Comme plusieurs d’entre nous, Will Smith n’a pas connu une très belle année 2020. Ça a commencé avec une sortie du rappeur August Alsina sur les ondes de la célèbre émission de radio The Breakfast Club, qui avouait candidement à l’animatrice Angela Yee avoir eu une idylle avec Jada Pinkett Smith (la femme de Will) en 2016 avec – selon lui – la bénédiction de ce dernier.
Après avoir initialement nié l’histoire, Pinkett Smith a décidé de faire volte-face et de convier son mari à Red Table Talk, l’émission qu’elle anime sur Facebook Watch depuis 2018, question de laver leur linge sale devant les caméras. Une décision qui peut paraître opportuniste aujourd’hui, mais à l’époque, les tabloïds rapportaient beaucoup de fausses informations à ce sujet et le couple souhaitait mettre les pendules à l’heure par lui-même.
L’épisode a été regardé par 38 millions de personnes et les images crève-cœur d’un Will Smith ému et tiraillé se sont répandues comme une traînée de poudre sur les internets. En quelques semaines, Smith est devenu une nouvelle version du célèbre Crying Jordan qui essaie tant bien que mal de retenir ses larmes : Sad Will Smith.
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C’est rude. Surtout qu’à l’époque, Smith s’est défendu d’avoir pleuré pendant l’entrevue. Il affirmait avoir eu les yeux mouillés à cause du café, ce qui n’a pas aidé sa cause auprès de l’opinion publique. Pourtant, le Fresh Prince fait un retour fracassant dans le discours ambiant depuis quelques semaines avec le film King Richard, dans lequel il incarne le père de Serena et Venus Williams – un rôle qui pourrait lui valoir des nominations aux Oscars, selon les rumeurs – et son nouveau mémoire Will, coécrit avec l’auteur de The Subtle Art of Giving A F*ck Mark Manson.
Will Smith a repris le contrôle de son image en quelques semaines. Comment a-t-il fait ? Quel est son secret ? Regardons ça ensemble.
Première étape : laisser passer la tempête
Il n’y a pas de solution simple quand on devient un mème. On peut soit l’assumer, soit laisser les gens nous tourner en bourrique jusqu’à ce qu’ils se trouvent une autre cible. Will Smith a choisi la deuxième option. Après s’être pris les pieds dans le tapis avec ses explications implausibles, il a décidé de lâcher le morceau et de disparaître pendant quelques mois, question de finir son mémoire et de laisser internet avoir du plaisir avec la fois où il a daigné montrer un brin de vulnérabilité en public.
Parce que Will Smith a pu tolérer une situation passagère, elle s’est terminée par elle-même sans qu’elle vienne à le définir.
Même lorsqu’une situation est injuste, des fois, il faut lâcher prise et accepter qu’on n’a aucun contrôle sur notre sort. Si Smith s’était entêté à vouloir contrôler le message, il n’aurait que fait durer le plaisir pour les centaines de milliers de créateurs et créatrices de mèmes. En se retirant du portrait, il a contrôlé la partie du processus qu’il pouvait contrôler : lui-même. Il a laissé les internets faire ce qu’ils font de mieux (rire des gens) jusqu’à ce que la tendance s’essouffle et que les créateurs et créatrices de mèmes passent à un autre appel.
Bien sûr, les mèmes de Will Smith circulent encore aujourd’hui et circuleront pendant plusieurs années lorsque le contexte s’y prêtera. Ça fait partie des risques d’être une personnalité publique. Vos moments passés devant la caméra ne vous appartiennent pas. La course aux mèmes est rendue ailleurs. Parce que Will Smith a pu tolérer une situation passagère, elle s’est terminée par elle-même sans qu’elle vienne à le définir.
Deuxième étape : rouler avec les coups
C’est là que se trouve le génie de Will Smith, selon moi. Mis à part les bandes-annonces pour King Richard et ses apparitions promotionnelles à Red Table Talk dans le cadre de la sortie du film, une des premières manchettes médiatiques liée à son nom cet automne faisait allusion à sa jalousie dévorante envers feu Tupac Shakur.
Cette nouvelle est parue dans le cadre de la publication de son mémoire. Avant même de connaître Will, Jada Pinkett était amie avec le légendaire rappeur. Ils allaient à l’école secondaire ensemble. Même s’ils n’ont jamais été un couple (et, selon Will, jamais été intimes), Jada avait… disons des étoiles dans les yeux en parlant de lui.
C’est beaucoup plus difficile de se moquer quand une personne s’assume et en remet une couche à propos du même sujet.
Dans son mémoire, Will avoue donc sa jalousie envers l’ami et ancien kick de sa femme, un homme décédé avec une influence culturelle et sociale plus grande que la sienne. Will Smith fait beaucoup plus d’argent en une année fiscale que Tupac Shakur n’en a jamais fait, mais peu d’enfants ne veulent vraiment devenir Will Smith lorsqu’ils seront grands alors que Tupac a influencé une génération complète de jeunes rappeurs, dont Kendrick Lamar.
Alors qu’on se moquait de sa vulnérabilité, Smith a répondu avec encore plus de vulnérabilité et d’honnêteté. Il s’est montré à l’aise avec ses insécurités. C’est beaucoup plus difficile de se moquer quand une personne s’assume et en remet une couche à propos du même sujet. En boxe, on appelle ça « rouler avec les coups ». Laisse l’adversaire frapper le plus fort qu’il le souhaite afin de pouvoir mieux parer ses attaques télégraphiées.
Troisième étape : se concentrer sur ce qu’on fait de mieux
Ce qui rend les célébrités (et un peu tout le monde) plus susceptibles de devenir un mème, c’est la culture de réciprocité sur internet. Pour quelqu’un qui se trouve dans l’œil du public, c’est cool d’interagir avec une foule de gens qui l’aime. Avant on faisait les tabloïds. Maintenant, on interagit avec monsieur et madame Tout-le-Monde sur les réseaux sociaux. C’est gratifiant la plupart du temps, mais on s’expose aussi aux différentes interprétations qu’on peut avoir de ces interactions
Will Smith s’est mis en scène lui-même au lieu de participer à une mise en scène qu’il ne contrôlait pas.
En se retirant de la conversation sur les réseaux, Will Smith s’est concentré sur ce qu’il sait faire de mieux : raconter des histoires, soit en tant qu’acteur ou en tant que narrateur de sa propre vie dans son mémoire, où il raconte des anecdotes beaucoup plus spectaculaires que les mèmes créés à son sujet. Il s’est mis en scène lui-même au lieu de participer à une mise en scène qu’il ne contrôlait pas.
Bref, revenir d’entre les mèmes, c’est un peu comme survivre au papotage de collège : il faut laisser les gens parler, assumer nos travers ou nos moments de vulnérabilité et se concentrer sur ce qu’on fait de mieux et non sur ce qu’on fait de mal. Si Will Smith gagne la statuette du meilleur acteur pour son interprétation de Richard Williams l’hiver prochain, il aura confirmé qu’on peut devenir un mème, en revenir et continuer sa vie sans que ça nous définisse.
Chapeau, Fresh Prince !