Après mon accouchement, j’ai eu l’impression d’avoir pris de la drogue dure. Malgré le travail de 24 h et les montagnes russes hormonales qui viennent avec, je pétais le feu. J’ai appelé toute ma famille, pris 250 photos de ma fille durant la nuit et fait des blagues à toutes les infirmières de l’unité.
Malheureusement, le retour à la maison a été moins rose. J’étais soudainement très fatiguée. Les difficultés d’allaitement me faisaient pleurer en pleine nuit. Le quatrième trimestre venait de commencer.
Dans ce laps de trois mois suivant l’accouchement où maman et bébé s’adaptent à la vie hors bedaine, les mères subissent de grands changements hormonaux, identitaires et corporels qu’on a tendance à occulter. Fini, l’attention sur la nouvelle mère; coucou, le focus sur le nouveau-né.
La minute science
La période post-partum est considérée comme le plus grand changement hormonal vécu dans une courte période par un être humain. Chassez la puberté et le SPM : l’ère post-accouchement, ça ne mérite pas un congé payé pour rien. Ça, c’est sans parler des changements physiques, comme le rétrécissement de l’utérus, l’évacuation des surplus de liquides par la sueur et, s’il y a lieu, la guérison des plaies.
Directement après la naissance du bébé, les taux jusqu’alors extrêmement élevés d’oestrogène et de progestérone produits par votre corps commencent à diminuer de manière significative. Pour compenser cette chute intense, l’ocytocine, aka « l’hormone du bonheur », donne un grand coup. L’ocytocine est responsable du gros high qu’on vit après l’accouchement. Cette hormone magique fait en sorte qu’on se sent capable d’allaiter aux deux heures et de Facetimer toute notre famille en même temps sans ressentir une once de fatigue.
Malheureusement, l’effet de cette tasse de café magique s’estompe après quelques jours. C’est habituellement là que le fameux baby blues fait son apparition : une fois la fausse impression d’énergie offerte par l’ocytocine disparue, on se retrouve face aux chutes hormonales post-grossesse, qui peuvent entraîner des sautes d’humeur, une sensation de déprime, de l’irritabilité et une baisse d’énergie. Si ces symptômes perdurent au-delà de six semaines après la naissance de bébé, ils pourraient être les signes d’une dépression post-partum.
Notez qu’un débalancement hormonal majeur pourrait aussi être causé par la thyroïde — en cas de doute, consultez un.e médecin !
Post-partum 101
« Tous ces changements physiques et hormonaux, ça coûte énormément d’énergie au corps à un moment où notre identité change complètement », souligne Andréa Houle, sage-femme et chargée des affaires professionnelles à l’Ordre des sages-femmes du Québec, qui, comme la majorité des membres de son ordre professionnel, prône un quatrième trimestre placé sous le signe de la bienveillance et du repos.
Elle nous donne ces quelques trucs pour l’accueillir en douceur :
Préparer le terrain
Pour Andréa Houle, la transition vers le post-partum se fait plus aisément quand une bonne hygiène de vie est mise en place dès la grossesse. L’exercice, une alimentation diversifiée et la méditation, par exemple, peuvent amortir les fluctuations hormonales une fois le post-partum arrivé. Andréa conseille tout de même d’avoir une liste d’expert.e.s et de ressources à consulter en cas de besoin : psychologue, travailleur.euse social.e, infirmière…
Développer un réseau de mères
Avoir un réseau de mères qui vivent la même expérience que nous permet de normaliser l’expérience du post-partum, mais aussi de briser l’isolement social. « Ça enlève aussi la dépendance sur le conjoint », souligne Andréa Houle.
Savoir reconnaître les signes de l’anxiété post-partum
L’échelle d’Edimbourg est une série de 10 questions à se poser chaque semaine pour évaluer son niveau d’anxiété. Si on score fort à quelques reprises, mieux vaut consulter un.e professionnel.le de la santé pour en discuter.
Manger des aliments riches en tryptophanes
« Partout dans le monde, il y a des traditions alimentaires pour les femmes en post-partum, et ce sont toujours des aliments faciles à digérer et riches en tryptophanes, comme des bleuets ou du chou », indique Andréa Houle.
Diminuer le temps d’écran (et arrêter de se comparer)
Tout le temps passé sur Instagram en post-partum n’est pas nécessairement bénéfique. D’abord, la lumière bleue émise par les écrans nuit au sommeil, qui est déjà très fragmenté durant le quatrième trimestre, en plus d’avoir un impact négatif sur notre système endocrinien.
Et malheureusement, les réseaux sociaux nous renvoient souvent une image idéalisée du post-partum où les points de suture, le vomi sur le chandail et les coliques ne font pas partie du portrait. « Le message qu’on reçoit, c’est que le plus vite tu te remets sur pied après un accouchement, le plus tu peux te féliciter », observe Andréa Houle.
Faire équipe avec son ou sa partenaire
« Comment est-ce que je peux continuer de nourrir ma relation avec mon partenaire et reconnaitre que c’est difficile pour lui aussi ? », questionne la sage-femme. « Il faut se dire qu’on veut traverser ça ensemble, même si chacun vit des défis que l’autre ne comprend pas complètement », conclut-elle.