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Voici pourquoi tout le monde déteste les maths

Faire un budget, ça vous stresse ? C'est pas de votre faute.

Par
Pierre-Luc Racine
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Mes paumes sont en sueurs. Mes genoux sont faibles. Le spaghetti de ma mère… Pourtant, je ne m’apprête pourtant pas à surmonter une grande épreuve, je dois simplement calculer un pourcentage par moi-même. Ça devrait être simple. Pourquoi une simple opération est-elle devenue si redoutée ?

Collectivement, on n’accepte pas que des gens soient incapables de lire en français, mais nous nous sommes accordé le droit d’oublier comment faire une règle de trois. Pourtant, toutes ces notions s’apprennent en même temps, dans les mêmes écoles. Pourquoi avons-nous tous accepté d’être mauvais.e.s dans une discipline élémentaire ?

Un phénomène s’est glissé dans notre société depuis des générations. On l’appelle : « l’anxiété des mathématiques ». En effet, de plus en plus d’adultes font preuve d’une forme d’anxiété reliée aux maths dont certains en souffrent encore plus profondément.

C’est normal de détester les maths

Cette haine profonde des nombres n’est pas imaginaire. Elle n’est pas dans notre tête. En fait, oui, elle l’est : l’idée seule de devoir faire des mathématiques provoque les mêmes régions du cerveau qui s’allument lorsqu’on ressent une douleur physique. Au point pour certaines personnes à avoir physiquement mal à l’idée de devoir calculer combien de monnaie remettre à la caisse.

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Le problème, c’est que comme c’est de l’anxiété, ça vient souvent avec une forme de prophétie autoréalisatrice :

On pense qu’on est anxieux.SE.S parce qu’on est mauvais.E.S en maths, alors que c’est plutôt l’inverse. On est mauvais.E.S en maths parce qu’on est anxieux.SE.S !

En effet, l’anxiété des maths réduit ce qu’on appelle la mémoire de travail. C’est une partie de mémoire à court terme. En gros, notre boîte crânienne est occupée à stresser, ce qui laisse peu de place aux pensées claires.

L’anxiété des mathématiques frappe partout. Une des choses qui surprend le plus les personnes quand elles commencent à me côtoyer, c’est à quel point je déteste faire des calculs mentaux. Pourtant, j’ai écrit une tonne d’articles à saveur mathématiques pour ce site. Et après tout ça, même moi je suis victime de cette forme d’anxiété, malgré des études universitaires en maths.

Comment en sommes-nous arrivé.e.s là ?

Nous sommes au cœur d’un cercle vicieux. Le truc, c’est que tout le monde trouve que c’est chiant, faire des mathématiques. À force d’être répétée, cette opinion est éventuellement devenue un fait.

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Notre cerveau est programmé à avoir peur des situations dangereuses. Mais on s’est tellement fait matrixés que les maths, c’est difficile et ça fait peur, qu’on finit par avoir la même réaction devant une équation que devant une grosse araignée.

Cette mentalité fait en sorte qu’avant même d’arriver sur les bancs d’école, les enfants ont déjà en tête que ça sera difficile. Après tout, si on vous répétait sans cesse que c’est difficile, d’enfiler un pull, vos mains trembleraient chaque matin devant votre garde-robe.

Quand je dis que presque tout le monde perpétue cette idée, ça inclut malheureusement les professeur.e.s. En plus des millions de défis qui viennent avec cette carrière, celui d’enseigner des concepts de mathématiques leur inflige un stress supplémentaire qu’ils transmettent à leurs élèves.

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Dans le même ordre d’esprit, les parents qui ragent devant des devoirs n’aident pas les enfants à apprécier la matière. Ce cycle est perpétué depuis quelques générations et le briser semble très laborieux.

Aussi, on a associé la résolution d’un problème d’algèbre à l’équivalent de remporter des Jeux olympiques avec notre esprit.

Du coup, on a étiqueté les PERSONNEs BON.NE.S en maths d’« intelligent.E.s ». Par conséquent, les PERSONNES moins doué.E.s sont des « imbéciles ».

Personne n’aime se sentir comme un débile. On tente donc d’éviter tous ces moments douloureux où notre ego pourrait être heurté. Notre société nous fait croire qu’il n’y a que les génies qui réussissent à comprendre un graphique. Ce qui est absolument faux. Même avec mon diplôme en maths, je suis débiles à mes heures perdues.

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Les femmes, premières victimes

Ça fait depuis trop longtemps qu’on associe « être bon en science » à la masculinité. La première Barbie parlante disait que les maths sont difficiles. Même les boutiques Forever21 ont déjà tenté de vendre des t-shirts pour femmes portant l’inscription Allergique à l’algèbre.

Encore de nos jours, on a tendance à croire que les hommes sont meilleurs en maths que les femmes. Ce mythe a pour conséquence qu’elles sont davantage affectées par l’anxiété des mathématiques.

Même que pour une étude, on a donné des tests à deux groupes : les membres d’un groupe inscrivaient leur nom et leur genre, alors que les membres de l’autre groupe n’y inscrivaient que leur nom.

LES PERSONNES qui se faisaient rappeler QU’ELLES ÉTAIENT DES FEMMES avant l’examen avaient de moins bons résultats !

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Dans une autre étude, les femmes qui inscrivaient un faux nom en haut de la feuille avaient un meilleur score que celles qui marquaient leur vrai nom !

Par-dessus tout ça, comme le corps professoral est composé majoritairement de femmes, elles-mêmes plus fréquemment atteintes de cette anxiété, les élèves féminines ont tendance à être plus affectées par l’anxiété des mathématiques de leur institutrice que les petits garçons.

Attention, je ne suis PAS en train de dire que les femmes sont mauvaises en maths, simplement que les études ont démontré qu’elles font plus d’anxiété sur le sujet. Même qu’à la maison, les mères sont 72% plus susceptibles que les pères de penser ne pas être capables d’aider les devoirs de mathématiques et seulement 40% d’entre elles croient que leur assistance va réellement aider.

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Même lorsqu’elles ont du succès en mathématiques, les femmes subissent des contrecoups. J’en ai déjà parlé ici, mais souvenons-nous de la fois où des universitaires ont envoyé 10,000 lettres d’insultes à la femme la plus intelligente du monde!

Comment changer notre rapport aux maths?

Si vous êtes affligé.e.s de l’anxiété des mathématiques, toutes les techniques pour calmer l’anxiété sont efficaces. Plus globalement, je pense que la phrase « je suis nul.le en maths » ne devrait plus être prononcée. Nous sommes tous et toutes capables de faire de l’arithmétique, la branche des mathématiques qui concerne la majorité des problèmes de notre quotidien. La bosse des maths n’existe pas. Vous êtes capables.

Même si c’est confrontant, faire des mathématiques avec ses enfants, surtout ses filles, c’est primordial. Maryam Mirzakhani, la première femme à obtenir un Fields Medal – un exploit incroyable! – raconte avoir perdu l’intérêt en arithmétique à cause de l’attitude de son professeur de primaire.

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Dans le même ordre d’idée, ça pourrait être pertinent de pointer vers des modèles et parler de femmes mathématiciennes qui ont marqué l’humanité.

Surtout, il faudrait se défaire de cette fausse association entre intelligence et mathématique.

Personne n’est anxieux de la géographie parce que nous n’avons pas élevé au rang de surdoués les gens qui savent précisément où se situe la Tanzanie.

Pourquoi je vous parle de tout ça, ici ? Parce qu’il y a un coût élevé que nous devons tous.te.s payer. Des gens profitent de notre anxiété pour faire de l’argent. Les pires personnes et, surtout, les pires entreprises.

D’ici là, essayons de trouver du plaisir à faire des mathématiques. Après tout, nous avons du plaisir à solutionner des problèmes en même temps nos participant.e.s de télé-réalité préféré.e.s. Nous ne sommes pas saisis de panique devant une énigme dans un jeu d’évasion.

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En gros, ça serait une bonne affaire de se rappeler que les maths, c’est sympa ! OK… C’est vraiment la phrase la plus nerd que j’aie jamais écrit.