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Vivre dans sa voiture pour se sentir libre

La "van life" à l'année, c'est possible.

Par
Christiane Oyewo
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Dormir au calme, dans un cadre dépaysant, qui n’en a pas rêvé ? D’ailleurs, beaucoup l’ont fait récemment. Mais je ne parle pas des citadins partis prendre l’air à la campagne quelques mois. Ni de ceux qui ont changé de pays pour travailler les pieds dans le sable. Non. Il est question de celles et ceux qui ont rendu les clés de leur maison et sont partis vivre en van, camping-car ou fourgons aménagés. En Europe, les ventes des véhicules de loisirs ont connu un vrai boom avec la pandémie et les envies de grand air de bon nombre. La preuve : plus de 200 000 modèles ont été vendus en 2020 selon la Fédération européenne du caravaning.

Backpackeuse dans l’âme, toujours prête à prendre mon sac à dos et partir à l’aventure, je me suis demandé si je pourrais vivre sur la route. J’ai d’abord pensé à un van Volkswagen, mythique représentation du road trip et de la “van life”, puis, en faisant mes recherches, je me suis aperçue que des personnes habitaient des espaces encore plus petits. Du coup, j’ai voulu m’entretenir avec l’un d ‘entre eux et savoir comment il faisait au quotidien.

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« Je vis à temps plein dans ma voiture depuis deux ans », m’explique sereinement Baptiste, 27 ans, originaire de Chartres. « C’est la liberté dans le sens où si tu te fais chier à un endroit, ou que tu as envie de partir, et bien tu pars », renchérit-il. Avant de se lancer dans une vie sur quatre roues, il a opté pour un autre choix sortant de l’ordinaire : planter sa tente dans le jardin d’une personne. En échange de petits services (comme s’occuper des animaux), cela lui permettait d’utiliser cuisine et salle de bain. « Mais bizarrement tu as moins d’intimité que quand tu es en voiture », me confie-t-il.

Sa maison depuis 2019 ? Une Peugeot 206 aménagée en deux semaines pour environ 150€ grâce à de la récup et de l’imagination. Il a construit un sommier avec des lattes en bois, ajouté un petit matelas de camping et mis beaucoup de rangements. Le coffre, lui, est dédié à la cuisine, une nécessité pour ce diplômé d’un master en nutrition, sport, santé, qui fait attention à ce qu’il mange et qui mise sur des produits de qualité.

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Vivre dans sa voiture était quelque chose de pragmatique au départ. « J’avais un gros emprunt de 10 000€ pour mes études, et une fois dans mon 20m2 qui me coûtait 600€ par mois, j’ai commencé à réfléchir à des alternatives », développe Baptiste. Sans compter qu’en plus des cours, il travaillait dans une bibliothèque. Il avait l’impression de jeter l’argent par les fenêtres et ne pas profiter de son logement (ce qu’on comprend quand on regarde les loyers de certaines grandes villes). Ayant toujours aimé être proche de la nature, il s’est dit : « Autant économiser un loyer et vivre au grand air ». Un choix pas totalement compréhensible vu de l’extérieur, il le reconnaît. Et on ne va pas se mentir, voir une personne vivre dans sa voiture peut questionner et même faire de la peine. S’il pleut, s’il fait froid, si la voiture tombe en panne… Des imprévus qu’il connaît trop bien, sa voiture n’étant pas tout à fait isolée (ni vraiment faite pour vivre à l’intérieur).

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« Routine métro-boulot-dodo »

Quand je lui demande ce qu’il en est du regard des autres et comment il le vit, il évoque trois profils. Ceux dans leur routine “métro-boulot-dodo” qui passent à côté de lui sans le regarder. Les personnes qui le reconnaissent comme lorsqu’il cuisinait devant tout le monde à l’arrière de sa voiture sur le parking de la faculté. Là forcément, c’est un peu plus difficile à vivre, admet Baptiste, mais d’après lui, « on apprend à se détacher du regard de l’autre en vivant de cette façon ». Puis les curieux qui viennent lui parler. C’est d’ailleurs grâce à ces rencontres qu’il a pu se laver au chaud durant le premier confinement. Les universités et espaces publics étant fermés, il ne pouvait plus utiliser les infrastructures. Au fil des discussions, on lui proposait d’aller se doucher dans un logement. Sinon, c’était dans la nature avec un tuyau, une petite douchette et une pompe pour augmenter la pression. Ou l’arroseur de jardin et ses mini-gouttelettes. Et en dernier recours le gant de toilette et la bassine.

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« Il y a aussi des gens qui me donnaient des sacs de nourriture alors que je n’étais pas dans le besoin », se rappelle le nomade. Sur les 500 euros/mois qu’il dépense, 350 partent dans la nourriture. Il s’agit principalement d’aliments bruts, peu de plats préparés ou qui doivent se conserver dans un frigo (qu’il n’a pas). Le reste va dans le forfait mobile, l’essence, une réserve en cas de problème ou encore les dernières échéances du prêt…Il gagne son argent grâce aux jobs saisonniers et des petits boulots chez les particuliers qui « lâchent un petit billet par-ci par-là ». Il fonctionne aussi avec le troc (de manière plus régulière il y a le SEL, Système d’Échange Local, on vous en reparlera) et le récemment le RSA. Depuis peu, il vadrouille sur les routes de Bretagne, Normandie, Rhône-Alpes et PACA en faisant du woofing. Considéré comme “SDF” aux yeux de l’administration française, lui se trouve juste libre et surtout, il “évolue”. « Si j’avais eu un logement et que je n’avais pas été confronté à un mode de vie incertain comme le mien, je n’aurais pas eu toutes les expériences et découvertes sur les autres et moi-même », relate Baptiste.

Rentrer tous les trois mois pour récupérer son courrier

Il aurait pu faire une demande d’hébergement (ce qu’on lui a proposé) mais non. Il a du mal à imaginer qu’on lui “donne” les choses comme ça. Pas par culpabilité, mais il trouve que ça l’enferme. Depuis qu’il n’est plus rattaché à son père fiscalement, il s’est rapproché d’un CCAS pour avoir une boîte aux lettres fixe. Seul “problème” selon lui : devoir rentrer tous les trois mois récupérer son courrier. Vivre entre quatre murs n’est pas dans ses projets. Il trouve sympa le fait de recharger les batteries dans le confort d’un logement mais avoir un appart et rester dans une ville où il n’est pas certain de s’épanouir, trop peu pour lui !

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Il va bientôt retourner à Chartres suivre une formation de création d’entreprise et une fois n’est pas coutume, il compte bien dormir dans sa voiture même si sa famille est dans la ville. La localisation de sa future entreprise de coaching est déjà à l’étude dans sa tête : « Idéalement ce sera en itinérance ». À suivre, donc.