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Voyage en Arménie : entre paysages « tolkiéniens » et héritage soviétique
On ne connaît donc pas grand-chose à propos de l’Arménie à proprement parler. Pour nous, c’est une culture avant d’être un territoire. C’est pour ça que j’ai voulu y aller. Ma conjointe, mon ami Armen (qui en était à sa troisième visite) et moi avons donc pris l’avion en direction de Yerevan, la capitale du pays, le 10 juin dernier. Parce que la vie est trop courte pour se complaire dans l’ignorance.
L’Arménie avant l’Arménie
On est arrivé.e.s en Arménie plusieurs minutes avant de se poser à l’aéroport Zvartnots de Yerevan. Une dame quelques rangées derrière nous a éprouvé un malaise et instantanément, TOUT LE MONDE à bord de l’avion s’est mis à aider. Sans exception. Une dizaine de téléphones se sont mis à éclairer la malade. Quelques personnes ont enlevé leurs survêtements pour lui faire de la ventilation. Quelqu’un a averti l’agent de bord. Un homme s’est mis à chercher activement un médecin de rangée en rangée… et en a trouvé un.
Le médecin a stabilisé la pauvre dame et a par la suite expliqué en anglais et en arménien qu’elle avait souffert d’une crise cardiaque mineure. Pendant quelques minutes, on n’était plus les passagers et passagères d’un avion. On était une petite communauté préoccupée par l’état de santé d’un de ses membres. Pas exactement le genre de solidarité qu’on vit de notre côté de l’océan.
L’Arménie, c’est d’abord et avant tout une ex-république soviétique. Le paysage architectural et économique nous le rappelle continuellement. C’est un pays très peu occidentalisé.
La première chose que j’ai apprise à propos de l’Arménie à l’atterrissage, c’est que malgré sa proximité géographique et historique avec les pays arabes, elle a beaucoup moins en commun avec eux que je ne l’aurais cru. L’Arménie, c’est d’abord et avant tout une ex-république soviétique. Le paysage architectural et économique nous le rappelle continuellement. C’est un pays très peu occidentalisé.
Promenez-vous dans n’importe quelle grande ville européenne et en moins d’une heure, vous trouverez un McDonald’s (ou plusieurs), un Starbucks (ou plusieurs), des panneaux publicitaires Disney et au moins un H&M de trois étages. En Arménie, il n’y a rien de ça. Le commerce est à 80 % local ou russe. On y trouve quelques marques occidentales comme Aldo, Best Western ou – inexplicablement – Pizza Hut, mais il faut bien ouvrir l’oeil.
Sinon, Yerevan est une ville paisible aux multiples squares publics où il fait bon de vivre. Baignées par la chaleur du Moyen-Orient tout proche, ses rues sont souvent presque désertes pendant la journée. Les gens prennent refuge à l’ombre des nombreux cafés et restaurants qui jonchent l’espace public.
La nuit de Yerevan est toujours bondée, mais jamais pressée. Tout le monde prend le temps de vivre.
La ville s’anime plutôt le soir jusqu’à tard dans la nuit. Les squares sont alors envahis de petites familles, d’enfants qui s’amusent dans les jeux d’eau et de parents qui papotent ensemble en sirotant un rafraîchissement. De bandes d’ami.e.s dans la vingtaine qui sortent du restaurant avant de se diriger vers les divers établissements dansants du coin. La nuit de Yerevan est toujours bondée, mais jamais pressée. Tout le monde prend le temps de vivre.
En passant, je suis allé voir le lac des Cygnes, l’endroit où Kanye West a si pittoresquement titubé en donnant un spectacle. C’est peut-être le seul endroit de Yerevan qui m’a déçu.
Lord of the Rings v. Bladerunner (sans les néons)
Bien sûr, on n’est pas resté.e.s dans la capitale pendant les 12 jours de notre voyage. On est donc parti.e.s faire le tour du pays en road trip pendant cinq jours avec pour destinations Goris, Jermuk, Dilijan et Gyumri, respectivement les 12e, 41e, 19e, et 2e plus grandes villes du pays. Pas que ce soit très important; il n’y a que trois villes en Arménie qui comptent plus de 50 000 habitant.e.s.
Qu’est-ce qui vaut le détour en Arménie profonde ? Allons-y en ordre d’appréciation :
Le téléphérique de Tatev
Perché au sommet d’une immense montagne, le téléphérique de Tatev est le plus long téléphérique aller-retour au monde. Il parcourt les 16 kilomètres qui le séparent du monastère du même nom en seulement 12 minutes. Non seulement l’expérience est absolument spectaculaire, mais elle ne coûte que 15 euros et vous fait économiser environ 40 minutes de route. Parce que 16 kilomètres dans les montagnes, ça ne se fait pas aussi vite que ça.
Les paysages au sens large
L’Arménie a une ÉNORME « vibe » Lord of the Rings avec ses majestueuses montagnes vertes à n’en plus finir et ses troupeaux d’animaux de pâturage qui traversent occasionnellement la route. Mon paysage préféré a sans l’ombre d’un doute été celui du monastère de Noravank (il vaut mieux aimer les monastères si vous voulez visiter l’Arménie). Ce dernier est coincé entre deux immenses falaises qui ont vu plus de gens vivre et mourir que la religion catholique au grand complet. L’air y est on ne peut plus pur. Il y a quelque chose de très sobre à être entouré de gargantuesques parois rocheuses qui ont survécu à la fois aux époques et aux cataclysmes. On s’y sent petit.e, dans le meilleur sens du terme.
Vous savez, l’adage voulant que ce n’est pas la destination, mais le voyage qui importe ? En Arménie, il faut le prendre au pied de la lettre. Sur la route, c’est difficile de savoir où regarder tellement les merveilles défilent.
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Jermuk
À moitié station balnéaire, à moitié ville abandonnée, Jermuk est un petit coin perdu au sud-ouest du pittoresque lac Sevan où règne une atmosphère de film de science-fiction. Comme une sorte de Blade Runner en plein jour.
Dans les rues et les corridors des hôtels, on trouve énormément de touristes russes et quelques locaux plus fortunés que la moyenne venus s’offrir quelques jours de relaxation dans ce coin très prisé du pays. Dans lesdits hôtels, vous pouvez vous offrir une série de soins plus ou moins légaux ailleurs sur le globe, comme ceux d’un bar à oxygène où vous pouvez respirer la molécule chimique pour 2 euros par tranche de 10 minutes. Il va sans dire que j’ai passé une putain de belle soirée là-bas. Ça a peut-être d’ailleurs un peu teinté mes souvenirs.
Si jamais vous passez dans le coin, assurez-vous d’aller voir les chutes de Jermuk. Ce ne sont pas les chutes les plus grosses ou les plus spectaculaires que vous verrez de votre vie, mais en même temps, vous ne verrez jamais rien de semblable. On dirait des cheveux de sorcières qui dansent dans le vent.
Gyumri
Cette ville a été complètement détruite par un tremblement de terre en 1988 et rebâtie partiellement à même les matériaux des immeubles détruits. Tout est à la fois neuf et vieux. La vibe est on ne peut plus étrange, mais extrêmement commercial et touristique quand même.
Gyumri regorge de terrasses et de petits commerces d’artisanat dignes du Salon des métiers d’art. On y a même croisé un carnaval postsoviétique louche avec des manèges d’un niveau de sécurité discutable. Encore une fois, je vous mentirais si je vous disais que ce petit côté hanté m’a déplu. Le peuple arménien avance diligemment vers le futur tout en traînant un bagage historique sur ses épaules.
On y a même croisé un carnaval postsoviétique louche avec des manèges d’un niveau de sécurité discutable.
Bien sûr, il y a des choses moins cool dans l’arrière-pays. Comme la bouffe, par exemple. Attendez-vous à manger les brochettes de bœuf, de porc et de poulet les plus basic de votre existence avec un à côté de patates et de yaourt. Assurez-vous aussi de voyager avec un.e ami.e qui parle arménien, sinon, vous tombez dans la fourchette de prix « pour touristes ». C’est con à dire, mais c’est notre expérience quand même. Les fois où j’ai commandé de la bouffe, on a payé nos assiettes entre 50 % et 200 % plus cher.
Sinon, c’est pas tellement que l’Arménie a ses mauvais côtés. C’est plutôt qu’il s’agit d’un plaisir avisé. C’est un pays à la beauté austère et immémoriale. Des montagnes majestueuses aux vallées tolkienesques en passant par les immeubles soviétiques qui jonchent le territoire, l’Arménie offre un spectacle brut, fort et marqué par les nombreuses épreuves qu’a dû traverser ce courageux peuple. Vous y côtoierez une pauvreté encore frappante en marge du parcours touristique tracé pour vous. C’est une sorte de package deal. L’Arménie se vit au complet ou pas du tout.