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Voici comment ne pas devenir un parent grossophobe

C’est une fine ligne à naviguer.

Par
Karine Côté-Andreetti
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Est-ce grossophobe de dire qu’on aime les grosses cuisses de bébé ? D’inciter nos enfants à manger leur repas avant d’avoir un dessert ? Ça commence où et quand, la grossophobie ? Comment s’outiller pour demeurer critique face aux figures d’autorité qui ne sont pas encore formées dans une approche inclusive à l’égard du poids ?

Quand je me suis aperçue que j’avais autant de questions qu’un enfant de trois ans dans sa phase du « pourquoi », nous avons décidé de rencontrer Marilou Morin et Geneviève Doray à propos des actions à poser pour assurer une enfance sans grossophobie. Diététise-nutritionniste de formation, Morin a écrit le livre Au-delà de la grossophobie et Doray est la directrice générale du magazine Naître et grandir.

S’aimer, ça commence jeune

D’emblée, j’avoue que le mouvement de la neutralité corporelle résonne davantage chez moi que celui du body positive. Ayant grandi avec la trame sonore d’une culture populaire où Britney Spears était considérée comme bien en chair, où plusieurs méchant.e.s de Disney sont gros.se.s, paresseux.ses et pas courageux.ses et où j’espérais fort que les autres verraient ma « beauté intérieure » parce que ma grandeur de pantalon n’était pas disponible – admettant d’emblée que mon corps à lui seul ne méritait aucune forme d’amour – je ne suis pas d’avis qu’atteindre une image corporelle positive en tout temps soit réaliste. La neutralité corporelle puise justement le cœur de son message dans ce constat.

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En ce sens, selon Geneviève Doray, il est primordial de ne pas abuser des compliments liés à l’apparence physique (ce conseil s’applique à tous.tes) :

« Ce n’est évidemment pas mal intentionné, mais le fait de complimenter les vêtements ou la coiffure régulièrement envoie comme message aux enfants que leur apparence est importante, s’ils désirent avoir l’approbation de leurs pairs. »

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Une perception négative de son corps affecte le développement des enfants en diminuant leur estime de soi et leur volonté de s’engager dans des activités et des interactions sociales. Ainsi, à long terme, ne pas aimer leur reflet peut les mener à vivre de l’isolement, de l’anxiété et même à la dépression.

Dès l’âge de 3 ans, les enfants sont susceptibles de s’inquiéter de leur apparence et, entre les âges de 6 et 8 ans, il est possible que ceux-ci déclarent ouvertement ne pas aimer leur corps et chercher à le changer en ayant recours à des régimes ou en s’entraînant. En plus de causer des carences, de retarder la croissance et la puberté, ces comportements peuvent mener à des troubles alimentaires. « Les troubles alimentaires n’apparaissent pas comme par magie à l’adolescence. Ils ont souvent pour origine une mauvaise image corporelle qui a pris racine dans le terreau fertile de l’enfance, » affirme Geneviève Doray.

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Souvent, bien malgré eux, les parents sont ceux qui sèment la graine dans ce terreau. Mais comment éviter ces comportements qui pourraient potentiellement nuire au développement de notre enfant?

Cultiver le plaisir

Avoir une image corporelle saine de soi ne s’apprend pas avec des tableaux de motivation. C’est comme l’empathie : l’enfant développera cette capacité à force d’y être exposé. « Un enfant comprend tout ce qu’on dit. Celui-ci entend son parent refuser systématiquement une part de gâteau, entend son parent critiquer ses fesses qui paraissent grosses dans ces pantalons-là. L’enfant se rend compte que ses parents ont peur du mot gros.se, » précise la directrice de Naître et grandir.

Les deux intervenantes s’entendent sur une chose : la réhabilitation de l’image corporelle passe par l’idée que manger, c’est quelque chose de plaisant.

Voici quelques petits trucs pour y arriver :

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  • Éviter de classer les aliments comme « bons » ou « mauvais » pour la santé. Si nous avons du plaisir à manger certains aliments, eh bien ces aliments sont bons pour nous!
  • Ne pas avoir des aliments interdits, ni de hiérarchisation des aliments. (comme le fameux desserts en fin de repas.)
  • Laisser les enfants gérer leurs propres portions.
  • Ne surtout pas forcer un.e enfant à terminer son assiette.
  • Favoriser les apprentissages des bonnes habitudes alimentaires. Par exemple, avec une assiette diversifiée et colorée, en apprenant à reconnaître les signes de faim et de satiété et à ne pas lancer le contenu de son assiette sur le plancher.

(Bon, ok, le dernier est de mon cru, mais le plaisir n’est-il pas décuplé lorsque nous n’avons pas à ramasser des grains de riz à quatre pattes sous la table ?)

Se calmer avec le rang percentile

Les mythes et les préjugés basés sur le poids sont aussi persistants qu’un commercial MLM trading dans nos DMs. Selon Geneviève Doray, il y a encore énormément d’éducation à faire auprès des pros de la santé au sujet de la grossophobie : « Les parents d’enfants plus gros.ses se font juger, comme s’ils n’étaient pas de bons parents qui laissent leurs enfants devant la télévision ou leur cuisinaient intentionnellement de mauvais repas. Pourtant, notre enfant n’a pas à être mince pour être en bonne santé », rappelle Geneviève Doray.

« Les récentes données probantes au sujet du poids ne se rendent pas à tous les corps professionnels, » complète Marilou Morin. « Ça ne fait même pas partie du curriculum de base dans les universités. Par exemple, en nutrition, l’alimentation intuitive ne représente qu’un maximum 3 heures de présentation dans le cadre de tout le cursus ».

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Comment demeurer critique lorsqu’un.e médecin suggère de privilégier le yogourt 0%, sous seul prétexte de l’IMC (une mesure largement critiquée par des expert.es, d’ailleurs)?

« C’est une excellente question, quoique très délicate, » avance la co-autrice du livre Au-delà de la grossophobie. « Malheureusement, les personnes en position d’autorité ne vont pas nécessairement respecter notre expérience personnelle, alors il faut être backé.e avec des lectures. Je suggère aussi de pratiquer notre discours : qu’est-ce que nous voudrions dire, si un.e professionnel.le de la santé tenait des propos grossophobe? On ne sera pas moins pris.e au dépourvu, nos émotions ne seront pas minimisées, mais au moins, notre intervention sera prête. La manière par laquelle on répond à des propos grossophobes est aussi extrêmement importante pour nos enfants et leur acceptation de soi ! »

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