Pendant longtemps, à Plouër-sur-Rance, il n’y avait pas de numéro sur les habitations. Je me souviens encore de mes parents au téléphone, avant l’avènement du sacro-saint GPS, tenter tant bien que mal de donner les indications pour trouver la maison. « Après la descente, il faudra tourner à droite puis ça sera la première maison sur votre droite, avec des hortensias », répétaient-ils sans cesse aux nouveaux venus. Certains trouvaient du premier coup mais le succès n’était pas garanti.
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Anonymat impossible
Même chose à l’école, avec les amis d’enfance, où chacun donnait le nom de son lieu-dit avec de brèves indications – à hauteur d’enfant – pour expliquer où il vivait. La Rusais, la Chiennais, le Bas-Bout…Tout cela en sachant que la commune s’étend sur pas moins de vingt kilomètres carrés, quand même. Il valait mieux ne pas se tromper.
A Plouër comme on l’appelle plus communément, on compte 3 500 habitants. Autant le dire tout de suite : tout le monde, ou presque, se connaît d’une manière ou d’une autre. Cette interconnaissance atteint son paroxysme lors de la traditionnelle fête de la musique, qui réunit presque les mêmes groupes chaque année et où l’on croise des visages connus à chaque coin de rue. Certains font plaisir, d’autres rappellent de mauvais souvenirs d’enfance. Celles et ceux qui ont grandi à la campagne doivent comprendre de quoi je parle.
La Rance, fleuve d’eau salée qui se jette dans la Manche en Bretagne, borde toute la commune et offre un cadre idyllique aux rivages. L’atmosphère n’y est pas marine mais presque. Même si, depuis l’installation d’un barrage hydroélectrique inauguré par le général de Gaulle (carrément) à l’estuaire de la Rance, entre Saint-Malo et Dinard, le cours d’eau s’envase d’année en année. Aujourd’hui, dès que la marée est basse, les baignades ressemblent plutôt à des séances de thalassothérapie mais les habitants, principalement les plus jeunes, n’hésitent pas à profiter du cadre pour faire trempette ou, depuis peu, profiter d’un tour en paddle.
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Au bord de l’eau
3 500 âmes donc mais beaucoup de commerces et de services, loin d’autres communes rurales françaises désertées dans lesquelles il faut parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour effectuer le b a b a du quotidien. Deux écoles, deux collèges, le choix entre privé et public (on est en Bretagne, ne l’oublions pas), une poste, un supermarché, une enseigne bio et un immense magasin de bricolage: à bien y réfléchir, on peut largement vivre en autarcie à Plouër. D’ailleurs, cela y ressemble parfois à certains égards. Une fois là-bas, difficile de partir. La vie y est trop agréable.
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Pendant longtemps, Plou ër a vécu du commerce et de la pêche. D’ici, comme de toutes les communes des bords de Rance, partaient les terre-neuvas, des marins qui tentaient la traversée jusqu’à Terre-Neuve au large du Canada pour ramener de la morue. Les chances de ne pas les voir revenir étaient grandes. Aujourd’hui, le port est toujours là mais avant tout pour les plaisanciers. C’est là, dans une petite piscine de mer, que l’on se baigne et que l’on retrouve les amis bien souvent. C’est ici aussi que l’on suit les cours de voile en kayak ou en goélette tout au long de notre scolarité.
Pour sortir à Plouër, pas grand choix si ce n’est un bar-resto convivial dans le bourg du village, Les Causettes. Mieux vaut profiter de soirées chez les uns et les autres comme cela se fait souvent. Les habitants sont des bobos avant l’heure, ils mangeaient bio avant même que les magasins dédiés s’implantent dans les parages. Pas étonnant que Guizmo, un des membres du groupe à succès des années 2000, Tryo, ait grandi ici. Il y a comme un terreau pour le cool et le hippie dans cette bourgade tranquille.
Topographie campagnarde
Ici, comme dans tout village, vivre dans le bourg ne ressemble en rien à la vie en dehors, sur les petites routes pleines de virages qui mènent à de grandes maisons de pierres, typiquement bretonnes. Du côté de la place de l’église, tout se fait à pied. Autrement, un vélo au moins est nécessaire pour se déplacer et profiter pleinement des joyeusetés qui nous entourent. « Le bourg » s’inscrit d’ailleurs dans toutes les phrases, ici on va dans le bourg comme on y habite, et le périmètre que l’on y associe est délimité dans toutes les têtes.
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Le long des côtés comme au fin fond des chemins, certains points de vue méritent le détour, voire une bonne balade. Des adresses que l’on susurre souvent entre connaisseurs. Plumazon et les abords de l’estran, aux odeurs douces amères. La Moinerie et son ponton sur lequel il arrive de croiser Joséphine, un phoque venu s’installer dans la Rance depuis de nombreuses années et qui se laisse totalement approcher. Une sorte d’icône locale. Dans le registre de l’étonnant, notons aussi l’emplacement de la maison de retraite, en face du cimetière avec balcon donnant vue sur cette dernière demeure. De l’humour noir ? La coïncidence me semble trop grosse, en tout cas.
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Même en y ayant grandi, je suis certaine de ne pas connaître tous les secrets de Plouër-sur-Rance. Son charme doit probablement venir de là.