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Ville de la semaine: Pau

Suivez le guide (virtuellement).

Par
Owen Barrow
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Cette semaine, c’est à Pau qu’on vous emmène. Virtuellement. Pau, je n’y suis pas allé depuis plus de 10 ans, il me semble. En temps normal, j’aurais pris un billet de train et cet article aurait été l’occasion de rendre visite à ma famille paloise. Mais confinement oblige, je reste bloqué à Lyon.

J’ai donc appelé ma tante, Caroline, Guide Épicurieuse dans la région. Epicurienne et curieuse de nature, comme elle aime se présenter. « J’ai décortiqué Pau en quartier, en thèmes et en périodes, j’ai pixelisé Pau. Ça va de la basse définition (la plus généraliste), à l’ultra zoomé « HD »… ». Aujourd’hui, Google Maps dans une main, FaceTime dans l’autre, on part ensemble pour une visite full HD.

Quand Caroline débute une visite, elle commence toujours par dire que Pau, « c’est une ville unique. » Unique pour plein de raisons, vous vous en doutez…

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Unique pour son cinéma d’art et d’essai dans une ancienne église anglicane, ses archives départementales dans une ancienne usine, son école de musique dans un ancien couvent.

Unique pour sa base d’eaux vives digne d’une ville olympique (avec Tony Estanguet, médaillé olympique qui s’y entraîne).

Unique car c’est une, si ce n’est LA première ville de France équipée d’un bus à haut niveau de service, le BHNS, bus à hydrogène, transport en commun 100% propre. FEBUS, son nom. Jeu de mots et référence à Gaston Fébus, illustre figure du Béarn.

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Unique car la mairie c’est le théâtre et le théâtre c’est la mairie. Le bâtiment fait littéralement deux en un: théâtre et hôtel de ville. On ne sait jamais qui en est l’acteur, ou le spectateur.

Unique car c’est en quelque sorte, un accident de la nature. Pau ce n’est ni le produit des Romains, ni celui des chrétiens (comme à peu prêt toutes les villes de France). Le raison d’être de Pau c’était qu’il s’agissait, au Moyen-Âge, d’un lieu de passage facile pour les bergers, afin de traverser le Gave.

Pau, c’est une capitale, au milieu d’un demi département, lui-même divisé en 2 entités historiques avec une forte identité qu’il ne faut surtout pas mélanger. Le Pays Basque sur la côte et le Béarn à l’intérieur des terres. Même si plein de faits historiques ont amené des choses communes, il ne faut surtout pas les confondre.

On ne peut faire une visite de Pau sans entendre parler des Anglais. Pour plusieurs raisons, là encore souvent issues du hasard: Pau a longtemps attiré la convoitise de ces derniers. En 1838, va y séjourner Alexander Taylor, un médecin venu s’y soigner. Il va écrire un livre qui va être publié et vendu à Londres. Les gens se l’arrachent. C’est un peu le « Trip Advisor 5 étoiles de l’époque » pour Caroline. « On lui doit tout à cet Alexander ». Son livre, On the curative influence of the climate of Pau, « t’as pas envie de le lire, je t’assure. 400 pages de statistiques, de taux de mortalités… Selon lui, c’est ici qu’on a une meilleure vie, les femmes remarquent que leurs cheveux bouclent naturellement, l’eau ne mouille pas, le climat est bon pour les poumons… »

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Pau va complètement changer au 19ème siècle pour répondre à l’exigence de la clientèle anglaise: construction d’un golf (le plus ancien du continent européen), du boulevard des Pyrénées, de somptueuses villas à l’anglaise… D’ailleurs, beaucoup d’Anglais sont enterrés à Pau. « On a un cimetière incroyable. C’est un « pixel » de la ville dont on pourrait parler pendant 2h. » Un recueillement sur la dalle très austère de Taylor mérite un détour, juste à côté des enfants de l’émir Abdel Kader, enterrés là aussi. Mais l’heure tourne et il faut qu’on avance.

Alors vivre à Pau aujourd’hui, qu’est ce que c’est? Si l’on sort un peu du Moyen-Âge et des bouses de vaches du temps de la transhumance…

Pau c’est plein de magnifiques jardins, une qualité de vie extraordinaire, très saine. Les floraisons sont toujours en avance, ici. Il y a un petit jardin japonais magnifique, le jardin de Kofu. En ce moment, les azalées et cerisiers sont en fleurs, il y a aussi de gigantesques séquoias qui contrastent avec la nature miniaturisée.

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Pau c’est aussi un bassin de street artistes assez important. Première ville d’Aquitaine envahie par Invader, 2 ans après Paris. Caroline est persuadée « qu’il devait y avoir pas mal de complices à Pau, car on en a 10, de Space Invaders». Puis il y a Codel et ses petits monstres bleus, ses monstres à lui, ils volent des culottes. Et enfin, Oazar, le petit personnage qui court tout le temps et qui a peur de plein de choses. Il fuit tout ce qu’il n’aime pas. En ce moment il est amoureux, alors son petit bonhomme ne fuit plus, il a une bombe dans la main et met du rose partout, des coeurs sur tous les murs.

Pau c’est une ville sportive! Incontournable sur le tour de France, jamais Pau n’a été enlevée du Tour, depuis qu’il passe par les Pyrénées. Il y a un musée en plein air qui s’appelle le tour des géants, juste sous le boulevard des Pyrénées. Cela peut paraître anecdotique, mais il y quelques années, le Decathlon de Pau était le plus grand de France. Golf, pala, sports de montagne, sports d’eau, de terre, cyclisme, équitation… 2018: Pau est élue capitale européenne du sport.

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S’il n’y avait pas eu le confinement, si j’avais pu me rendre à Pau, là, ce week end: qu’est ce qu’on aurait fait, avec Caroline?

On aurait délocké un vélo Idécycle et pour même pas 2 euros, on aurait parcouru parcs, jardins et quartiers où les villas anglais de la Belle Epoque affichent leur belle allure.

On aurait marché sur le boulevard des Pyrénées. Marcher, pas manger (trop touristique), on aurait peut-être pris une bière en terrasse.

Se balader sur le boulevard, c’est entendre des gens tout autour de toi, en FaceTime avec la terre entière. « Et toi? T’es où? Il fait froid? Regarde nous! Hé mais regarde le temps, et la vue ! On est en tee-shirt là, t’y crois?? » On aurait donc appelé nos amis à Paris, pour se la raconter un peu. Eux en pull dans la grisaille, nous avec nos lunettes au soleil, à regarder les montagnes à l’horizon, pics enneigés sous l’ombre des palmiers, comme sur la promenade des Anglais, à Nice ! « Tu y crois toi que le boulevard devait d’ailleurs, au départ, devenir la N117? Si on avait écouté les conseils d’un Parisien qui travaillait avec le baron Haussmann… » Et bien voilà. C’est ce qu’on appelle le Karma.

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On aurait visité le palais Sorrento (dont Caroline a l’exclusivité), palais de style italien avec son toit terrasse, sa cage d’escalier en marbre de Carrare, ses cariatides. La totale: on en oublie qu’on est “juste” à Pau.

On aurait pris un goûter au Beanz café (Béarn Australie Nouvelle Zélande). Créé à l’origine par des femmes des rugbymen à la section paloise, originaires d’Australie et de Nouvelle Zélande. Elles ont créé un tout petit Coffee shop. On y mange les meilleurs carrot cake et gâteaux au gingembre. Elles ont aussi une super playlist Spotify. Le premier était dans une toute petite impasse, à la clientèle ultra anglo. Elles ont récemment ouvert sur le boulevard des Pyrénées. C’est un truc énorme! « Bon, c’est un peu le sandwich à 14 balles, mais c’est vraiment cool. »

On aurait visité son château, musée nationale, où on y vient admirer la très fameuse carapace de tortue, berceau d’Henri IV.

On se serait promenés dans le quartier du Hédas, ravin nord, ancien quartier ultra populaire qui contrastait avec la haute ville. Après 3 ou 4 ans de réhabilitation, ils ont créé une sorte de coulée verte, ancien lit d’un ruisseau. La nuit, c’est éclairé, il y a des projections sur les murs, sur les sols des images un peu féériques et magiques. C’est une super balade.

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On aurait brunché au Tok Sweet Food and More, tenu par une volleyeuse pro reconvertie en pâtissière. Pâtisserie avec un brunch, un dimanche par mois, 0 gaspi, 100% local. Les meilleurs cheesecake de la ville selon Caroline, et aussi l’un des rares endroits pour trouver du Ginger Beer. Sonia, la gérante se considère comme « la plus grande des gourmandes de France ». Sa compagne vient lui donner un coup de main de temps en temps. On y entre par gourmandise mais on devient très vite amis.

On aurait assisté à un match de Casta Punta au Jaï Alaï ou participé à une session de « drag ». Rien à voir avec Rupaul ici, il s’agit d’une chasse à courre tout à fait particulière inventée par les Américains à Pau. La chasse au renard ne devient que prétexte à pratiquer l’équitation en nature.

On aurait mangé une glace chez Georgio, on aurait ouvert une bonne bouteille de Jurançon, vendanges tardives, moelleux, simplement délicieux. On aurait acheté du chocolat chez La Couronne, où Charles de Gaulle commandait pour l’Elysée dans les années 50, où on serait allés déguster des “coucougnettes”, ou les tétons de la reine Margot chez Miot, confiseur à la renommée internationale. On aurait mangé un bägel dans la rue commerçante, ou libanais à la Fiancée. « Je t’aurais montré qu’à Pau, on peut manger ce que l’on veut. »

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Enfin, pour profiter de la douceur du climat, même la nuit tombée, quartier du château, en terrasse du Piano sans Nuit, on aurait commandé un délicieux cocktail sous les recommandations du patron, histoire d’écouter un défilé incessant de musicos improviser sur le piano toujours distrait !

Pau mérite qu’on s’y penche de nouveau. Détour sur la route des vacances ou crochet depuis Lourdes, les stations de ski ou les plages landaises, la première fois, ce sera une découverte étonnante. La seconde fois, vous aurez envie d’y séjourner lors de rendez-vous annuels (carnaval Biarnes, Concours Complet Hippique, Festiv’Oc, Grand Prix, Tour de France ….) Mais la troisième fois, vous y resterez pour de bon.

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Véritable ville épicurienne, faite pour les épicurieux, finalement. Dès que le confinement est levé, moi je file à Pau. Filez-nous vos 06: avec Caroline, on vous appellera depuis le boulevard des Pyrénées.