.jpg)
Chanteloup-les-Vignes, cité de “La Haine”
Il y a 25 ans, Mathieu Kassovitz s’installait dans un petit appartement en plein milieu de la cité de la Noé à Chanteloup-les-Vignes, avec l’ambition de créer un film sur les violences policières, et plus largement, de montrer la colère des cités. Après deux mois de tournage, La Haine voyait le jour. Le film raconte les 24h de trois jeunes, Vinz, Saïd et Hubert, le lendemain d’une nuit d’émeutes contre les forces de l’ordre, provoqué par le coma d’un homme à la suite d’une garde à vue. Après avoir reçu le prix de la mise en scène et les Césars de meilleur film et de meilleur réalisateur, La Haine est aujourd’hui devenu un classique du cinéma français. De son côté, Chanteloup-les-Vignes continue de grandir, bénéficiant des plans de réhabilitation des banlieues. Nous sommes partis en pèlerinage sur les lieux du tournage de ce film culte, qui, 25 ans plus tard, est brûlant d’actualité.
« Hé Vinz Ho. Qu’est ce qu’il fout celui-là ? »
.jpg)
Après plusieurs minutes d’affrontements entre des jeunes de banlieue et les forces de l’ordre, le film nous immerge en plein milieu de la cité de la Noé. Ce qui est aujourd’hui l’intersection entre la rue des Pierreuses et le Mail du Côteau, était autrefois l’emplacement de quatre immeubles en cercle, lieu de vie de Vinz, superbement interprété par Vincent Cassel. La destruction de ces immeubles dans le cadre du projet de rénovation urbaine “Anru” a laissé la place à un espace vert, à quelques mètres de la place du marché. Au total, 283 logements furent détruits, permettant alors l’ouverture de la ville: les ruelles étroites entre deux blocs de béton laissant place à de plus grandes rues. Le fait d’avoir été au cœur d’un des films les plus marquants du cinéma français permet à celle qui était surnommée « Chicago-en-Yvelines » dans les années 90, d’être l’une des villes les plus aidées. L’année dernière, elle a reçu plus de 18 millions d’euros pour être rénové.
« C’était qui l’mec connu ? »
.jpg)
.jpg)
En suivant ce mail du Coteau vers la gare, on arrive rapidement sur un autre lieu de tournage, coincée entre la mosquée et la rue des peupliers. Combinaison entre un escalier et un entrepôt, l’endroit n’a subi que très peu de modifications, seulement une petite partie de son mur est détruite et ses graffitis ont été remplacés par d’autres. Dans le film, c’est ici qu’un jeune raconte à Vinz, une histoire de caméra-cachée, « avec un mec connu ».
Les habitants de Chanteloup vont et viennent à côté de cette structure sans y prêter attention. L’activité de cette place est surtout créée par le city stade, situé à quelques mètres, et par la mosquée construite, à côté du parking de la gare, visible dans le film.
.jpg)
.jpg)
« C’est l’histoire d’un homme qui tombe d’un immeuble de cinquante étages… »
La traversée du stade de foot et des espaces verts en direction du nord, mènent directement à l’une des places les plus marquantes de la ville, où cinq fresques monumentales de Paul Valéry, Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire, Gérard de Nerval et Paul Mallarmé peuvent être admirées. « C’est là où est tué Vinz », me lance l’un des habitants de la cité, au volant de sa voiture. Lieu marquant la fin du périple des trois jeunes, cette place entourée de poètes est devenue l’icône de la ville. Si le portrait de Victor Hugo a été détruit en 2005, en même temps que l’immeuble qui le portait, les cinq autres œuvres de Fabio Riéti sont intactes. Cette place, qui semble perdue au milieu de nulle part dans le film, est l’un des centres de la cité de la Noé, lieu de rencontre des jeunes du quartier, et des plus âgés.
.jpg)
.jpg)
25 ans après le tournage du film, en partie grâce à La Haine, Chanteloup-les-Vignes a été aménagée de toute part, mais le malaise entourant les cités n’a pas disparu. Dans la nuit 2 au 3 novembre dernier, l’Arche, un chapiteau accueillant le cirque social de la ville, a été volontairement incendié, provoquant des émeutes entre les forces de l’ordre et certains habitants. Mis en place dans le cadre de la politique culturel de la ville, plusieurs jeunes du quartier ont estimé que ce chapiteau n’était destiné « qu’aux blancs ».
Deux décennies après la sortie de La Haine, Ladj Ly était applaudi à Cannes après la projection de son film Les Misérables, qui traite des affrontements entre la police et des jeunes de quartier. Si La Haine est devenu intemporel, le sujet qu’il traite l’est encore plus, hélas.