir de mon lit parfois plusieurs jours de suite, ça, c’est encore plus payant.
Je recommande de lire Mieux comprendre la psychothérapie de Marie Jolicoeur et François Sauvé avant et pendant un processus de thérapie parce que c’est un très bel ouvrage qui vulgarise ce qu’est concrètement une thérapie. Il est très pratique de rendre logiques les raisons qui vous poussent à continuer d’être là chaque semaine. En ce qui me concerne, c’est essentiel à la continuité du processus.
Pour moi, ça a été ça la dernière étape du début de thérapie : faire le choix entre mettre fin à la relation d’aide avec la conviction temporaire que je vais mieux ou rester pour changer en profondeur.