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Ville de la semaine: Nice

"Nissa la Bella"...

Par
Camille Seasal
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En temps “normal”, je me réveillerais doucement, je me préparerais et je sortirais. Je descendrais l’avenue Jean Médecin où les commerces et magasins s’éveilleraient eux aussi. Je passerais devant la gare SNCF et la basilique Notre-Dame de l’Assomption qui est une sobre réplique de Notre-Dame de Paris. J’arriverais sur la place Masséna avec son sol en damier noir et blanc, reconnaissable entre mille.

Je prendrais le temps de détailler les façades Belle époque de cette couleur rouge-ocre que les Niçois.es connaissent si bien. Il y aurait des enfants qui joueraient dans les fontaines de la coulée verte, bulle de verdure, des gens en terrasse, des street performers, rappeurs, danseurs de hip-hop ou encore magiciens. Je prendrais le temps de regarder leurs performances.

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Aujourd’hui, j’imagine cette place vide de toute vie, alors que d’habitude elle est le coeur battant de la ville. C’est le lieu de toutes les festivités : le Carnaval de Nice, le festival de Jazz et ceux de l’été, le marché de Noël et tant d’autres.

C’est sur cette même place, au pied de la fontaine du soleil que l’on se retrouve entre amis pour ensuite sortir boire des coups « dans le vieux ».

L’éphèbe de Janniot et ses quatre chevaux en bronze surplombent cette place, la surveillent, la protègent. C’était le rôle d’Apollon, protecteur de la ville lorsqu’elle était encore grecque et s’appelait Nikaïa. Quand on est niçois.e, on sait que c’est plus qu’une statue ou qu’une fontaine. Ce marbre, qui a fait rougir une génération entière de par la taille de ses attributs, fait rire les jeunes et se retrouve victime de leur malice. Il n’est pas rare qu’ils rajoutent du savon à l’eau de la fontaine pour n’importe quelle occasion : baccalauréat, fin du carnaval de Nice, finale de coupe du monde de foot, 14 juillet…

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J’irais ensuite me balader sur le cours Saleya pour profiter du marché. Lieu où les sens sont exaltés et nourris: les effluves de parfum du marché aux fleurs, les couleurs vives des légumes du soleil qui s’offrent à mes yeux, le doux parfum des spécialités niçoises. Je saliverais devant la pissaladière, le pan bagnat, les petits farcis et la socca. Bien sûr, je me laisserais tenter par cette dernière, péché mignon depuis mon enfance. Cette galette de farine de pois chiches cuite au feu de bois ne s’agrémente que de poivre. Je ferais même la queue pendant trente minutes pour en avoir une portion.

Je m’installerais en terrasse pour prendre un café au soleil, je lirais Nice-Matin, puis je me laisserais chatouiller le visage par le soleil niçois. Je me réchaufferais la peau et le coeur en noyant mon esprit dans le brouhaha du marché. Le bruit des gens qui discutent, qui rient, qui crient, qui vivent. Ce qui m’agaçait dans le passé me semble si doux après un mois confinée.

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J’irais manger un pan bagnat sur les chaises bleues de la promenade des Anglais. Bien sûr, dès le premier croc dans ce sandwich niçois, l’huile, dont le pain regorge, ferait une auréole de gras sur mes vêtements.

Face à cette vue imprenable sur la baie des anges, je réaliserais à quel point il fait bon vivre dans une si jolie ville. Ce serait l’occasion de prendre une grande bouffée d’air frais et de se laisser titiller les narines par l’iode de l’écume de la Méditerranée.

Je me promènerais sur la promenade des Anglais, j’irais jusqu’à Rauba Capeù, l’extrémité est de cette avenue célèbre dans le monde entier. La vue sur la baie de Anges y est fantastique mais c’est surtout le lieu de gentilles moqueries: le vent soufflant très fort sur cette partie de la promenade, les chapeaux des touristes innocents volent. Il est toujours amusant de les voir courir après leur couvre-chef. Vous comprenez alors l’origine du nom “rauba capeù”, le voleur de chapeaux.

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Ensuite, je monterais sur la colline du château, je me baladerais entre les ruines de ce dernier et j’irais admirer le panorama que ce parc nous offre sur la baie des Anges.

La baie des Anges, qui doit son nom à ce petit requin inoffensif que les pêcheurs ramenaient dans leurs filets et dont les ailerons leur faisaient penser à de petites ailes. Mais, je préfère garder l’histoire que mon imagination d’enfant avait créée. Oui, j’imaginais que de vrais anges se baladaient, jouaient et dansaient au-dessus de la mer, profitant de la beauté du paysage avec la mer au premier-plan et les sommets enneigés à l’arrière, Nice s’étendant à leurs pieds comme un grand terrain de jeu.

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Dans la soirée, je retrouverais mes ami.es dans un bar de la vieille ville. On prendrait l’apéro, on mangerait une glace chez Fennochio où les parfums sont abracadabrants, on prendrait le temps de se retrouver après cette période d’isolement. La soirée se finirait probablement tard et on rentrerait en riant chez soi. J’espère que l’on sera chanceux.euses et qu’aucun habitant de la vieille ville ne nous jettera des oeufs ou des seaux d’eau pour nous aider à réduire le volume sonore de nos rires.

Après un mois de confinement, c’est à cela que ressemblerait une journée normale à Nice. C’est à cela que ma journée ressemblera quand tout sera fini. Toutes ces petites choses qui me semblaient anodines et qui me manquent aujourd’hui. Cette période aura tout de même eu du bon, elle m’a fait redécouvrir la ville qui a servi de décor à plus de vingt ans de ma vie: j’ai l’impression, aujourd’hui, de l’apprécier davantage.

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Enfin, personne ne sait raconter Nice comme Mado la Niçoise, alors je vous laisse sur ses mots, son humour et sa poésie :

P.S : voici LA VRAIE recette de la salade niçoise, pour mettre fin aux débats. Bon appétit!