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C’est quoi le truc avec le journaling ?
Quand j’étais ado, je passais au moins une heure de mes soirées dans ma chambre, à remplir des journaux intimes. Après avoir passé deux heures au téléphone avec ma BFF et regardé Premiers baisers, évidemment.
Je me souviens que j’adorais y raconter ma journée, disséquer mes émotions d’adolescente, monologuer sur B. qui m’a enfin parlé en cours de maths, confier que tout le monde déteste la prof d’arts plastiques ou étaler en long, en large et en travers ma vision de l’amour en mode « jeune demoiselle recherche un mec mortel ».
Puis, à la fin du lycée, j’ai complètement arrêté de noircir des petits cahiers avec des cadenas. Au fil des années, je me suis souvent dit que c’était dommage, que j’en tirais pourtant beaucoup de plaisir, de calme et que ça me faisait du bien. Malgré la volonté, je n’ai jamais retrouvé la discipline de le faire.
Depuis quelques mois, je remarque un retour en force de ce que les réseaux sociaux et le web appellent désormais le “journaling”. Comme son nom l’indique, le journaling consiste à tenir un journal de façon régulière en y inscrivant ses pensées pour les clarifier et les ordonner.
Lumière sur une des tendances de selfcare les moins chères qui soient.
Honnêteté sur papier
« Un peu comme toi, j’avais des journaux intimes quand j’étais ado, je collais des photos d’acteurs ou de chanteurs que je trouvais beaux, j’écrivais le nom de mes crush dans des cœurs et je racontais mes journées, me confie *Élise, une jeune trentenaire de mon entourage. Mais moi aussi, vers 19-20 ans, j’ai arrêté de prendre ce temps-là. Je me disais que j’avais d’autres choses à faire… ».
« Écrire dans un cahier est quelque chose que j’associais malgré moi à une période révolue de ma vie. Mais je me suis dit “Tant qu’à me sentir comme de la merde” je vais essayer»
Au printemps 2020, Élise, qui est célibataire et qui vit seule, se retrouve isolée, confinée avec des pensées intrusives, des angoisses et des inquiétudes. Elle en parle à une amie qui lui partage le conseil de sa psy : tenir un journal intime. « Au début, je me suis dit que je trouvais ça juvénile. Écrire dans un cahier est quelque chose que j’associais malgré moi à une période révolue de ma vie, raconte la jeune femme. Mais je me suis dit “Tant qu’à me sentir comme de la merde” je vais essayer. Et honnêtement, j’ai eu une révélation. »
Sur le conseil de son amie, Élise se discipline : elle se commande un beau cahier sur Internet (on se rappelle que tous les magasins non essentiels sont alors fermés), et elle détermine une fréquence. « J’ai commencé par me dire que j’allais écrire une journée sur deux ou trois, explique celle qui se décrit comme peu disciplinée. Je ne voulais pas me promettre d’écrire chaque jour puis ne pas m’y tenir et être déçue de moi. »
Un matin sur deux, au lever, Élise prend son cahier, qu’elle laisse toujours sur sa table de chevet et remplit les pages. « Certains jours, je raconte les rêves dont je me rappelle, d’autres j’écris ce que j’aimerais faire, des buts, je repense à des situations que j’ai pas aimé, j’élabore des choses que j’aurais aimé dire dans certains contextes précis. Parfois, je suis surtout négative et d’autres, très #Grateful », explique-t-elle en riant, et en ajoutant qu’elle tente néanmoins d’être toujours honnête et de ne jamais se juger.
De la détresse au selfcare par cher
Si la pratique du journaling n’est absolument pas nouvelle, on constate que celle-ci fait bel et bien un retour en force depuis la dernière année et demie. Et oui, sans trop de surprise, la hausse de la tendance coïncide avec le début de la pandémie, alors que le monde s’est écroulé au même rythme que la santé mentale d’une grande partie de la population.
la hausse de la tendance du journaling coïncide avec le début de la pandémie, alors que le monde s’est écroulé au même rythme que la santé mentale d’une grande partie de la population.
Comme on peut le lire sur le site de Psychology Today, dans les mois suivants le début de la crise sanitaire, le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies a publié un guide afin d’aider la population à gérer le stress et à prendre soin de soi dans ce contexte particulièrement anxiogène. Si le document suggérait de prendre part à des activités de loisirs (dans la mesure du possible), prendre des pauses des médias, dormir suffisamment et avoir une alimentation saine, à cela, de nombreux professionnels de la santé, dont l’équipe de Psychology Today, ajoutent une recommandation : le journaling.
Selon de nombreuses études, tenir un journal comporte plusieurs bienfaits. En effet, la pratique aurait un impact sur le bonheur, l’atteinte de ses buts et même sur la santé physique. De plus, les personnes qui tiennent des journaux dits de gratitude verraient leur humeur s’améliorer au quotidien.
« Quand je sens que les pensées tournent en boucle dans ma tête et que ça me crée de l’anxiété, le fait de les noter sur une feuille qui n’appartient qu’à moi m’enlève vraiment un poids. Je le sens presque physiquement, confie Élise, qui explique que d’écrire ses pensées lui permettent de les ordonner et les comprendre tout en créant du temps pour elle. Donc oui, c’est le stress de la pandémie qui m’a poussé à m’y remettre, mais maintenant que je me sens globalement mieux, je continue et j’aime vraiment cette habitude ».
Ma vie my life
Pour avoir écrit dans des journaux pendant toute mon adolescence et les premières années de ma vie d’adulte, j’aime relire mes anciens cahiers de temps à autre. Ça me donne une vue d’ensemble sur une période fondatrice et charnière de ma vie. En m’y replongeant, je redécouvre la personne que j’étais à travers des anecdotes, des histoires, des expériences et ça me fait prendre conscience du chemin parcouru, qui fait de moi la personne que je suis aujourd’hui. Ça a quelque chose de très instructif (et divertissant parfois, j’avoue !).
En discutant avec Élise et en repensant à tout ce que mes séances d’écriture m’apportaient étant plus jeune, j’ai vraiment envie de m’y remettre. En parcourant le web, j’ai trouvé différents articles qui prodiguent de bons conseils pour intégrer le journaling à son quotidien.
De la poésie, des listes, des collages, des dessins, des photos, un herbier : ça peut clairement devenir un bel espace de créativité et de liberté juste à vous.
Tout d’abord, il faut trouver sa méthode et son style. Si certaines personnes préfèrent des carnets traditionnels, d’autres préfèrent des cahiers destinés au journaling (avec des directives à suivre, des questions préétablies, des éléments à remplir, etc) ou même des applications spécifiquement conçues pour ça. Pas mal plus moderne que le cahier en fausse fourrure mauve munie d’un cadenas que j’avais à 14 ans. Il existe également des communautés sur les réseaux sociaux de personnes qui partagent des pages de leurs journaux et se donnent des trucs. Aussi, permettez-vous d’explorer des formes. De la poésie, des listes, des collages, des dessins, des photos, un herbier : ça peut clairement devenir un bel espace de créativité et de liberté juste à vous.
Ensuite, c’est bénéfique d’instaurer une certaine routine. Suis-je du type écriture au réveil ou avant de dormir ? Est-ce que je veux me discipliner à écrire chaque jour ou une fois par semaine ? À vous de voir et de faire des essais.
Dans un contexte où l’accès aux soins de santé mentale est plus difficile et onéreux que jamais, ça vaut la peine d’essayer, non ?
Autre conseil : n’écrivez pas juste quand vous êtes faché.e. Plusieurs personnes auraient tendance à prendre la plume uniquement quand ils sont en colère contre quelque chose, contre quelqu’un, ou alors triste ou déçu.e. Plusieurs psychologues recommandent d’écrire au sujet de ses joies, des choses dont on est fier.e et pour lesquelles on est reconnaissant.e dans sa vie. Ça ne fait pas de miracle, mais ça oriente très certainement les pensées vers une zone positive.
Finalement, lorsque l’on se retrouve dans un état où les pensées intrusives ou obsessives tournent en boucle dans sa tête, l’action de les jeter sur papier peut aider à désencombrer son esprit, et c’est non négligeable. Surtout dans une période de pandémie, de changements climatiques, de parution du rapport du GIEC qui donne le vertige, de nouvelles angoissantes concernant l’Afghanistan, les animaux en voie de disparition, la surenchère immobilière, le patriarcat… bref vous comprenez de quoi je parle.
Et dans un contexte où l’accès aux soins de santé mentale est plus difficile et onéreux que jamais, ça vaut la peine d’essayer, non ?