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Vivre sans libido (ou presque) quand on est en couple

C'est aussi tabou que certaines pratiques sexuelles. Et c'est dommage.

Par
Bettina Zourli
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On a sacralisé le sexe. On en a fait le ciment du couple. « Se réconcilier sur l’oreiller » serait le meilleur moyen de se remettre d’une dispute, selon je ne sais quel média féminin qui ne cite absolument pas ses sources. On ne dit pas qu’on ne fait pas l’amour. On ne peut pas le dire. On pense que quand on ne le fait pas, qu’on en n’a pas envie, on est « anormal.e » et que notre couple est sur la pente descendante. Pourtant, c’est rassurant de lire que le principal problème rencontré dans les couples, c’est la baisse de la libido : 53% des personnes ayant répondu à une enquête IFOP réalisée en 2019 le confirment. C’est aussi le tabou principal selon 47% des personnes interrogées dans ce même sondage. Pourtant, une étude réalisée par OpinionWay pour Dorcel montrait que 82% des Français.e.s considèrent la sexualité comme étant incontournable dans un couple.

Ne pas avoir de libido quand on est en couple, ce serait un problème. Mais surtout, un problème à cacher. Car si plus de la moitié indique avoir déjà rencontré ce « problème », combien sommes-nous à en avoir déjà vraiment discuté honnêtement avec des ami.e.s ?

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Non, le sexe n’est pas le ciment du couple

À mon sens, il est impératif de sortir de ce carcan limitatif, selon lequel il faudrait avoir une relation sexuelle « minimum deux fois par semaine » quand on est un couple sain et qui s’aime (bon, la fréquence fluctue selon les personnes mais vous avez compris l’idée). On se met une pression de dingue, on finit par tellement intellectualiser le sexe qu’on tue notre libido à petit feu. Et comme personne n’en parle, on a l’impression qu’on est anormal.e quand on n’a pas envie de coucher avec notre partenaire.

Et pourtant, je le répète : non, le sexe n’est pas le ciment d’un couple. D’ailleurs, une enquête IFOP réalisée pour la plateforme Charles.co affirme que 51% des hommes et 62% des femmes ont une libido parfois absente. Et encore une fois, comme personne n’en parle, beaucoup de monde se force, pour avoir l’air « normal.e ». Déjà, rappelons un fait simple : tous les couples fonctionnent différemment. Il serait donc stupide, comme pour n’importe quel sujet d’ailleurs, de faire des généralités à propos de la sexualité dans le couple. Le sexe peut être central comme absent au sein d’un couple, sans que cela soit une pathologie ou un problème à régler.

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J’ai eu une discussion avec mon conjoint il y a trois ans : nous organisions un de nos premiers week-ends en amoureux, nous étions en couple depuis à peine quelques mois, et nous n’avons pas fait l’amour ce week-end-là. Pourtant, j’ai un souvenir incroyable de cette escapade, nous avons beaucoup ri, nous avons profité ensemble d’un moment hors du quotidien, c’était un week-end de qualité. Lors de ce voyage, nous avons abordé le sujet défendu de la sexualité dans le couple, et je lui ai alors expliqué mon ressenti : j’étais en fait tellement en osmose avec lui, tellement heureuse et apaisée à ses côtés, que le sexe était comme devenu superflu. Ne vous y méprenez pas, nous ressentons du désir l’un pour l’autre, nous nous aimons, néanmoins, nous avons arrêté de nous mettre la pression sur la fréquence de nos rapports sexuels et surtout, nous avons ouvert le dialogue sur le sujet.

La libido et ses fluctuations

J’ai découvert un fait sur moi, un fait que j’ai essayé de taire pendant des années, jusqu’à en parler à mon mari, il y a peu de temps : j’ai deux types de libido. Quand je suis célibataire, je suis généralement sexuellement très active parce que j’aime la nouveauté, j’aime les choses légères, et parce que je ne me prends absolument jamais la tête sur mes relations d’un soir. Quand je suis en couple en revanche, très vite, ma libido se fait la malle et honnêtement, je ne sais pas où elle part. En fait, si. Elle a été remplacée par son amie routine (ma pire ennemie). La sexualité en couple n’est pas quelque chose que j’arrive à appréhender facilement. Et comme j’ai passé la majorité de ma vie sexuelle en couple, j’ai aussi passé la majeure partie de mon temps à ne pas être pleinement épanouie au lit. La découverte de mon plaisir en solitaire a d’ailleurs beaucoup aidé dans cette prise de conscience tardive.

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Je discutais de cela avec un collègue pas plus tard qu’hier, et il me confirmait qu’il ressentait la même chose. Je pense que nous sommes des milliers à avoir une personnalité sexuelle multiple (on est peut-être d’ailleurs tous.tes comme ça finalement ?) : seulement, on n’en parle pas. On ne parle pas de ces choses taboues alors que la sexualité est un sujet qui intéresse secrètement tout le monde ou presque (et d’ailleurs, s’y intéresser n’est pas une obligation, loin de là).

De plus, comme l’explique Camille Rochet dans son livre L’amour commence après trois ans, il y a plusieurs types de désir dans une relation. Le désir passionnel qui a tendance à s’estomper, laissera place à une libido différente, qu’on peut entretenir de diverses manières. Nous sommes des animaux complexes, et notre libido fluctue aussi avec l’humeur, notre santé physique et mentale, et il est primordial d’arrêter de mettre le couple sur un piédestal, tout simplement.

En fait, le sexe peut être le ciment du couple si on a une libido active, qu’on ressent un besoin de sexualité. Mais il n’a pas besoin de l’être si notre couple base sa solidité sur autre chose. N’oublions pas, d’une part, qu’il y a des milliers de façons de pratiquer le sexe en couple, mais qu’il y a aussi des milliers de façons de vivre le couple.

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