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C’est officiel : le gouvernement s’en bat les steaks de l’alimentation végé

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Pour prémunir le consommateur français du risque grave d’apporter par erreur des chipos vegans à ses barbeucs estivaux – et alors qu’une étude récente révélait que réduire de 50% notre consommation de viande hebdomadaire permettrait d’atteindre nos objectifs climatiques – notre gouvernement, qui a décidément toujours le sens des priorités, vient de publier ce mardi 27 février un décret interdisant les appellations faisant référence au règne animal sur les aliments à base de végétaux.

Concrètement, cela signifie qu’on ne pourra plus parler de “steak de seitan” ou de “saucisses végétariennes”, sous peine de ne plus seulement s’exposer à des blagues lourdes sur le cri de la carotte ou à des commentaires non sollicités sur la carence en vitamine B12 des amateurs de tofu soyeux, mais à une amende allant de 1 500 euros pour une personne physique, à 7 500 euros pour une entreprise.

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Sont également interdits, pour le plus grand bonheur des spécialistes du marketing en quête de nouveaux défis qui vont devoir se retrousser les manches afin d’inventer des mots spéciaux, les termes de “rillettes”, “boudin”, ou encore “nuggets” et “terrine” (si les recettes excèdent de 0,5 à 5% de végétaux).

Ainsi, à partir du 30 avril 2024, ces dénominations seront uniquement réservées aux produits d’origine animale, et les entreprises françaises de simili-carnés ne pourront plus avoir recours à ce type d’étiquetage. Toutefois, les producteurs de protéines végétales étrangers ne sont pas concernés par ce nouveau texte, et pourront tranquillement continuer à exporter leur bacon végétarien dans l’Hexagone. Les industriels du secteur qui produisent en dehors des frontières françaises vont donc avoir les coudées franches pour écraser la concurrence qui a fait le choix de ne pas délocaliser ses usines.

Un “forcing” du lobby de la viande industrielle

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Un deux-poids, deux mesures, qui fait forcément grincer des dents du côté des marques françaises spécialisées dans les alternatives végétales. Elles dénoncent un “forcing du lobby de la viande industrielle”, et une décision incompréhensible de la part des acteurs politiques, en décalage total avec les ambitions écologiques et le soutien du made in France, pourtant si cher à nos élus…

L’autre spécificité de ce décret, c’est que pour faire plaisir à la filière de l’élevage intensif, sans toutefois risquer de heurter la sensibilité des amateurs de chips saveur poulet rôti, et surtout, de porter préjudice à la grande distribution dont les rayons de supermarchés regorgent de produits au goût artificiellement modifié, les arômes alimentaires faisant référence à des animaux ne sont quant à eux pas concernés. Vous pourrez donc continuer de vous envoyer des nouilles instantanées au délicat fumet de bœuf grillé, sans que votre plat n’ait jamais croisé le moindre morceau de bifteck.

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Si les substituts végétaux ne font pas l’unanimité, et sont souvent taxés – à raison – d’être ultra-transformés, ils représentent tout de même une alternative utile pour les personnes qui souhaitent réduire leur consommation de viande, sans pour autant bousculer soudainement toutes leurs habitudes alimentaires. Car bien évidemment, les produits bruts sont toujours préférables à la nourriture industrielle, mais on n’a pas toujours le temps de préparer ses propres steaks de haricots rouges en rentrant du boulot. Sans compter que la production de légumineuses qui entrent dans la confection de ces aliments est de 5 à 50 fois moins émettrice de gaz à effet de serre que, par exemple, celle du bœuf ou du porc.

Une bataille sémantique historique

Là où le bât blesse, c’est que le soja qui sert à confectionner une partie de ces simili-carnés est le plus souvent importé du continent américain, et fait donc nettement grimper le bilan carbone de nos burgers végétaux, tout en contribuant de manière alarmante à la déforestation. Mais raison de plus pour soutenir les acteurs français du secteur, qui investissent pour développer des recettes moins gourmandes en CO2 et délétères pour l’environnement, avec moins d’additifs, et faisant appel à des fournisseurs agricoles locaux.

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Notons que la bataille sémantique pour la survie de l’escalope végétale en France ne date pas d’hier. Le Conseil d’Etat avait déjà suspendu l’an dernier un premier décret datant de 2022 allant dans ce sens, et renvoyé la balle à la Cour de Justice de l’Union Européenne, chargée de se prononcer sur l’affaire. Quant aux autres pays, ils semblent pour l’instant épargnés par cette offensive charcutière.

Cette décision du gouvernement, à l’heure où un consensus scientifique nous alerte régulièrement sur l’urgence d’adopter une alimentation moins carnée, paraît donc anachronique. Elle semble viser en réalité, sous couvert de protéger les consommateurs d’une menace imaginaire, à ralentir le développement d’un secteur en plein essor au profit des apôtres de l’élevage intensif dont le pouvoir d’influence est à l’heure actuelle bien plus important que celui des défenseurs du végétarisme. En tout cas, du côté du parti Renaissance, pas de confusion possible : aucun risque de prendre leur greenwashing et leurs préoccupations environnementales de façade pour autre chose que de l’opportunisme électoral…

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